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Lac-Saint-Jean: osez la grande traversée

Claudine Hébert|Publié le 12 février 2020

Lac-Saint-Jean: osez la grande traversée

Atténuer le facteur de la distance demeure un des éléments avec lesquel se battent régulièrement les hôteliers du ­Lac-Saint-Jean. Pour « compenser » cette distance, l’équipe de l’Hôtel ­Universel ­Alma s’assure de réserver un accueil « aux petits oignons » à ses congresssistes. (Photo: courtoisie)

RÉUNIONS ET CONGRÈS. Reconnu comme une destination phare en tourisme d’agrément avec près de un million de visiteurs par année, le Lac-Saint-Jean voudrait bien connaître un succès similaire en tourisme d’affaires. Un défi devant lequel se dressent deux obstacles : la distance qui sépare la région des grands centres et la méconnaissance des organisateurs de la capacité d’accueil que peuvent leur réserver les Jeannois.

Carolyne Deschênes, directrice des ventes à l’Hôtel Universel Alma, peut témoigner du poids que représentent ces deux principaux obstacles sur le tourisme d’affaires dans sa région.

Même lorsque son établissement gagne la tenue d’un congrès, le travail de séduction ne fait que commencer. « Votre destination nous a été imposée. J’espère que vous serez à la hauteur de nos attentes. » C’est sur ce ton qu’a commencé sa toute première discussion avec le planificateur d’une assemblée annuelle de trois jours et trois nuits devant réunir un peu plus de 80 personnes sous le toit de son hôtel en 2018. « Un événement que nous avions obtenu sous la recommandation d’un des membres de l’organisation, originaire de la région », raconte l’hôtelière. Au lieu de se laisser contrarier par le scepticisme de son interlocuteur, Mme Deschênes et son équipe se sont assurées de leur réserver un accueil « aux petits oignons ». Du choix des vins (des bouteilles qui n’avaient jamais figuré sur les tablettes des succursales de la SAQ de la région) à la sélection des menus, en passant par les activités de groupes et la décoration des salles, tout a été dirigé de main de maître. « Au final, tous les participants, dont leur planificateur lui-même, nous ont remerciés chaudement d’avoir organisé un de leurs meilleurs rendez-vous annuels des dix dernières années », raconte Mme Deschênes.

Parlons-en, de la distance !

Atténuer le facteur de la distance (cinq heures de route à partir du Grand Montréal) – ou, disons-le franchement, la crainte de la traversée de la réserve faunique des Laurentides -, demeure un des éléments avec lesquels se battent régulièrement les hôteliers du Lac-Saint-Jean, qui veulent augmenter leur part en tourisme d’affaires. Bien qu’au début des années 2010, le gouvernement du Québec ait investi plus de 1 milliard de dollars pour transformer, sécuriser et faire de la route 175, de Stoneham à Saguenay, une chaussée à quatre voies (devenue l’un des plus beaux trajets routiers de la province), les appréhensions sont tenaces. Le Cahier du planificateur du Bureau des congrès Lac-Saint-Jean accorde d’ailleurs quatre de ses sept premières pages aux routes qui mènent à la région.

« On dirait qu’on ne fait que ça, parler de la distance, lors de nos tournées promotionnelles, activités et autres stratégies en tourisme d’affaires » s’exclame Annie Tremblay, directrice des ventes de l’Auberge des îles, à Saint-Gédéon, un centre de villégiature situé à une quinzaine de minutes d’Alma. Il faut multiplier les possibilités, dit-elle. À ce propos, le Bureau des congrès Lac-Saint-Jean propose un service de navette et même des vols nolisés à prix abordables aux organisateurs qui souhaitent faciliter le transport de leurs participants.

« Pourtant, insiste Mme Tremblay, il y a tellement d’avantages à choisir notre destination. À commencer par les coûts par participant (hébergement, repas, salles et stationnement gratuit), qui reviennent de 35 % à 40 % moins chers chez nous que dans les grandes villes. Et que dire du taux de satisfaction des participants ! Lorsque nous parvenons à convaincre les organisations, il faut voir le sourire de leurs participants le dernier jour de l’événement. Rares sont ceux qui n’ont pas vécu une expérience inoubliable au Lac-Saint-Jean, soutient-elle. Tout le monde repart content et compte revenir en vacances. »

« ­On dirait qu’on ne fait que ça, parler de la distance, lors de nos tournées promotionnelles, activités et autres stratégies en tourisme d’affaires », s’exclame ­Annie ­Tremblay, directrice des ventes à l’Auberge des îles, à ­Saint-Gédéon, un centre de

Consolidation du produit d’affaires

En vue de mieux promouvoir ses qualités en tourisme d’affaires, la destination d’Alma a joint les rangs de l’Association des professionnels de congrès du Québec (APCQ) en 2008. Depuis 2016, la MRC du Domaine-du-Roy, qui comprend notamment les villes de Roberval, de Saint-Félicien et de Lac-Bouchette, s’est jointe à Alma et ses environs (la MRC de Lac-Saint-Jean-Est) pour consolider l’effort d’attraction en tourisme d’affaires. Ce regroupement des deux MRC a permis la création du Bureau des congrès Lac-Saint-Jean. L’organisme bénéficie d’un budget annuel de 175 000 $ consacré au salaire d’un délégué commercial, Michaël Sheehy, ainsi qu’à l’organisation d’une dizaine d’activités et d’outils de promotion de la destination.

Cette consolidation régionale en tourisme d’affaires porte déjà ses fruits. En 2018, ce sont 70 congrès et événements de 40 nuitées et plus qui se sont déroulés au Lac-Saint-Jean. « Il s’agit d’une augmentation d’au moins 20 % par rapport aux résultats de l’année 2017 », signale-t-il en attente des statistiques de 2019 qui s’annoncent prometteuses.

Cette performance est surtout attribuable au tourisme sportif, qui représente plus de 60 % des activités en tourisme d’affaires de la région.

Le tourisme sportif en plein essor

Depuis quatre ans, la région enregistre année après année un record d’activités sportives regroupant plus d’une cinquantaine de tournois, de championnats et d’autres compétitions. « Ces événements sportifs, présentés hiver comme été, permettent aux hôtels de la région d’afficher complet au moins une bonne vingtaine de fois par année les jeudis, vendredis et samedis soir », indique M. Sheehy.

Outre la Traversée internationale du Lac-Saint-Jean, qui attire déjà une clientèle internationale depuis plus de 65 ans, la région a même décroché la tenue du Championnat mondial masculin de pétanque en septembre 2018, présenté à Desbiens. Une compétition qui a déjà eu lieu à Monaco, Marseille, Bruxelles et Dakar. Cet événement international a généré plus de 1 200 nuitées dans les hôtels d’Alma, de Roberval et de Saint-Félicien, précise-t-il.

Rehausser le nombre de congrès

Le Bureau des congrès Lac-Saint-Jean attribue un autre budget de 40 000 $ à un nouveau fonds d’aide aux congrès et événements sportifs. Celui-ci remet jusqu’à 5 000 $ aux organisations qui n’ont pas visité la région depuis plus de cinq ans. « Pour être éligible, l’événement doit compter un minimum de 40 nuitées et avoir une portée provinciale, nationale ou internationale », indique M. Sheehy. Les activités de collecte de fonds, de groupe de pression ou encore politiques sont exclues, précise-t-il.

Là où le travail s’annonce plus ardu, c’est de trouver le moyen d’attirer des congrès provinciaux, reconnaissent les hôteliers de la région. Même en recensant les congrès tenus dans les quatre principaux pôles d’hébergement (Alma, Roberval, Saint-Félicien et Lac- Bouchette), la région n’est pas encore parvenue à franchir le cap des 15 congrès de 40 nuitées et plus par année. L’année 2018 s’est tout de même soldée avec 13 congrès. La meilleure performance depuis la création du Bureau de congrès.

Les trois principaux centres de congrès de la destination (Hôtel du Jardin à Saint-Félicien, Château Roberval et Hôtel Universel Alma) peuvent pourtant accueillir 400 personnes en formule banquet. Même jusqu’à 500 à Alma. Chacune des MRC présente des capacités d’hébergement de plus de 400 chambres. Mais voilà, mis à part le Château Roberval, un hôtel 3 étoiles qui compte 124 chambres, les deux autres centres de congrès de la région en comptent moins de 100 sous leur toit.

Puisque la grande majorité des organisateurs de congrès privilégie les établissements qui disposent de suffisamment de chambres pour leurs participants, la région du Lac-Saint-Jean peine à se qualifier pour près d’une cinquantaine d’événements provinciaux réunissant de 100 à 200 personnes. « Même si nous avons 72 chambres à l’Universel, dont la majorité avec deux lits, et plus d’une trentaine qui sont entièrement rénovées à notre hôtel Travelodge, situé à 10 minutes de marche, je ne peux même pas approcher les organisations dont les congrès rassemblent plus d’une centaine de participants », explique Mme Deschênes. Un bémol que le propriétaire de l’Hôtel Universel Alma, Laval Boulianne, souhaite corriger sous peu. Ce dernier a annoncé un projet majeur qui permettra d’ajouter 30 à 40 nouvelles chambres à son offre actuelle d’ici les deux prochaines années.

Une force locale

En attendant la visite venue d’ailleurs, le tourisme d’affaires local et individuel, lui, se porte très bien. De septembre à juin, plus du quart, sinon le tiers des quelque 1 000 chambres que l’on trouve sur le territoire sont occupées par des travailleurs de passage dans la région, que ce soit pour des réunions syndicales, des conseils de bande, des lac-à-l’épaule, des conseils d’administration, de la représentation, de la formation et même pour des tâches particulières. À ce propos, bonne chance si vous essayez de réserver une des 85 chambres de l’Hôtel du Jardin, à Saint-Félicien, en octobre. Tous les ans, cet hôtel affiche complet pendant une, deux, voire parfois quatre semaines d’affilée lorsque l’usine Papiers forestiers Résolu ferme ses portes pour son opération grand nettoyage, qu’on appelle dans la région le shut down. « Cette grande opération de maintien des équipements nous permet d’accueillir des travailleurs du Québec, mais aussi de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, de l’Alberta et même des États-Unis », indique Lili Fournier, directrice des ventes de l’établissement. « Pour nous, conclut-elle, c’est l’équivalent d’un mégacongrès. »