RPA: de grands enjeux pour un marché en pleine croissance
Claudine Hébert|Édition de la mi‑avril 2019RÉSIDENCES POUR AÎNÉS. Qu’importe le groupe de résidences privées pour aînés (RPA) à qui l’on demande quel est leur enjeu numéro un, la pénurie de main-d’oeuvre figure sur presque toutes les lèvres. Et avec raison. Selon nos sources, qui veulent demeurer anonymes, le taux de roulement du personnel dépasse aisément les 10 % dans les résidences qui comptent moins de deux ans d’existence. Un taux qui demeure élevé jusqu’à ce que l’organisation se soit stabilisée, nous dit-on.
Cette pénurie de main-d’oeuvre se traduit par une surenchère des salaires depuis au moins cinq ans. « Le cuisinier que l’on pouvait embaucher à 18 $ de l’heure en 2014 exige maintenant 25 $ de l’heure », signale Frédéric Lepage, président cofondateur du Groupe Château Bellevue.
La compétition vient non seulement des autres résidences, elle provient aussi des autres secteurs, notamment celui du réseau de la santé publique, dont les conditions salariales sont plus élevées que dans les RPA. À titre d’exemple, un préposé qui gagne 16 $ de l’heure dans les résidences privées peut aisément gagner 20 $ dans le réseau de la santé publique, soulève Chantal Saint-Onge, directrice générale adjointe au Regroupement québécois des résidences pour aînés. L’organisme a d’ailleurs embauché une responsable de l’attraction de talents en octobre dernier pour aider les membres de son réseau à trouver des solutions afin de recruter et conserver leur personnel.
On voit naître cette même initiative au sein de certains groupes. Chez Cogir Immobilier, l’entreprise a créé un tout nouveau poste de conseiller expérience employé l’automne dernier. « En plus de nous aider à développer la marque employeur auprès de nos 3 000 employés en résidences, cette personne met en place des initiatives pour faciliter les collaborations auprès des services de l’immigration et des milieux étudiants pour recruter du personnel », indique Frédéric Soucy, président de la société de gestion de Cogir.
À propos d’immigration, la présidente du Groupe Patrimoine, Nathalie Paré, revient justement d’un séjour à Madagascar, où elle a recruté une dizaine de Malgaches qui détiennent des formations de préposées et de cours d’infirmières auxiliaires.
Au Groupe Maurice, on mise sur des programmes de référencement ainsi que sur l’environnement des résidences elles-mêmes pour attirer et retenir le personnel. « Plusieurs entrevues sont tenues dans les locaux de notre siège social qui est aménagé au sein même de l’une de nos résidences dans le secteur Saint-Laurent, à Montréal. Ce qui permet aux candidats de voir nos installations et de ressentir instantanément l’atmosphère de travail qui les attend dès qu’ils franchissent notre porte », souligne Rita Kataroyan, vice-présidente des ventes et marketing au Groupe Maurice.
La quête aux terrains
Cette pénurie de main-d’oeuvre a un impact direct sur la hausse des frais d’exploitation des RPA. Une facture que l’on refile directement aux aînés. D’où les demandes croissantes de l’ensemble des propriétaires-gestionnaires de RPA auprès des deux ordres de gouvernements afin de réviser les règles de crédit d’impôts accordés aux aînés. « Ces crédits, qui varient actuellement entre 250 $ et 500 $ par mois selon les besoins des aînés, devraient être ajustés selon les revenus des aînés et les soins qu’ils requièrent. Dans la plupart des cas, ces crédits d’impôt devraient même doubler », soutient M. Soucy, de Cogir.
Un autre enjeu qui fait lui aussi hausser les prix moyens des loyers en résidence (selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement [SCHL], le prix moyen d’une unité deux chambres est de 1729 $ par mois) : la construction et l’achat des terrains. Les villes et les promoteurs sortent d’ailleurs grands gagnants de l’actuel développement des RPA. Les terrains accessibles pour le développement se font de plus en plus rares. Et ceux qui restent sont convoités par deux à trois groupes, ce qui fait automatiquement grimper les enchères de la valeur des terrains.
Certaines villes, nous confient certaines sources, vont même profiter de cette quête de terrains pour tenter de refiler aux groupes de RPA la facture du coût de renouvellement de leur réseau d’égouts et d’aqueduc…