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Main-d’oeuvre et logements: double défi pour les entreprises

Marie-Eve Shaffer|Publié le 27 avril 2022

Main-d’oeuvre et logements: double défi pour les entreprises

Port de Trois-Rivières (Photo: courtoisie)

RÉTENTION DE MAIN-D’OEUVRE. En plus de la rareté de main-d’œuvre, le peu de logements disponibles dans différentes régions complique les efforts de recrutement des entreprises établies loin des grands centres. C’est notamment le cas de celles composant l’industrie maritime, qui rivalisent d’ardeur pour embaucher des travailleurs qualifiés. Et ça fonctionne, même si les besoins demeurent importants.

À Gaspé, la recherche d’un appartement ou d’une maison à louer est laborieuse, voire impossible. Le taux d’inoccupation se situait à moins de 1% à l’automne dernier, au moment de la réalisation de l’Enquête sur les logements locatifs 2021 par la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL).

Le Chantier naval Forillon, qui se trouve entre le Port de Gaspé et la pointe de sable de Sandy Beach, fait travailler 72 personnes. Elles conçoivent de A à Z des embarcations destinées aux activités de pêche et au transport de marchandises ou de passagers. L’équipe pourrait toutefois être plus nombreuse. «On a une capacité de production de trois navires, mais présentement, on rushe sur deux navires», explique le directeur des ressources humaines, Frédéric Demers.

Le bassin de main-d’œuvre locale ne suffit pas pour répondre aux besoins du constructeur. Et pas question de recruter chez les autres entreprises du coin. «À Gaspé, on ne vole pas ses voisins», insiste Frédéric Demers, qui lorgne plutôt du côté des autres régions du Québec et du marché international pour embaucher. 

L’an dernier, quatre travailleurs tunisiens ont ainsi gonflé les rangs du Chantier naval Forillon. À leur arrivée, ils ont dû habiter à l’hôtel avec leur famille — aux frais de l’entreprise —, le temps que des logements leur soient attribués. «Il a fallu chercher, parce qu’eux n’auraient pas réussi à en trouver», note le directeur. Il précise que son équipe a réussi à leur dénicher des toits parce qu’elle était sur place et que «tout le monde se connaît à Gaspé».

Le Groupe Océan, qui est propriétaire d’un chantier naval à L’Isle-aux-Coudres, dans Charlevoix, est confronté au même défi. Il a aussi fait appel à la communauté charlevoisienne l’an dernier pour dénicher des logis aux neuf soudeurs-monteurs qu’il a fait venir de Tunisie et du Maroc avec leurs familles.

«Je reçois des appels de gens qui nous offrent des chambres en location, un appartement ou une maison. Il y a beaucoup de bouche à oreille», mentionne Peggy Flowers, directrice des ressources humaines des divisions construction et réparation navale du Groupe Océan. Un programme de parrainage a également été mis en place pour aider les nouvelles recrues à s’intégrer à l’équipe de quelque 130 travailleurs, mais également à découvrir la région.

 

Le sentiment de fierté

Si ces constructeurs navals peuvent compter sur les membres de leur communauté respective, à commencer par leurs employés, c’est que ceux-ci sont heureux du travail qu’ils accomplissent. «Quand des bateaux que nos travailleurs ont bâtis de leurs mains partent, c’est très touchant de voir la fierté dans leurs yeux», souligne Peggy Flowers. Frédéric Demers abonde dans le même sens. Il ajoute que «faire des bateaux, c’est l’fun en s’il vous plaît!».

 Un tel sentiment anime également la vingtaine de salariés du Port de Trois-Rivières. À tel point qu’ils se sont tous présentés à une journée porte ouverte tenue avant le déclenchement de la pandémie de COVID-19. La participation était pourtant volontaire.

 «Ils étaient fiers d’être présents et de parler de l’organisation», rapporte la directrice des affaires publiques et des ressources humaines de l’administration portuaire, Sara Dubé. Elle explique que les employés sont très engagés dans leur travail, notamment parce qu’ils sont les premiers à connaître le contenu de la planification stratégique. Ils savent ainsi comment apporter leur contribution. 

Au-delà de la fierté du personnel, il y a celle de la région, qui est nourrie par les annonces des projets du Port de Trois-Rivières — comme celui de la construction d’un terminal multifonctionnel baptisé Terminal 21. Cette fierté aide implicitement au recrutement. «Les gens voient qu’il y a un bel avenir [pour l’organisation] et qu’ils auront du pain sur la planche», constate Sara Dubé.

 

Des conditions de travail attrayantes

Pour attirer et retenir de la main-d’œuvre, les conditions de travail se doivent d’être attrayantes. Le Groupe Océan y veille. En plus d’offrir des formations sur mesure, il a instauré la semaine de quatre jours au chantier naval de Charlevoix. Pour un petit groupe de salariés qui préféraient raccourcir leur journée de travail, un horaire de cinq jours a également été aménagé. 

«Quand employé qui nous quitte, c’est sa dernière option. On s’assure toujours de tenter trouver une solution [avant d’en arriver là]», souligne Peggy Flowers.

 L’horaire compressé sur quatre jours est aussi proposé aux salariés du Chantier naval Forillon, en plus de la possibilité de faire des heures supplémentaires. La grille salariale a par ailleurs été révisée pour correspondre aux tendances du marché. «Je me demande si je ne vais pas devoir refaire [cet exercice] dans un an pour demeurer compétitif», avance Frédéric Demers. Une stratégie similaire a été adoptée par le Port de Trois-Rivières, qui passe en revue son offre de rémunération globale tous les deux ans.

Autrement dit, tous les moyens sont bons pour attirer de la main-d’œuvre en région et faire rouler l’industrie maritime.