Les demandes d’entreprises pour se faire accompagner dans la mise à jour de leur politique de rémunération globale atteignent un sommet. (Photo: 123RF)
RÉMUNÉRATION GLOBALE. « Ma boîte de courriels explose, c’est du jamais vu en termes de charge de travail ! » Mélissa Pilon, CRHA, experte-conseil et fondatrice du cabinet Rémunération & Co n’en revient pas. Avec l’inflation, la pénurie de main-d’œuvre et les changements provoqués par la pandémie, les demandes d’entreprises pour se faire accompagner dans la mise à jour de leur politique de rémunération globale atteignent un sommet.
Il faut dire que la discipline s’est grandement complexifiée au cours des dernières années, et ce, dans ses trois composantes majeures : la rémunération directe (le salaire et les bonis, notamment), la rémunération indirecte (les avantages sociaux, par exemple les assurances collectives ou les congés) et les conditions de travail (climat de travail, reconnaissance, conciliation travail et vie personnelle, développement de compétences, etc.).
Dans un marché où le rapport de force est devenu largement favorable aux employés, ces questions sont en effet cruciales pour la plupart des entreprises de la province. « On n’a jamais vu autant de personnes changer d’emplois », constate Anna Potvin, CRHA, conseillère principale et cheffe de la pratique rémunération chez Normandin Beaudry.
« Évidemment, c’est sur la rémunération directe que la pression est la plus grande », indique Marc Chartrand, CRHA, associé et conseiller principal chez PCI rémunération-conseil. « Mais c’est sur les autres dimensions qu’il est possible d’être le plus créatif et de fidéliser ses salariés à long terme », complète Claudio Gardonio, CRHA, associé-directeur de CGC Talent.
Priorité au bien-être sous toutes ses formes
Selon les experts consultés, les pratiques en matière de rémunération globale sont bouleversées par deux grandes tendances émergentes. « Une dimension qui se situe de plus en plus au centre de la rémunération globale des employés », confirme Stéphane Paré, directeur principal talent et rémunération au sein du cabinet Willis Towers Watson. Il est ici question de bien-être social, émotionnel et physique.
Les traditionnelles deux semaines de congés payés semblent bien trop maigres aujourd’hui pour de nombreux salariés, par exemple. Un recruteur relate avoir vu une commis qui, en changeant d’emploi, a exigé de conserver les quatre semaines de vacances qu’elle avait obtenues chez son ancien employeur. Une demande qui aurait été inenvisageable il y a quelques années.
« Les vacances ne sont pas un avantage, mais un droit », affirme de son côté Louis-François Poiré, directeur de la rémunération globale à Ubisoft. Chaque employé du studio de jeux vidéo a d’emblée le droit à six semaines de vacances annuelles, et le congé parental offert par l’entreprise a également été bonifié en fin d’année dernière.
« Les entreprises cherchent également à réduire le stress économique de leurs employés par le biais d’éducation à la littératie financière, de conseils en placements ou d’applications leur permettant de suivre l’évolution de leurs finances personnelles », ajoute Guylaine Béliveau, CRHA, directrice des services-conseil rémunération au cabinet Solutions Mieux-être Lifeworks.
Sans oublier le volet gestion de carrière, formation et développement personnel, qui contribue aussi au bien-être en emploi. « Le coaching ou le mentorat sont des sujets qu’il est de plus en plus fréquent d’aborder avec des candidats en entretien d’embauche », assure Claudio Gardonio.
L’ère de la flexibilité
La deuxième tendance observée tient en un mot: flexibilité. Autrement dit, la faculté d’une organisation de faire preuve de souplesse dans ses pratiques de ressources humaines (RH) afin de favoriser l’autonomie ainsi que l’équilibre entre la vie privée et le travail des employés. « On ressent une accélération incroyable de la prise de conscience dans les organisations sur cette notion depuis deux ans », certifie Geneviève Provencher, fondatrice du cabinet Flow, spécialiste de la flexibilité en entreprise.
Pour cette experte, la clé est de sonder les besoins des employés, puis de fonctionner par projets pilotes, afin de mesurer le taux de satisfaction de ces derniers et l’adéquation avec le modèle d’affaires de l’entreprise. C’est ce qu’a fait la PME de Lanaudière Maisons usinées Côté quand elle a décidé de mettre en place la semaine de quatre jours, il y a quelques mois. Et le Mouvement Desjardins, au moment de fixer sa politique de retour au travail (quatre jours à la maison et un au bureau par semaine). « On a écouté les salariés pour savoir ce qu’ils souhaitaient », indique Marc-André Malboeuf, vice-président au développement de solutions en ressources humaines de la coopérative financière.
Le concept de flexibilité peut aussi bien toucher les avantages sociaux, le style de leadership, l’aménagement des bureaux, voire les horaires ou le lieu de travail. L’entreprise montréalaise Gsoft a par exemple autorisé l’été dernier ses 300 salariés à travailler depuis un pays étranger un maximum de 150 jours par an. Une quarantaine ont déjà profité de cet avantage. « Certains nouveaux employés nous ont dit que cela avait contribué à leur envie de venir travailler chez nous », confie Frédérick Poulin, son directeur de la rémunération globale. Une preuve que la créativité et l’empathie peuvent favoriser la fidélisation.