Influenceurs et tourisme d’affaires, une confiance à bâtir
Claudine Hébert|Édition de la mi‑septembre 2024Marjorie Paquette est l’une des influenceuses invitées par Tourisme Laval. (Photo: courtoisie)
RÉUNIONS ET CONGRÈS. Ils ont beau avoir des milliers, voire des millions d’abonnés sur leurs réseaux sociaux respectifs, les influenceurs de la toile ne figurent toujours pas parmi les principales sources d’information en tourisme d’affaires. C’est du moins ce que constate Les Affaires, qui a posé la question à divers intervenants du milieu.
Au cours des trois dernières années, Geneviève Rose a organisé près d’une trentaine d’événements pour le compte d’une entreprise dans le secteur de la construction. Jamais, dit-elle, elle n’a eu le réflexe de consulter l’avis d’un influenceur sur TikTok, Instagram ou autres plateformes de médias sociaux afin de s’informer et de sélectionner ses lieux de rendez-vous. Ce n’est pas une question de génération, ajoute-t-elle. Cette professionnelle de l’événementiel est dans la jeune trentaine.
« Je préfère me fier à mes visites de sites et aux références que j’obtiens auprès de personnes que je connais au sein de mon entourage pour sélectionner mes lieux de rendez-vous. C’est une question de confiance et de crédibilité des sources », affirme-t-elle.
Même discours de la part d’Alain Brissette, un consultant qui planifie les rendez-vous annuels d’une dizaine d’organisations. « En fait, ce n’est pas que je ne veux pas utiliser cet outil, je n’ai tout simplement pas encore vu un influenceur ayant obtenu suffisamment de crédibilité au sein de l’industrie pour tenir compte de son contenu », explique le planificateur qui compte quatre décennies d’expérience.
Ce vétéran de l’industrie concède néanmoins qu’il se montrerait sans doute plus sensible aux commentaires de ces derniers s’il devait éventuellement travailler pour une jeune organisation en quête d’une ville exotique hors de la province. « Dans ce cas, ce sont davantage les attraits de la destination que ses salles de réunion qui feraient pencher la balance auprès des clients. Du coup, les contenus d’influenceurs pourraient s’avérer utiles », précise-t-il.
En attendant, il arrive, à l’occasion, qu’Alain Brissette porte attention aux commentaires de certains contacts LinkedIn à l’égard d’une destination et de ses infrastructures. « Je sais pertinemment que ces personnes n’ont pas été payées pour partager leurs impressions. Ce sont des commentaires spontanés. »
Patrice Cazelais, président de Réseautage en direct, n’utilise pas non plus le contenu créatif des influenceurs pour choisir les adresses des quelque 600 rendez-vous annuels qu’il présente à travers la province. En revanche, il dit avoir recours à la formule payante de Facebook pour faire la promotion de ses multiples activités.
Des clients satisfaits
La grande majorité des professionnels liés aux infrastructures en tourisme d’affaires hésitent, eux aussi, à utiliser cette voie de communication. « Au Centre des congrès de Québec, nous croyons que les commentaires d’un client satisfait, ayant bénéficié de notre offre de service d’un bout à l’autre de son passage chez nous, constituent le meilleur outil d’influence qui contribue à faire rayonner notre destination », souligne sa directrice des communications, Ann Cantin.
Un avis que partage son homologue du Palais des congrès, à Montréal, Marie-Claude Lizée. « Les démarches relationnelles menées par notre équipe de développement des affaires et nos ambassadeurs demeurent notre meilleur outil de séduction pour convaincre les associations internationales et les organisateurs d’événements de choisir notre destination », dit-elle.
Un cas d’exception
Il y a tout de même certains organismes qui croient au potentiel des influenceurs. Tourisme Laval en fait partie.
Au printemps dernier, son équipe des communications et du marketing a invité une dizaine d’influenceurs représentés par l’agence Influence. Art, une division de Buron — Gérance d’artistes, à venir passer une fin de semaine au Sheraton Laval et au Centre de congrès. Une activité qui se déroulait en marge du Gala des influenceurs, présenté à La Tohu, à Montréal. « Notre concept était de démontrer qu’il est possible d’organiser un événement glam et festif à Laval », explique la responsable des relations de presse et des médias sociaux, Marie-Josée Bougie.
Transport en limousine, séances de coiffure, maquillage et massage, visites de plusieurs adresses lavalloises : le groupe a été traité aux petits soins pendant la durée de leur séjour. Bien que l’exercice ait bénéficié d’un budget d’une dizaine de milliers de dollars de la part des partenaires impliqués, la campagne a été traitée sous forme de contrat échange avec des influenceurs, soutient l’instigatrice du projet. « Il était toutefois convenu de [disposer] d’un contenu sur les plateformes respectives des influenceurs invités », avise-t-elle.
Résultat : l’expérience a généré plus d’un million de portées sur les réseaux sociaux. « Mais notre plus grande fierté est d’avoir lu le commentaire d’un abonné qui demandait : Comment était le gala… à Laval ? »
Une piste à explorer
En l’absence de réels influenceurs dans le monde du tourisme d’affaires, Marie-Josée Bougie croit que ça vaut le coup de cibler certains d’entre eux qui disposent de nombreux abonnés. D’ailleurs, l’une des influenceuses invitées par Tourisme Laval, Marjorie Paquette, souligne qu’elle et ses pairs débordent de talents en photos et en vidéos. « La qualité de nos contenus permet souvent de voir et de découvrir un lieu différemment de la façon qu’il a été présenté par l’établissement lui-même », soutient-elle.
De plus, en diffusant du contenu sur divers événements, les influenceurs permettent à leurs abonnés de visualiser l’environnement des installations pouvant éventuellement leur servir de lieu pour leur propre rendez-vous. « En somme, je suis convaincue que ce n’est qu’une question de temps avant que nous devenions d’importants partenaires pour l’industrie du tourisme d’affaires », dit la fondatrice du blogue Le Snack Bar et cofondatrice de l’agence Influence.Art, une division de Buron — Gérance d’artistes.
Ce texte est paru initialement dans notre édition de la mi-septembre 2024.