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Faire œuvre utile pour le logement étudiant

Emmanuel Martinez|Édition de Décembre 2024

Faire œuvre utile pour le logement étudiant

Laurent Levesque, PDG et cofondateur, l’UTILE: « Notre projet à Rimouski est en préfabrication. C’est un des plus gros au Québec jusqu’à maintenant. » (Photo: courtoisie)

RESPONSABILITÉ ET INNOVATION SOCIALES. L’innovation n’effraie pas l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), qui possède et gère déjà 600 appartements valant environ 150 millions de dollars (M$).

Cette entreprise d’économie sociale a non seulement pour objectif de fournir des appartements abordables aux étudiants, mais aussi d’améliorer l’industrie de la construction et d’innover en matière de réglementation pour le logement social.

Créé en 2013 par des jeunes qui déploraient un manque de logement pour les étudiants et des coûts prohibitifs pour ces derniers, l’UTILE connaît une croissance fulgurante depuis l’inauguration de son premier bâtiment à Montréal en 2020.

Bien avant la crise du logement actuelle, ses fondateurs constataient que les difficultés d’accès nuisaient à la capacité des jeunes d’étudier à l’université.

« On voyait que les marchés locatifs à proximité des campus étaient déjà saturés, dit le PDG et cofondateur de l’UTILE, Laurent Levesque. Donc, que le manque de logements étudiants était un facteur qui aggrave la situation du marché locatif en général. »

La solution : construire des logements abordables pour les étudiants, pour ces derniers, mais aussi pour rééquilibrer le marché pour les autres types de ménages.

« On s’est rendu compte qu’il n’y avait aucune organisation qui travaillait à développer du logement étudiant abordable au Québec, alors on a décidé de s’attaquer à ce problème-là », ajoute-t-il.

Financement inédit

Après avoir sondé les étudiants pour bien connaître leurs besoins, l’UTILE a décidé de se lancer dans la construction d’immeubles dotés de petits appartements non meublés, loués 12 mois par année, avec salle de bain et cuisine privées. Donc rien à voir avec les résidences étudiantes.

Le plus gros obstacle était ensuite de trouver l’argent nécessaire, mais l’organisme à but non lucratif (OBNL) a eu l’ingéniosité de coopérer avec des associations étudiantes qui ont fourni les sous pour entamer son premier projet.

« Avec elles, on a mis sur pied un fonds d’investissement rotatif à but non lucratif, dit le PDG. À ma connaissance, c’est le premier du genre au Québec. Il s’appelle le Fonds communautaire de logement étudiant. Ça permet d’accélérer la réalisation de projets et de saisir des opportunités pour être capable de les présenter à d’autres partenaires financiers. »

Avec ces sommes en poche, l’UTILE a collaboré avec le Fonds immobilier de solidarité FTQ, la Fiducie du Chantier de l’économie sociale et la Ville de Montréal, notamment.

« Le défi, en immobilier social, c’est que cela nécessite de l’argent pour démarrer des projets, mais ça prend des projets pour accéder à de l’argent, souligne-t-il. Aujourd’hui, la roue tourne, mais pour commencer à la faire tourner, ça demandait des mises de fonds. »

L’UTILE n’a pas chômé depuis 2020 puisque quatre immeubles ont été érigés depuis à Montréal, Québec et Trois-Rivières. Elle a donc beaucoup appris sur la gestion de projet et la construction.

Un cinquième immeuble est prévu pour l’an prochain à Rimouski. Une bonne partie de la fabrication se fera en usine dans le cadre d’un partenariat avec les Industries Bonneville. « Notre projet à Rimouski est en préfabrication, note le patron. C’est un des plus gros au Québec jusqu’à maintenant. Cela va nous permettre de le réaliser en un temps record. Il a été confirmé l’été dernier et les étudiants vont emménager l’été prochain. C’est vraiment un délai incroyable. »

Avec cette méthode de préfabrication en usine, l’UTILE, qui travaille aussi avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement, espère ainsi transmettre ses apprentissages à l’ensemble de l’industrie de la construction. « On veut encourager l’adoption de cette technologie-là par d’autres donneurs d’ouvrage, mentionne-t-il. On va donc collectivement profiter des bénéfices de la préfabrication au niveau de l’accélération du projet et du contrôle de coût, qui sont toujours des défis en immobilier. »

Puisqu’elle compte conserver à perpétuité ses édifices, l’UTILE s’assure aussi de bâtir avec des matériaux qui auront une longue durée de vie.

Innovation réglementaire

La construction de logements sociaux est souvent freinée par des contraintes réglementaires. Afin d’en faciliter l’aboutissement, l’UTILE a lancé, avec deux autres OBNL le Laboratoire pour l’abordabilité du bâti. Ce groupe de réflexion a pour but de diffuser des solutions novatrices pouvant être mises en place sans frais ou à très faible coût par les municipalités afin de stimuler l’expansion de logements à but non lucratif.

« Cela s’inscrit aussi dans des logiques d’innovation sociale parce que ce sont des façons de faire différentes, croit Laurent Levesque. C’est surtout pour changer le cadre réglementaire pour réduire les coûts et les délais d’approbation pour des projets de logements abordables. »

Face à la forte demande pour du logement étudiant, l’UTILE compte en bâtir de 600 à 800 annuellement lors des prochaines années. Elle prévoit détenir neuf édifices à la fin de 2026.

L’OBNL exporte aussi son modèle puisqu’elle accompagne des groupes qui veulent faire la même chose en Ontario et dans les Maritimes.