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Pensez à la fiducie familiale  

Jean Décary|Édition de la mi‑octobre 2024

Pensez à la fiducie familiale  

La fiducie familiale permet de réduire sa facture fiscale, de planifier sa succession, de protéger ses acquis ou d’assurer le transfert de son patrimoine. (Photo: Adobe Stock)

CLIENTS À HAUTS REVENUS. Que ce soit pour réduire sa facture fiscale, planifier sa succession, protéger ses acquis ou assurer le transfert de son patrimoine, la création d’une fiducie comporte son lot d’avantages, même si elle s’adresse principalement aux personnes à valeur élevée.

« Chaque individu a un patrimoine — l’ensemble de ses actifs et passifs — et la loi permet de créer un autre patrimoine d’affectation. Au fond, une fiducie, c’est l’équivalent de prendre des biens et de les mettre dans un pot en affectant ce patrimoine à des fins précises, aux besoins familiaux par exemple, et de le faire administrer par des fiduciaires », précise d’emblée Christian Hallé, notaire associé chez Fortier D’Amour Goyette.

Il précise qu’il existe deux grandes catégories de fiducie, celle qui est créée de son vivant (c’est le cas de la fiducie familiale) et celle qui est créée au moment du décès ; on parlera alors de fiducie testamentaire.

Un patrimoine important

Les experts s’entendent : pour avoir recours à une fiducie, le client ou la famille détient généralement un important patrimoine. « Ça doit prendre un actif qui vaut la peine d’être protégé », précise Me Hallé. C’est pour cela que celle-ci s’adresse souvent aux gens d’affaires, aux entrepreneurs, aux propriétaires de PME qui ont réussi à accumuler un important patrimoine, un pécule qui s’élève dans les sept chiffres. « J’en ai vu de 5 millions de dollars (M $) à 100 M $, et les raisons d’y recourir peuvent être multiples. »

« L’élément déclencheur, c’est au minimum 1 M $ », reconnaît Sylvain De Champlain, président chez De Champlain Groupe financier. « Il faut considérer les frais, la gestion administrative et la tenue des livres. Bref, il faut que le jeu en vaille la chandelle. »

Il rappelle qu’à compter de la création de la fiducie, le constituant — c’est-à-dire celui qui crée la fiducie — n’a dès lors plus accès aux actifs ou aux biens placés en fiducie. « C’est donc un pensez-y-bien. » Les actifs sont alors confiés aux bons soins d’un fiduciaire, qui est la personne qui administre la fiducie et dont les revenus et le capital seront ultimement dévolus au bénéficiaire, que ce soit une ou des personnes ou même une entité, comme une société.

Selon lui, les gens ont leurs raisons pour créer une fiducie. Il peut s’agir de protéger les bénéficiaires contre eux-mêmes en balisant comment on pourra en retirer des fonds. Il y a des cas de familles reconstituées, des cas d’inaptitudes, des problèmes personnels variés (santé mentale) qui peuvent militer en faveur de la création d’une fiducie.

Sylvain De Champlain cite les bonnes paroles de Warren Buffett qui, au sujet de ses héritiers, disait ceci : « “L’héritage parfait est de laisser assez d’argent aux enfants pour qu’ils puissent faire tout ce qu’ils veulent, mais pas assez pour qu’ils choisissent de ne rien faire.” Plusieurs ont cette préoccupation à l’esprit : subvenir aux besoins des générations suivantes sans pour autant dilapider l’argent », dit-il

Avantages et désavantages

« Il fut un temps où le fractionnement du revenu était possible pour diminuer la facture fiscale », mais ce n’est plus le cas depuis quelques années pour les fiducies créées du vivant, signale le notaire Christian Hallé. « Ce n’est plus possible de faire du fractionnement de revenu avec des enfants ou avec des gens qui ne sont pas actifs dans la société. »

Il dit qu’un individu optera pour la fiducie familiale pour assurer la protection de ses actifs. « Les biens ne peuvent être saisis dans le cas d’une faillite ou d’une poursuite. Par exemple, une personne financièrement à risque pourrait choisir cette option. »

L’individu qui choisit la fiducie pourra aussi profiter de la multiplication de l’exonération des gains en capital sur la vente d’actions. « Cette exonération bonifiée au dernier budget, d’environ 1 M $, est disponible pour chacun des bénéficiaires. »

Comme inconvénients, le notaire mentionne les frais et les honoraires légaux, une gestion administrative plus importante avec, par exemple, la production d’états financiers annuels et la tenue de registre. Sans oublier la règle des 21 ans. En effet, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit qu’au 21e anniversaire de la fiducie familiale, la règle de la disposition présumée s’applique, c’est-à-dire que tous les biens sont réputés avoir été disposés.

« Ça peut être un irritant, car les gains non réalisés de la fiducie sont alors imposés », explique Me Hallé « . Une fiducie a une durée de vie de 100 ans, donc les autorités fiscales ont décidé qu’à chaque 21 ans, il y aurait une sorte de remise des compteurs à zéro pour imposer l’accroissement de la valeur des actifs. »

Il remarque qu’il est toutefois possible de garder l’actif en payant l’impôt et en continuant un autre 21 ans ou simplement en remettant les biens de la fiducie aux bénéficiaires avant cette échéance.