Le droit à la déconnexion prend de plus en plus d’ampleur au Québec. (Photo: 123RF)
RÉMUNÉRATION GLOBALE. Décryptage de quatre innovations en matière de rémunération globale au Québec.
La semaine de quatre jours
Travailler seulement quatre jours par semaine: voici l’un des concepts les plus en vogue en matière de ressources humaines (RH). « Il se peut que cela devienne une nouvelle norme », avance Claudio Gardonio, CRHA, associé-directeur du cabinet CGC Talent.
Toutefois, sa mise en pratique peut différer selon les entreprises. Chez le fabricant de t-shirts montréalais Poches et fils, les employés sont passés en juillet dernier de 40 heures à 32 heures de travail par semaine, sans diminution de salaire. Pour sa part, Maisons usinées Côté, dans Lanaudière, a permis à ses employés à la production d’effectuer leurs 40 heures hebdomadaires entre le lundi et le jeudi, ce qui signifie l’augmentation du temps de travail quotidien.
« Cela a provoqué un wow ! chez les personnes en poste comme chez les candidats », affirme Kamie Richer, responsable de la culture au sein de la PME. L’entreprise d’une centaine d’employés a d’ailleurs accompagné ce changement d’horaire d’une vaste campagne de publipostage régionale, sous forme de cartes postales présentant différentes activités désormais possibles le vendredi pour ses employés : faire de la motoneige, de l’alpinisme, etc. L’initiative a permis d’embaucher quatre personnes.
« On a commencé par un projet pilote et on s’est rendu compte que cela n’avait pas d’influence négative sur la productivité », explique Kamie Richer. L’usine reste malgré tout ouverte le vendredi pour les deux employés qui souhaitaient conserver leur ancien horaire. Signe que la semaine de quatre jours n’est pas non plus une panacée.
Le droit à la déconnexion
Avec l’essor du télétravail, la question du droit à la déconnexion prend de plus en plus d’ampleur au Québec. Selon ce principe, un salarié a le droit de ne pas être connecté à ses outils numériques professionnels en dehors des heures de travail. Instaurée en France depuis 2017 et envisagée par le gouvernement ontarien depuis octobre, la mesure est défendue dans la province par Québec Solidaire, qui a déposé un projet de loi en ce sens en décembre.
Le studio de jeux vidéo Ubisoft n’a pas attendu un éventuel changement législatif pour mettre le concept en pratique, en fin d’année dernière. « Je sentais un signal faible de la part des gestionnaires qui, par exemple, ne savaient pas comment réagir s’ils recevaient un message à 19 h, témoigne Louis-François Poiré, son directeur de la rémunération globale. Désormais, c’est clair : pas d’obligation d’y répondre. Car la flexibilité des uns ne doit pas se faire au détriment de la liberté d’autres. »
La technologie au service des RH
L’innovation en rémunération globale se fait également par le biais technologique. La pandémie a par exemple donné un fantastique coup d’accélérateur aux applications de télémédecine, offertes comme de nouveaux avantages sociaux, à l’image des cliniques virtuelles Dialogue, Maple, Telus Santé et Olive.
L’entreprise montréalaise Gsoft, qui édite déjà la solution d’engagement salarié Officevibe, a pour sa part voulu répondre aux besoins du moment en lançant en novembre une nouvelle plateforme baptisée Softstart. L’objectif est de favoriser l’intégration de nouvelles recrues en mode virtuel. Une vingtaine de clients au Canada et aux États-Unis y ont déjà souscrit.
Notons également la création, l’an dernier, de Tedy, une plateforme québécoise d’avantages sociaux à la carte pour les employés. Le principe est simple : l’employeur alloue un montant, ponctuel ou mensuel, que l’employé peut utiliser à sa guise pour des dépenses liées à sa santé et à son bien-être, allant du matériel sportif à la nourriture pour ses animaux de compagnie.
La personnalisation
Finalement, la personnalisation est une des tendances majeures en matière de rémunération globale, selon les professionnels interrogés. Le concept de « rémunération à la carte » n’est certes pas nouveau, mais il se développe progressivement. Le Mouvement Desjardins propose ainsi un régime d’assurances collectives de type « cafétéria » pour ses 53 000 employés. « Cela comprend une couverture de base pour tout le monde, puis chacun peut choisir où mettre l’argent restant disponible, en fonction de ses besoins », détaille Marc-André Malboeuf, son vice-président au développement de solutions RH.
L’idée est de faire correspondre les avantages sociaux au cycle de vie des employés. « Une personne qui a trois enfants n’aura pas les mêmes besoins en soins orthodontiques qu’une jeune de 25 ans qui n’y va qu’une fois par an », prend pour exemple Marc Chartrand, CRHA, associé du cabinet PCI rémunération-conseil. Ce dernier utilise la métaphore du cellulaire : « En apparence, ils ont tous l’air pareils, mais quand on regarde les applications dessus, il n’y en a pas deux identiques. »
Kamie Richer, de Maisons Usinées Côté, pointe malgré tout deux défis qui freinent l’adoption de cette rémunération globale à la carte par les entreprises. « D’abord, la complexité de gestion de plusieurs programmes à la fois, surtout pour une PME. Et puis la question de l’équité : les différentes offres doivent être perçues à l’interne comme équivalentes en termes de valeur », rappelle-t-elle. Ce qui n’est pas une mince affaire.