Des solutions pour amoindrir les coûts d’organisation
Claudine Hébert|Édition de la mi‑septembre 2023Tous les planificateurs que « Les Affaires » a contactés doivent, eux aussi, jongler avec des hausses moyennes de 25% à 35%. (Photo: courtoisie)
RÉUNIONS ET CONGRÈS. L’industrie du tourisme d’affaires n’échappe pas à l’augmentation générale des prix, qui a fait exploser les coûts d’organisation de 20 % à plus de 50 % par rapport à 2019. Bien que cette situation ne freine aucunement les réservations, les organisateurs, eux, cherchent des solutions pour faire passer la pilule. Les Affaires présente plusieurs de leurs initiatives.
« Cr&?@!, les prix demandés n’ont plus de bon sens », lance d’emblée une planificatrice d’événements qui a accepté de discuter de sa situation sous le couvert de l’anonymat. Le congrès de 150 personnes que son association organise annuellement depuis près de quatre décennies à l’automne lui coûtera plus de 100 000 $ en frais divers dans un hôtel de Saguenay cette année. « Il s’agit d’un bond de plus de 80 % sur le montant de la facture du même rendez-vous présenté en territoire lavallois en 2019 », souligne-t-elle, déconcertée.
Pour obtenir la plus raisonnable des offres, la planificatrice a non seulement doublé le nombre de demandes de soumission (de quatre à huit), mais élargi également le « territoire » de ses destinations admissibles. D’où la tenue de son événement à l’autre bout de la route du parc des Laurentides.
Les coûts inflationnistes lui ont même réservé d’autres surprises. « L’une des destinations hôtelières que nous avons approchées pour notre congrès de 2024 a exigé un dépôt de 40 000 $ pour la réservation des dates à son calendrier. Je n’ai jamais vu ça », raconte la planificatrice, habituée à verser des dépôts variant de 5000 $ à 10 000 $.
Une main-d’œuvre qui coûte cher
Cette organisatrice n’est pas la seule à faire face à des augmentations de frais déstabilisantes. Tous les planificateurs que « Les Affaires » a contactés doivent, eux aussi, jongler avec des hausses moyennes de 25 % à 35 %. « Ce ne sont pas tant les coûts de location de salles, de nourriture et de divers équipements qui expliquent cette grosse différence entre les prix actuels et ceux d’avant la pandémie », avance Alain Brissette, consultant événementiel qui roule sa bosse depuis quatre décennies dans le tourisme d’affaires. « C’est la main-d’œuvre », pointe-t-il. Ce sont les salaires des employés travaillant dans l’industrie qui ont tout changé, affirme en insistant ce vétéran de l’industrie qui collabore avec une dizaine d’organisations pour la tenue de leurs rendez-vous annuels.
Sébastien Pelland, PDG de Kumpanni, une entreprise montréalaise créatrice d’événements, partage le même avis. « Il devenu fréquent que le personnel qualifié, prenons par exemple en audiovisuel, exige un revenu équivalent à huit heures de travail, peu importe que la tâche dure six, quatre ou même deux heures », dénonce ce créateur d’événements qui travaille pour le compte d’une trentaine de clients. Même chose, dit-il, pour les serveurs d’un service-traiteur. « En somme, les prix de 2019 n’existent plus… et n’existeront jamais plus », soutient le gestionnaire.
Il faut dire que le volet technique en événementiel a perdu beaucoup d’acteurs, concède Anik Forest, présidente de la société Archex spécialisée dans la fabrication de kiosques pour congrès et salons professionnels. « Plusieurs ont quitté le bateau faute de travail pendant le confinement. Conséquemment, la demande dépasse largement l’offre de service auprès de ceux qui ont traversé la crise », explique la dirigeante. En 2023, son entreprise devrait enregistrer une hausse de ventes de plus de 30 %, estime-t-elle.
Discuter avec les fournisseurs
Quoi qu’il en soit, plusieurs planificateurs ont développé des solutions créatives pour diminuer le fardeau de la facture de leurs clients. L’une d’elles est fort simple : prendre le temps de discuter avec les divers fournisseurs impliqués dans l’événement (salles, hébergement, repas, animation…). « Depuis la reprise des activités en mode présentiel, je prends le temps de m’asseoir avec ces partenaires événementiels pour mieux comprendre de quelle façon nous pouvons trouver un équilibre budgétaire », avise Alain Brissette.
Une stratégie que prône également Lyne Major, PDG de Services Pelletier, Gosselin (SPG). Depuis sa création, en 1986, la firme montréalaise veille à l’organisation de divers événements pour une vingtaine d’organisations sans but lucratif (OSBL). Des organismes dont le budget congrès est scruté au dollar près. « J’ai toujours considéré nos fournisseurs comme de précieux alliés », mentionne la planificatrice. D’ailleurs, la gestionnaire qui compte plus de 25 ans d’expérience préfère utiliser le mot « collaborateur » à celui de fournisseur. « Dès le départ, il s’agit d’établir un partenariat gagnant-gagnant. C’est la clé pour négocier des prix décents dans le contexte actuel », insiste-t-elle.
Mais attention, ces discussions ne doivent pas se dérouler sur un ton arrogant ou condescendant, prévient la PDG de SPG. « Le fournisseur qui me répond : “Nos prix ne vous plaisent pas, allez voir ailleurs” ne me reverra plus jamais. Et je vais être la première à ne pas le recommander », affirme Lyne Major qui trouve généralement un terrain d’entente avec les destinations et les services ciblés par sa clientèle.
Retour des gratuités… et du démarchage
Deux indices laissent entrevoir une lueur au bout du tunnel pour les organisateurs d’événements. Le premier : les « gratuités » — location de suites pour le bureau du comité organisateur, hébergement pour quelques conférenciers — sont de retour dans le milieu hôtelier, notent les experts en planification interrogés. Ces avantages financiers, qui ont toujours été fort appréciés par les organisateurs, ont difficilement été négociables, pour ne pas dire absents des contrats, durant les mois suivant la reprise.
Enfin, autre signe encourageant, la plupart des équipes de ventes de salles de location, d’établissements hôteliers et des bureaux de congrès jointes par « Les Affaires » au cours de l’été nous confient ne plus se contenter que le téléphone sonne, comme ce fut le cas au cours des derniers mois. La folie du « rattrapage d’événements » s’estompe. Par conséquent, les activités de démarchage pour séduire les planificateurs reprennent. Ce qui devrait être de bon augure pour la clientèle événementielle.
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