Des propriétaires de résidences de plus en plus gestionnaires
Claudine Hébert|Édition de la mi‑avril 2019On assiste actuellement à une course intensive dans le développement des résidences au Québec. Seulement en 2019, six des dix plus grands groupes de résidences privées pour aînés ajouteront plus de 3 200 unités au sein du marché.
RÉSIDENCES POUR AÎNÉS. Plus que jamais, le marché des résidences pour aînés, au Québec, appartient à une poignée de joueurs majeurs. En 2019, plus de 60 % des quelque 88 500 appartements en résidences privées pour aînés (RPA) que compte le Québec figurent au sein des portefeuilles des dix plus importants propriétaires et gestionnaires de RPA de la province. Plus de 50 % de ces appartements font d’ailleurs partie des actifs des cinq plus grands groupes.
Une situation qui s’explique par deux principaux facteurs. À commencer par la réglementation à laquelle doit désormais répondre l’ensemble des résidences. Le renforcement des lois à l’égard des mesures de sécurité dans les résidences a forcé plusieurs petits établissements à fermer leurs portes, incapables d’en supporter les coûts. « Au cours des cinq dernières années, le Québec a assisté à la fermeture de 410 résidences de moins de 50 logements », signale Chantal Saint-Onge, directrice générale adjointe du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA). Et cette purge n’est pas terminée.
En revanche, poursuit-elle, plus de 18 500 logements se sont ajoutés au cours de la même période. De nouveaux logements qui relèvent essentiellement de la construction de 68 résidences de plus de 200 places en hébergement. Puisqu’il s’agit de très grands projets construits à coup de dizaines de millions de dollars, ça prend beaucoup de moyens financiers. Un autre avantage dont les grands groupes de résidences disposent, avance Mme Saint-Onge.
Place aux partenaires financiers
Compte tenu du vieillissement de la population – un quart des Canadiens auront 65 ans et plus d’ici 2031 -, on assiste actuellement à une course intensive dans le développement des résidences au Québec. Juste en 2019, six des dix plus grands groupes de RPA ajouteront plus de 3 200 appartements au sein du marché. À lui seul, Sélection Retraite représente plus du tiers de ces nouvelles constructions.
Où ces principaux réseaux trouvent-ils leur financement ? À l’exception du Groupe Savoie, qui détient à 100 % ses immeubles et ses activités de gestion, la plupart des grands groupes détenteurs de RPA au Québec poursuivent désormais leur développement à l’aide de partenaires financiers, fait savoir Mme Saint-Onge.
Qui sont ces partenaires financiers ? Ce sont pour la plupart des fonds d’investissement privés, des fonds de pension, des fonds immobiliers, des sociétés d’assurances, des fortunes privées, y compris des regroupements de professionnels, notamment des pharmaciens, a pu obtenir Les Affaires au fil des entrevues menées auprès des principaux groupes. Non seulement s’agit-il de partenaires financiers, en très grande majorité, silencieux, la plupart des groupes que nous avons contactés pour ce dossier ont refusé de nous indiquer l’ampleur des parts que détiennent désormais ces partenaires au sein de leur modèle d’affaires.
Des investisseurs essentiels
Ces participations financières sont devenues très importantes, pour ne pas dire essentielles, indiquent tout de même quelques propriétaires. Au sein du Groupe Château Bellevue, qui détient huit résidences, dont la moitié dans la grande région de Québec, les partenaires financiers s’invitent, depuis quatre ans, à divers pourcentages, parfois même majoritaires, dans le développement, reconnaît Frédéric Lepage, président cofondateur du groupe. « La bannière Château Bellevue conserve néanmoins la gestion de ses activités à 100 % », précise-t-il.
Le Groupe Patrimoine, qui se trouve à la porte des dix plus grands joueurs avec un peu moins de 1 100 appartements, a, lui aussi, fait appel à des investisseurs silencieux pour développer son audacieux projet Humanitæ, dans Lebourgneuf, à Québec. « Quatre partenaires ont investi chacun 20 % du 33 M$ qu’a coûté la construction de la phase 1 de la toute première grande résidence de 170 appartements destinés exclusivement aux aînés souffrant d’Alzheimer et d’autres maladies de trouble de la mémoire. Ce sont quatre partenaires silencieux touchés de près par ces maladies », explique Nathalie Paré, présidente du Groupe Patrimoine et présidente du CA du RQRA.
Même le Groupe Chartwell, une fiducie de placement cotée à la Bourse de Toronto, poursuit son développement en territoire québécois à l’aide d’un partenaire. Dans ce cas-ci, pas de cachette, le nom est connu. « Nous travaillons depuis 2014 avec le Groupe EMD Construction-Batimo », souligne Marie-France Lemay, vice-présidente aux services opérationnels pour le Québec. Cet entrepreneur, qui construit les résidences Chartwell en sol québécois, est 100 % propriétaire des immeubles jusqu’à ce que ces derniers atteignent leur maturité. « Bien que la propriété soit opérée par Chartwell à partir de son ouverture, Chartwell la rachète lorsqu’elle est stabilisée », signale Mme Lemay.
L’expansion à l’aide de transactions
Enfin, quelques groupes de RPA poursuivent également leur expansion en vendant ou en rachetant des résidences déjà bien établies. C’est ainsi que le Groupe Château Bellevue a récemment vendu ses résidences de Sainte-Marie-de-Beauce et de Baie-Comeau à Cogir Immobilier afin de développer ses nouveaux projets à Amqui et à Shawinigan. Le Groupe Morzadec, qui détenait jusqu’à tout récemment le Cité Rive, dans le secteur de Rivière-des-Prairies, a, pour sa part, vendu sa propriété montréalaise de quelque 850 logements également à Cogir Immobilier. Nos sources rapportent que le Groupe Morzadec souhaite agrandir sa propriété lavalloise, Les Marronniers, qui compte déjà plus de 1 000 logements. Le Groupe Morzadec a toutefois décliné notre demande d’entrevue.