L’approche modulaire est une option intéressante pour ceux qui souhaitent assurer la loyauté des employés sans nécessairement gonfler les salaires. (Photo: courtoisie)
RÉMUNÉRATION GLOBALE. Après les stratégies salariales agressives des dernières années, les employeurs cherchent aujourd’hui plutôt à réduire leurs coûts. Adopter une rémunération qui permet aux employés de choisir leurs avantages serait une bonne façon de garantir une certaine satisfaction des troupes.
Pour Mélissa Pilon, experte-conseil en rémunération et fondatrice de la firme Rémunération & Co., la mentalité de rémunération « taille unique » doit faire place à un nouveau modèle, plus ouvert. La consultante, qui vante les mérites de l’approche « cafétéria » depuis une dizaine d’années, observe que celle-ci attire réellement l’attention des employeurs depuis plus récemment. « Ce n’est toujours pas la majorité des organisations qui est prête à explorer ça, dit-elle. Je dirais que depuis environ cinq ans, elles s’y intéressent plus, car elles cherchent de plus en plus des solutions de rétention créatives. En Europe, j’ai l’impression que c’est beaucoup plus implanté. »
L’approche modulaire, ou cafétéria, permet à l’employé de choisir les éléments qui composeront son forfait de rémunération. En général, cette approche propose trois options de forfaits, mais une panoplie d’éléments peuvent y être ajoutés. « Je recommande de commencer par de petits pas : temps, argent, retraite, dit Mélissa Pilon. On garde ça simple. Après, la liste peut s’allonger, en quel cas il va devenir important de consulter un comptable, un fiscaliste, un spécialiste en assurance collective et en régime de retraite, si on désire offrir des choix plus vastes. »
C’est bien de choisir
L’approche modulaire est une option intéressante pour ceux qui souhaitent assurer la loyauté des employés sans nécessairement gonfler les salaires. « Si j’ai un nouvel employé dans mon équipe dont le salaire est de 65 000 $ par an, c’est facile de calculer qu’une semaine de vacances, à 2 % de son salaire, ça me coûte 1300 $ en tant qu’employeur, illustre Patricia Lavallée, consultante en ressources humaines chez MezAfairs/Soluflex Montréal-Centre. Que je lui verse ce montant-là en vacances supplémentaires, en cinq journées personnelles, que je mette 1300 $ dans son compte santé et bien-être ou que j’augmente son salaire, ça va toujours me coûter 1300 $. Mais pour cette personne, ça va sûrement avoir une influence positive sur sa perception. »
De plus, cette approche permet de réduire les iniquités et les frustrations au sein des équipes, ajoute Patricia Lavallée. « Si quelqu’un a une semaine de vacances de plus que moi, je sais que c’est parce qu’elle a choisi cela plutôt qu’autre chose, dit la consultante. Personne ne se dit “pourquoi, moi, je n’ai pas eu droit à ça ?”. Ça laisse moins de place à la jalousie ».
Et dans l’assurance ?
L’assurance collective se familiarise elle aussi avec les forfaits « à la carte ». Yan Tousignant-Lévesque, associé et directeur service-conseil à MR Gestion de patrimoine & Solutions collectives, dit que son cabinet a récemment ouvert les options de régimes modulaires aux entreprises de plus de 50 employés. Auparavant, les assureurs n’acceptaient cette formule que pour les organisations d’un minimum de 100 employés. « Chez beaucoup d’employeurs, on va retrouver trois générations d’employés : ceux en début, en milieu et en fin de carrière, dit-il. Les enquêtes et les tendances montrent que ces trois groupes ont des besoins en assurance bien différents. »
Actuellement, « facilement 30 % de nos clients ont accès à un régime modulaire », ajoute Yan Tousignant-Lévesque, mais ce dernier croit que ce taux est amené à augmenter. « On assiste vraiment à une forme de démocratisation du régime modulaire », dit-il.
Qu’est-ce qu’un nom ?
Comment différencier un régime modulaire, cafétéria et à la carte ? Les experts interrogés emploient les trois termes de façon plus ou moins interchangeables, quoique l’appellation « modulaire » semble plus adaptée au marché québécois. « On peut dire cafétéria, mais cela fait plus référence à un choix total, alors que ce qu’on observe ressemble à ce que l’on va appeler modulaire, en général : l’employeur va proposer deux ou trois options de forfait à l’employé, qui choisit en fonction de sa préférence », dit Yan Tousignant-Lévesque.
Peu importe le nom que l’on préfère, la réalité demeure la même, prévient Patricia Lavallée : choisir une option, c’est se départir d’une autre. « Aucun régime ne permet aux employés de choisir à la carte toutes leurs protections qui leur conviendraient, du type “je veux des lunettes, je veux des soins dentaires et je veux un gros REER”, dit-elle. Cela serait bien trop coûteux et irait à l’encontre même du principe d’assurance. Si les employés ne choisissaient que les protections qu’ils sont sûrs d’utiliser, le risque ne serait plus le même et les coûts devraient être substantiellement majorés ».