Des robots autonomes à l’ouvrage chez Produits Gilbert
La Presse Canadienne|Publié le 20 septembre 2022Produits Gilbert a fait l’acquisition de trois robots autonomes destinés à transporter le matériel nécessaire à la construction des machines. (Photo: Courtoisie)
Pour améliorer l’efficacité dans l’usine et trouver des solutions à la pénurie de main-d’œuvre tout en rendant le travail plus sécuritaire, Produits Gilbert a fait l’acquisition de trois robots autonomes destinés à transporter le matériel nécessaire à la construction des machines.
Dans la salle de contrôle de la qualité, un employé vient de terminer une vérification et place un lot de pièces dans une palette en bois. Sur son ordinateur, dès qu’il inscrit que la tâche est terminée dans le logiciel, un robot est avisé pour venir chercher la palette afin de la transporter jusqu’à la prochaine station de travail, et ce, grâce à une application développée à l’interne.
«Les robots suivent la cédule de travail et ils respectent la priorité des tâches sélectionnées dans le logiciel», explique Sébastien Gilbert, le directeur de l’amélioration continue de Produits Gilbert, une entreprise de Roberval qui fabrique des raboteuses, des têtes d’abattage, des surfaceuses et des vibrofonceurs, pour le marché de la construction.
Pendant ce temps, un autre robot est alerté pour amener d’autres pièces afin de préparer la prochaine tâche à effectuer. «Les travailleurs ont toujours deux palettes à leur poste de travail, une sur laquelle ils travaillent et une autre pour la prochaine tâche, remarque Frank Gilbert, le directeur de production. Avec l’ajout des robots, nos employés n’ont plus à chercher des pièces.»
Par le passé, des pièces qui avaient été préparées longtemps à l’avance étaient parfois difficiles à trouver. Le robot, lui, sait exactement où se trouve chaque pièce en tout temps.
En bref, les robots remplissent la tâche d’aide à la production, qui était jadis effectuée par un employé. «On a de la misère à recruter pour plusieurs postes, alors cette ressource était souvent affectée à d’autres tâches où il y a plus de valeur ajoutée, ce qui faisait qu’on était constamment en formation», ajoute M. Gilbert.
C’est la quatrième vague de robotisation chez Produits Gilbert, qui possède aussi un robot pour gérer les inventaires, un robot soudeur et un robot pour l’outillage. «C’est dans notre génétique d’être à la fine pointe de la technologie, remarque Frank Gilbert. Nos employés sont habitués à être très efficaces et ça les frustre quand on doit les affecter à des tâches où il n’y a pas de valeur ajoutée. Les robots enlèvent un paquet d’irritants.»
Un de ces irritants est la gestion des poubelles. Les robots sont d’ailleurs en phase d’entraînement pour vider les poubelles à copeaux. Des poubelles avec une base similaire à celles des palettes et une machine à culbuter les poubelles ont été construites pour l’occasion.
«On veut simplifier les opérations et faire en sorte que les 25 poubelles des machines à commandes numériques soient vidées dès qu’elles sont pleines, ou la nuit», explique Sébastien Gilbert, ajoutant que cette tâche représente plus de deux heures de travail chaque jour. En confiant la tâche aux robots, les employés pourront se concentrer sur le travail à effectuer, dit-il.
Produits Gilbert a investi 350 000 dollars pour faire l’achat de trois robots Robotize et pour développer sa propre application de gestion des déplacements. Au passage, l’entreprise est aussi devenue distributeur de cette marque de robots. «Notre compagnie fera une belle vitrine», estime Frank Gilbert.
D’une hauteur d’environ 30 centimètres, le robot se déplace grâce à des senseurs. On retrouve donc plusieurs points de référence dans l’usine qui guident les robots. De plus, des bases avec des réflecteurs permettent aux robots de se recalibrer. Si des changements majeurs sont faits dans l’usine, comme l’emplacement d’un équipement, il est possible de contrôler le robot avec une application cellulaire pour lui démontrer la nouvelle configuration. «Le robot crée alors sa carte pour se déplacer», explique Frédérik Dubois, le chargé de projet en robotique. Le robot reconnaît aussi la présence des humains et des obstacles. Lorsqu’il en croise, il s’arrête ou il fait le tour.
Le robot peut se déplacer sous les palettes, de style européen, placées sur des stations surélevées. Avec des petits bras, le robot est en mesure de soulever la palette pour l’amener jusqu’à la prochaine station.
Les robots, qui peuvent transporter jusqu’à 1000 kilogrammes de matériel, sont utilisés à environ 15% de leur potentiel, jusqu’à présent, à raison de près de 350 déplacements par semaine.
«Les robots sont encore en “formation”, note Frédérick Dubois. Chaque semaine, on ajoute de nouvelles stations et de nouveaux développements.»
Le rodage des robots a commencé à l’automne 2021. «On a commencé par les utiliser dans la salle des employés pour observer comment ils se comportent et pour que les employés les voient à l’œuvre», mentionne Frank Gilbert qui, comme plusieurs employés, avaient des doutes sur l’efficacité des robots. «Je me demandais combien d’années il nous faudrait pour arriver à ce stade-là.»
Après près d’un an d’utilisation, le travail porte fruit et les robots remplissent une liste de tâches qui ne cesse de s’allonger. «Ça permet de voir les choses autrement, de réduire le nombre de travaux en cours et de produire les pièces au moment où on en a besoin», ajoute Sébastien Gilbert.
L’achat de robots autonomes ne représente qu’une partie des investissements réalisés par Produits Gilbert pour améliorer l’efficacité et le bien-être au travail, car la superficie de l’usine a été doublée, avec l’aménagement de stations de travail plus ergonomiques. De plus, une nouvelle salle des employés a été aménagée.
Avec un carnet de commandes qui s’allonge, l’usine de Produits Gilbert était rendue trop petite. En même temps que le projet d’acquisition de robots germait, l’entreprise a pris la décision d’agrandir ses locaux, pour ainsi doubler la superficie de plancher. «La largeur des allées, de 60 pouces, a été pensée pour permettre le passage des robots», souligne Frank Gilbert.
Plusieurs tâches ont dû être repensées, notamment en ce qui a trait au nettoyage, pour laisser la voie libre aux robots. «Par exemple, un fil d’extension peut empêcher un robot de bouger ou d’aller se recharger», ajoute ce dernier.
L’agrandissement a aussi permis de repenser l’ergonomie de travail pour améliorer le bien-être des employés. Plusieurs postes de travail sont creusés dans le sol, ce qui permet de prendre les pièces, livrées par les robots, sans avoir à se pencher.
Produits Gilbert exploite des marchés diversifiés pour s’assurer d’avoir du travail en tout temps, peu importe les aléas des marchés. À l’heure actuelle, par exemple, il faut attendre en 2024 pour obtenir une raboteuse Gilbert. Un carnet de commandes bien rempli ne comporte pas que des avantages, remarque toutefois Frank Gilbert, car plusieurs contrats ont été signés avant la hausse des coûts des matériaux. «L’inflation fait baisser nos marges, alors c’est encore plus important de mettre l’emphase sur l’amélioration de la productivité», dit-il.
Alors que le marché des surfaceuses traîne de la patte, cette année, les ventes de vibrofonceurs et de marteaux de battage sont en pleine croissance, si bien que cette division est maintenant la deuxième en importance au sein du groupe. Le marché des têtes d’abattage en longueur se porte aussi très bien, mais principalement pour l’exportation, notamment en France et au Brésil.
La croissance de l’entreprise, qui compte maintenant 134 employés, amène aussi des besoins de main-d’œuvre accrus, et comme partout ailleurs, la pénurie complique la tâche. «On aurait pu faire 25% plus de ventes si on avait tous les employés dont on a besoin», ajoute le directeur de production.
Malgré des efforts de recrutement international, qui ont permis d’accueillir quatre travailleurs mexicains et deux tunisiens — deux autres travailleurs du Maghreb devraient se joindre à l’équipe prochainement —, Produits Gilbert a tout de même neuf postes à combler, soit trois mécaniciens, deux électrotechniciens, un technicien concepteur, un dessinateur industriel, à l’administration et aux ventes.
Lors de la réorganisation de l’usine, l’entreprise a aussi investi des sommes importantes pour aménager une nouvelle salle des employés, avec une structure de bois et de vastes fenêtres. Une salle de conditionnement physique a aussi été ajoutée.
De plus, tous les employés ont reçu une augmentation salariale de 9%, note Frank Gilbert qui, avec ces investissements, souhaite ainsi attirer de nouveaux talents.
Par Guillaume Roy, Initiative de journalisme local, Le Quotidien