Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Faites place aux recruteurs influenceurs

Catherine Charron|Édition de la mi‑septembre 2023

Faites place aux recruteurs influenceurs

Pierre-Luc Labbée, président et stratège de talents créatifs à l’agence rhum (Photo: courtoisie)

RECRUTER À L’ÈRE DE TIKTOK. Fort de plus de 20 ans de métier et d’un réseau comptant plus de 30 000 relations sur LinkedIn, Pierre-Luc Labbée, président et stratège de talents créatifs à l’agence rhum, observe que de plus en plus de recruteurs tentent de parfaire leurs compétences en création de contenu.

Autrefois une porte d’entrée dans le département de la gestion des ressources humaines, l’acquisition de talents se rapproche tranquillement du marketing, car les aptitudes désormais requises pour attirer des candidats ressemblent davantage aux leurs. « Les recruteurs deviennent des ambassadeurs pour leur employeur, ou pour leur propre marque, explique-t-il. On observe une tendance à l’hyperpersonnalisation en marketing semblable à l’hyperpersonnalisation de l’expérience candidat. C’est là où certains recruteurs vont se démarquer avec le type de contenu et le ton qu’ils vont utiliser avec leur public. »

Sans LinkedIn, Sébastien Vachon, directeur gestion de talents à l’agence La Tête chercheuse, ne croit pas qu’il aurait pu se tailler une place aussi rapidement dans l’industrie dans une firme de consultants en acquisition de talents. Et c’est grâce à sa stratégie de diffusion de contenu qu’il y est parvenu.

« Partager des témoignages, des histoires, des rencontres de candidats, ça a toujours fonctionné, rapporte-t-il. Les gens se sentent interpellés, peut-être parce qu’ils ont aussi rencontré de tels défis. Ils me contactent, car ils sont à la recherche d’opportunités similaires, ce qui me permet de bâtir mon réseau. »

Pierre-Luc Labbée met de l’avant les nouvelles compétences des recruteurs en matière de développement d’audience. « On les voit maintenant sur plusieurs plateformes. En balado ou dans un billet de blogue, les recruteurs vont mettre en valeur la culture de leur entreprise, le leadership de leur employeur ou se mettre en avant-scène, un peu comme le font les influenceurs », illustre-t-il.

Tout comme eux, si les joueurs de l’industrie se joignent à son réseau, c’est parce qu’ils inspirent la confiance, et s’intéressent au contenu qu’il diffuse, croit Pierre-Luc Labbée. Ainsi, lorsqu’il lui arrive à l’occasion de parler d’une entreprise qui l’a mandaté pour trouver de nouveaux talents, c’est un peu comme s’il estampillait son sceau d’approbation sur la marque employeur de celle-ci.

 

Qualité plutôt que quantité

Comme avant, les recruteurs ne se distinguent toutefois pas par la taille de leur réseau, mais par la qualité des liens qu’ils entretiennent, nuance le fondateur de rhum. C’est d’ailleurs pourquoi il trie chacune des demandes de connexion qui lui sont envoyées.

Sur LinkedIn, il va mettre de l’avant du contenu éducatif et intéressant pour son audience. Cultivant ainsi sa notoriété, « lorsque je contacte directement quelqu’un, mes offres sont davantage prises au sérieux. »

Sébastien Vachon aussi constate que sa présence en ligne, à laquelle il consacre d’une à deux heures de son temps chaque jour, lui permet de tisser des liens avec sa communauté. « Au moins une fois par semaine, lorsque je fais des entrevues, en toute humilité, on me parle du contenu que je diffuse. Ça permet de rejoindre les gens de manière plus personnelle. »

 

S’approprier les codes du marketing d’influence

À condition de bien orchestrer leurs interventions, les petits joueurs qui ne disposent pas d’une tonne d’abonnés peuvent aussi tirer leur épingle du jeu.

« Lorsqu’on demande aux gens pourquoi ils veulent travailler chez nous dans les dernières embauches qu’on a faites, on nous dit que c’est parce qu’ils ont vu notre compte Instagram et qu’ils adorent notre culture d’entreprise », rapporte Charlie Fernandez, PDG de l’agence Studio Réverbère qui compte 13 membres.

D’après lui, encourager ses employés à devenir des influenceurs, c’est un peu comme se baser sur le principe du bouche-à-oreille : « C’est le b-a-ba du commerce ».

Nicolas Bon, président de l’agence de marketing Clark Influence, recommande aux entreprises qui souhaitent suivre cette recette de mandater des employés qui possèdent naturellement des talents d’ambassadeurs. Les spécialistes de l’acquisition sont d’ailleurs de bons candidats, d’après lui.

« Qui sont les employés les plus influents sur les réseaux sociaux, ceux qui ont la plus grande communauté ? Après on peut les aiguiller, leur proposer du contenu qui ressemble à la marque, mais qui respecte la ligne éditoriale de l’employé. »

Cet équilibre est primordial en marketing d’influence. Ce dernier « doit prendre la parole naturellement. L’employé ne doit pas se sentir obligé de publier, sans quoi ça peut devenir contre-productif », prévient-il.

Au moment où leurs pages sur les réseaux sociaux sont de moins en moins consultées, les entreprises ont tout intérêt, selon Nicolas Bon, à donner à leurs salariés l’envie de partager leur expérience au sein de l’organisation.

« L’influence, finalement, ça permet de démultiplier l’engagement, de créer du contenu authentique et de personnaliser l’offre. Ça change drastiquement le paradigme des affichages de poste traditionnels », conclut-il.