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Plus d’aînés en forte perte d’autonomie dans les RPA

La Presse Canadienne|27 mai 2024

Plus d’aînés en forte perte d’autonomie dans les RPA

Les RPA constituent la plus importante offre de places en milieux de vie pour les personnes aînées au Québec, mais leur nombre est en baisse depuis plusieurs années. (Photo: 123RF)

Les résidences privées pour aînés (RPA) se retrouvent de plus en plus avec des personnes âgées en grande perte d’autonomie, alors que ces milieux ne sont souvent pas adaptés pour répondre à leurs besoins, soulève une étude publiée lundi par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

On avance notamment que la bonification des services à domicile retarde l’arrivée des personnes âgées en RPA au moment où leur autonomie est en déclin. La moyenne d’âge des nouveaux locataires serait plus élevée qu’il y a quelques années, selon des gestionnaires d’établissements.

DOSSIER – RPA: comment sauver les résidences?

Ces derniers ont le sentiment d’être laissés à eux-mêmes face aux besoins des aînés qui dépassent leur offre de services. Ils disent adapter leurs services dans un souci de bienveillance, ce qui occasionne des pertes financières et une surcharge de travail.

«La perte d’autonomie des personnes aînées s’accompagne non seulement d’un besoin accru en services, mais aussi de comportements plus agressifs de la part de certaines personnes résidentes ainsi que de troubles cognitifs», ont indiqué des gestionnaires de résidences privées. Tout comme le personnel, ils constatent que les besoins des aînés sont de plus en plus grands.

Mélanie Bourassa Forcier est la chercheuse qui a mené l’étude intitulée «Les résidences privées pour aînés [RPA] au Québec: enjeux et opportunités». Sa méthodologie comprend une revue de littérature et le regroupement de données statistiques, une portion entrevues avec des gestionnaires et employés des RPA ainsi que des sondages adressés aux résidents.

Que ce soit dans les petites, moyennes ou grandes RPA, il y a des difficultés pour obtenir des soins et services dans les domiciles de ces établissements. «Mais là où il y a plus de problématiques, c’est qu’au niveau des petites RPA, on est souvent en présence de résidents qui présentent des degrés d’autonomie qui sont moins importants par rapport aux résidents qui sont dans les grandes RPA. Nécessairement, ça veut dire qu’on a besoin de plus de soins et services à domicile, explique Mme Bourassa Forcier. […] C’est à ce moment qu’il y a une disparité en termes de services que peuvent recevoir les résidents en fonction du lieu où ils ont choisi de résider.»

Les soins et services à domicile, par exemple faire le changement de bas de contention ou soigner les plaies, doivent être offerts par les CLSC dans les RPA. Or, ils sont souvent déficients, indique l’étude, ce qui a des répercussions sur l’ensemble des résidents. «Les RPA doivent dispenser des soins et services pour lesquels il n’y a pas nécessairement de personnel attitré. Certaines RPA absorbent les coûts financiers découlant de ces services», peut-on lire dans le document qui fait plus de 200 pages.

«Dans la mesure où le CLSC ou l’établissement de santé n’est pas en mesure d’offrir les soins et services à domicile qui doivent être offerts, il devrait s’opérer une certaine compensation [financière] pour assurer la survie des RPA. C’est important qu’on conserve les différents types de RPA, les petites comme les grandes, car les gens ne souhaitent pas tous le même type de résidence», a fait valoir Mme Bourassa Forcier.

Le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) dit qu’il répète depuis des années que les RPA doivent donner des soins à leurs résidents en perte d’autonomie sans être suffisamment compensées par les CISSS/CIUSSS.

«Plutôt que d’être des partenaires et être complémentaires au réseau public en retardant le transfert des aînés vers les ressources d’hébergement, les RPA se font surutiliser. Faute de places dans le réseau public, on les force à garder des clientèles dont le profil de besoin en soins est trop lourd, ce qui draine leurs ressources et provoque des fermetures», déplore par voie de communiqué le président-directeur général du RQRA, Marc Fortin.

Les demandes à l’agence Santé Québec

Une RPA peut procéder ou demander que l’on procède au repérage de la perte d’autonomie d’une personne résidente, selon le Règlement sur la certification d’une RPA. L’évaluation doit être effectuée à l’aide du Programme de recherche sur l’intégration des services pour le maintien de l’autonomie, mais cet outil n’est pas toujours utilisé par certaines résidences qui préfèrent se doter d’un outil maison. De plus, l’étude conclut que cet outil ainsi que le Système de mesure de l’autonomie fonctionnelle ne sont pas adéquats pour déterminer les besoins des résidents.

Mme Bourassa Forcier et son équipe ont indiqué qu’il serait pertinent qu’un outil d’évaluation soit développé par une équipe clinique d’une RPA et de rendre disponible une formation sur l’utilisation des outils actuellement disponibles.

Lorsqu’on évalue que la RPA ne répond plus aux besoins de santé d’un aîné, les délais de transfert vers l’établissement approprié sont trop longs, soulève l’étude. Il y a aussi des lacunes de communication entre les RPA et les CISSS/CIUSSS, ce qui accentue cet enjeu. «Et là, s’il y a effectivement surpassement de services, il y a des délais pour pouvoir transférer la personne», indique Mme Bourassa Forcier.

De plus, il n’y a pas toujours des unités de disponibles dans des RPA de catégorie supérieure destinées à des personnes en perte d’autonomie ou dans des CHSLD. «Ça fait en sorte que la personne reste dans la résidence, où au départ, on n’a pas prévu ces besoins-là. Soit ça implique une surcharge pour les employés, soit ça implique des besoins non comblés chez le résident. C’est tout un casse-tête pour les RPA ces situations», souligne la chercheuse.

Par ailleurs, la nouvelle agence Santé Québec devrait avoir à sa charge le dossier des RPA une fois qu’elle sera bien implantée. Mme Bourassa Forcier estime que le plus urgent pour la société d’État sera de trouver une façon d’assouplir la réglementation qui est trop lourde en ce moment, ce qui engendre des fermetures de RPA. «Chez les résidents à qui on a parlé et qu’on a sondés, il n’y a pas une personne qui souhaite aller dans une RPA si on a l’impression d’être dans une institution, ils veulent se sentir chez eux», précise la chercheuse.

Elle croit aussi que Santé Québec a le devoir de veiller à une collaboration saine entre les établissements de santé et les RPA. L’agence devrait s’assurer qu’il soit possible «de lever le drapeau rouge» lorsqu’il y a des problèmes.

M. Fortin, le président du RQRA, espère que les autorités gouvernementales prendront connaissance de l’étude du CIRANO et qu’ils assoupliront les normes actuelles pour éviter des fermetures.

Le paysage des RPA change

Les RPA constituent la plus importante offre de places en milieux de vie pour les personnes aînées au Québec, mais leur nombre est en baisse depuis plusieurs années

«En date du 31 mars 2024, le nombre de RPA, ainsi que le nombre de places disponibles ont tous deux diminué, passant respectivement à 1393 RPA et 136 525 unités», indique l’étude.

De manière générale au cours des dernières années, les plus petites résidences privées ont tendance à fermer leurs portes alors que les gros établissements prennent plus de place dans le paysage. On évalue que le nombre total de RPA a baissé de 23% au Québec entre 2015 et 2023. Durant cette période, le nombre de grandes RPA (100 unités ou plus) a augmenté de 24%.

Depuis 2019, au moins 432 RPA ont mis la clé sous la porte. De ce nombre, près de 90% étaient des résidences de 30 unités ou moins et au moins 11 étaient des RPA de type organisme sans but lucratif. Pour 2023 seulement, 77 résidences privées supplémentaires ont cessé leurs activités ou ont changé de vocation.

«C’est la pression financière qui découle de la surréglementation, mais aussi des tensions qui sont parfois présentes avec des établissements de santé. […] C’est vraiment l’incapacité des petites RPA qui fonctionnent avec un moins grand volume, donc nécessairement il y a des coûts plus élevés pour opérer dans un contexte où il y a de plus en plus de normes auxquelles on doit répondre, souligne Mme Bourassa Forcier. Il y a une pression considérable sur ces RPA qui expliquent ces fermetures.»

La grande majorité des RPA sont destinées à des personnes aînées avec une perte d’autonomie plus prononcée, ce qu’on appelle les catégories 3 et 4. Les RPA de catégories 1 et 2 sont celles destinées à des personnes aînées autonomes et elles représentaient 15% des RPA en 2023.

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Katrine Desautels, La Presse Canadienne

 

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