À trois reprises depuis l’automne 2021, Couche-Tard a fait circuler son message, ce qui lui a permis d’amasser pas moins de 13 400 candidatures, de pourvoir plus de 576 postes et de rouvrir toutes ses succursales. (Photo: courtoisie)
RECRUTER À L’ÈRE DE TIKTOK. Au creux de la pandémie, l’équipe de recrutement de Couche-Tard a dû se rendre à l’évidence: elle ne pouvait plus simplement s’appuyer sur sa notoriété afin de pourvoir ses 982 postes vacants.
Julien Gauthier, directeur des ressources humaines de l’Unité d’affaires pour l’est du Canada, a su flairer que c’était sur ces plateformes qu’il parviendrait à trouver de futurs candidats, lesquels sont plus difficiles à dénicher qu’auparavant.
« On l’a eu à la dure, car on a surfé pendant des années sur une marque forte avec Couche-Tard. Les gens venaient porter leur CV. Or, on s’est rendu compte que même quand on est gros, qu’on a plus de 600 points de vente au Québec, qu’on est un employeur de choix, la compétition est féroce », raconte-t-il deux ans plus tard.
La partie n’était pas gagnée d’avance pour faire approuver cette mission séduction à grand déploiement dont la facture avoisinait les 250 000 $. Julien Gauthier précise que cette somme est semblable à celle qui était dépensée dans le passé pour embaucher. Or, elle n’avait jamais été versée aussi tôt dans le processus d’acquisition de talents.
« On ne pouvait pas dire [à notre conseil d’affaires, qui tient les cordons de la bourse] qu’on allait leur retourner 20 % sur leur investissement. On misait plutôt sur le fait que c’était la bonne chose à faire et qu’on avait besoin de rouvrir nos magasins », explique le dirigeant.
« Curriculum vide »
Pour atteindre les jeunes avec peu ou pas d’expérience de travail, Couche-Tard a donc lancé une campagne de recrutement basée sur le « curriculum vide ».
Imaginée par l’agence créative Taxi, elle alliait vidéos humoristiques avec des influenceurs et des publicités sur des plateformes comme Spotify afin d’atteindre les candidats là où ils se trouvaient, c’est-à-dire devant leur écran de cellulaire à la maison.
À trois reprises depuis l’automne 2021, Couche-Tard a fait circuler son message, ce qui lui a permis d’amasser pas moins de 13 400 candidatures, de pourvoir plus de 576 postes et de rouvrir toutes ses succursales. « C’est un taux de rédemption de 4,3 %, se réjouit « a posteriori » le dirigeant. Ça peut sembler peu. Or, normalement, une campagne de ce genre génère un taux de 2 %. »
Le réel rendement de l’investissement de cette campagne, c’est la banque de candidatures potentielles que l’entreprise s’est créée. « On a toute une stratégie intégrée pour piger dedans par la suite. On relance les personnes qui nous ont laissé leurs coordonnées. Ça fonctionne, et c’est à coût nul. »
Créer des synergies
Ce qui a véritablement permis à la campagne de décoller, croit Julien Gauthier, c’est la collaboration avec l’humoriste Liliane Blanco-Binette, qui a participé à l’émission de téléréalité « Big Brother Célébrités », populaire auprès des cibles que la société tentait alors d’atteindre.
Néanmoins, ce n’est pas la première fois que l’entreprise collabore avec des visages connus pour atteindre ses clients. « C’est un créneau qu’on utilisait auparavant pour promouvoir nos produits. À « Occupation Double », on voyait déjà notre logo, nos publicités. Pourquoi ne le ferait-on pas pour recruter, au lieu de juste le faire pour nos gens et pour notre marque ? »
Forte de son expérience, l’entreprise compte maintenant s’appuyer sur ses employés pour qu’ils créent du contenu sur leur quotidien au sein de l’organisation et deviennent ainsi des ambassadeurs de marque employeur. Ce contenu sera diffusé sur l’application de communication interne de Couche-Tard à l’automne prochain.
Afin de pérenniser les retombées de leurs efforts, les équipes d’acquisition de talents et de marketing tentent de créer des synergies, voire carrément de créer une sous-division de marketing RH. Elles courtisent d’ailleurs depuis cinq ans la haute direction de l’entreprise en ce sens.
« C’est tellement pertinent d’avoir [une telle division] aujourd’hui, parce que le recrutement a tellement changé, ça va si vite, martèle Julien Gauthier Il faut être agile pour capter des gens dont on perd rapidement l’attention et qui prennent la décision de venir travailler chez nous ou chez le compétiteur en cinq secondes. On ne peut plus faire comme avant. »