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«J’ai attendu trop longtemps pour demander de l’aide»

Marie-Eve Shaffer|Édition de janvier 2022

«J’ai attendu trop longtemps pour demander de l’aide»

Denis Trottier, premier responsable de la promotion de la santé mentale chez KPMG Canada (Photo: courtoisie)

SANTÉ AU TRAVAIL. Denis Trottier a traversé une profonde dépression qu’il a pris des années à guérir. Ce comptable de profession est donc bien au fait de la douleur que peuvent ressentir les personnes en détresse psychologique. Aujourd’hui, il leur apporte un peu de réconfort en tant que premier responsable de la promotion de la santé mentale chez KPMG Canada. 

« Je veux qu’on apprenne de mes erreurs. J’ai attendu trop longtemps pour demander de l’aide », confie-t-il à Les Affaires.  

Denis Trottier l’avoue lui-même : il avait tout. Une famille aimante. Un emploi enviable. Aucun problème financier. Et pourtant, il souffrait. Des épisodes dépressifs, l’associé de KPMG Canada en a vécu quelques-uns, mais personne n’en avait eu vent parmi ses collègues de travail. Par peur d’être jugé et de perdre son emploi, il cachait sa souffrance derrière des journées de vacances prises à l’improviste. 

En 2006, il en a eu assez. Il a remis sa démission au cabinet comptable. « Ce n’était pas la solution, affirme-t-il aujourd’hui. Comment aurais-je pu retrouver un emploi alors que je ne voyais pas clair ? »

Son patron de l’époque a refusé qu’il quitte l’entreprise. Il l’a plutôt encouragé à prendre un congé de maladie. Ce qu’il a fait. Pendant 13 mois, il a sondé les profondeurs de son mal-être. Avec le soutien de sa famille et l’aide de professionnels, le comptable a recouvré une santé psychologique, puis a repris ses activités professionnelles.

 

Un nouveau rôle

Alors qu’il planifiait prendre une retraite bien méritée, Denis Trottier s’est fait offrir un nouveau poste, dont la responsabilité serait de veiller au bien-être des employés de KPMG Canada. Une proposition trop intéressante pour la refuser. Il a accepté, mais a tenu à ce que son nouveau titre fasse la mention de la santé mentale. 

« Je ne voulais pas être un chef du bien-être (chief wellness officer). Je n’aurais pas su quoi faire avec un tel titre », précise celui qui est donc devenu le premier responsable de la promotion de la santé mentale de son entreprise.

Son rôle est de démystifier la santé mentale, de faire tomber les tabous et de faire en sorte que les employés de KPMG Canada soient à l’aise de parler de leur mal-être. Il intervient pendant les réunions d’équipe et les rencontres avec les clients pour expliquer les services offerts par l’entreprise, mais aussi pour présenter des outils gratuits, comme le programme d’aide Bounce Back ou le Plan visant à accroître la résilience de Canada-Vie

En tout temps, il se rend disponible quand un collègue a besoin de parler. « Une personne est en détresse ? Je vais l’orienter vers nos ressources et je vais l’écouter sans la juger », mentionne-t-il. 

Denis Trottier est ainsi devenu un confident pour plusieurs employés de KPMG Canada qui peinent à trouver un proche prêt à les écouter et à les comprendre. « Quand je souffrais de dépression, j’aurais aimé parler à quelqu’un comme moi, se souvient-il. Quelqu’un qui comprend mon quotidien. »

 

Une poste rare

Des postes comme le sien, Denis Trottier avoue en avoir eu connaissance d’un seul, « dans une institution financière en Australie ». Quant à la consultante en santé mentale pour les entreprises Chantal Dufort, elle n’en a jamais vu. « Beaucoup de gens me disent qu’ils ne demandent pas à leurs employés s’ils vont bien parce que si ça ne va pas, ils ne savent pas quoi faire. »

Or, si une entreprise sensibilise ses employés aux questions de santé mentale, ceux-ci seront davantage en mesure d’en discuter et d’intervenir si cela s’avère nécessaire. Chez KPMG Canada, des activités sont organisées par les équipes locales de chaque bureau pendant la Semaine de la santé mentale, qui se déroule tous les ans début mai. 

C’est justement ce à quoi aspire Chantal Dufort lorsqu’elle prête main-forte à des entreprises: que la santé mentale devienne la responsabilité de l’ensemble de l’équipe, mais qu’une personne soit nommée pour veiller au grain. « L’idée, c’est de créer une synergie », résume-t-elle. 

La santé mentale doit devenir un sujet de discussion du quotidien au bureau. Et Denis Trottier est de ceux qui s’en assurent.