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Les ESG sont morts, vive les ESG!

Le courrier des lecteurs|Mis à jour le 13 juin 2024

Les ESG sont morts, vive les ESG!

(Photo: courtoisie)

Un texte de Christian Belair, président et co-fondateur de Credo 

COURRIER DES LECTEURS. Les ESG sont morts, vive les ESG! C’est ainsi que je pourrais résumer mes deux jours à la retraite B Corp, l’évènement biannuel qui regroupe les entreprises certifiées B Corp canadiennes et américaines. Loin d’être une conférence d’affaires traditionnelle, l’évènement permet aux entreprises certifiées et à leurs équipes de se retrouver, de faire le point et d’échanger sur les tendances à venir.

Même si le sujet des facteurs ESG est encore tout nouveau au Québec, de l’autre côté de la frontière, aux États-Unis, le sujet fait face à une polarisation et une politisation de plus en plus grande et, par conséquent, à une opposition d’une partie importante de la communauté d’affaires. Plusieurs se souviendront d’ailleurs de la courte publication d’Elon Musk l’été dernier: «ESG est le diable». 

Heureusement, le B LAB (l’organisation à l’origine de la certification B Corp) est loin de baisser les bras et à choisi de revenir cette année en force avec une nouvelle mouture de sa plateforme de certification, le B Impact Assessment. Préparez-vous, il ne vous suffira plus d’avoir la note de passage (anciennement 80) pour vous (re)certifier. Plusieurs conditions viendront s’ajouter au chemin déjà difficile vers la certification: salaire minimum, culture de travail, droits de la personne, justice, équité, diversité et inclusion, action climatique, etc.

Le CEO États-Unis et Canada du B Lab,  Jorge Fontanez, n’a d’ailleurs pas hésité une seconde à aborder de front cette semaine tous les défis auxquels l’organisation est confrontée, à commencer par sa croissance rapide (la certification a la plus forte croissance au monde!) et l’importance de goûter à sa propre médecine! «Et oui, le B LAB a fait son B Impact Assessment», a-t-il lancé à la foule! L’organisation qui veut dicter la voie doit plus que jamais donner l’exemple.

Bien plus que walk the talk, le B Lab doit aussi talk the walk et c’est pourquoi l’organisation s’engage à produire et à diffuser cette année plus de contenus: données, études de cas, etc. qui permettront au milieu des affaires de mieux comprendre la pertinence d’agir et de changer ses façons de faire. Dans un contexte d’urgence climatique et d’augmentation des inégalités sociales, le rôle de l’entreprise n’est plus celui des années 1970 (et ne le sera plus jamais!). C’est le message qu’entend continuer à porter le B LAB cette année!

À ma grande surprise, la notion de bien-être a aussi occupé une partie importante des échanges au sein de la communauté. Combattre un vent de face — sur les questions sociales et environnementales — n’est pas toujours facile! Être entrepreneur ou une entrepreneuse non plus! Combiner les deux, je vous laisse imaginez! Je vois plusieurs entrepreneur ou entrepreneuse B Corp à la barre de leur entreprise qui auraient aussi pu être sur la couverture du journal Les Affaires cette semaine!

C’est pourquoi plusieurs panélistes l’ont rappelé avec raison: l’importance d’avoir le soutien de sa communauté est centrale. Un message fort et porteur qui devrait résonner jusqu’aux portes de nos associations patronales et acteurs de développement économique local: comment accueillir ces entrepreneurs et entrepreneuses qui ne veulent plus seulement faire de l’argent?

L’exemple et le succès de Jenn Harper, fondatrice et présidente de Cheekbone Beauty, aujourd’hui distribué chez Sephora, a sûrement donné le vertige à quelques investisseurs et investisseuses assis dans la salle. Trop tard, il fallait investir plus tôt! Plusieurs étaient d’ailleurs là pour saisir de nouvelles occasions d’affaires et… d’impact. Au Québec, Kotmo, qu’on a pu voir à l’œil du Dragon avec le Ciklo — le premier stylo fait au Québec et entièrement recyclable — a aussi fait bonne figure. Parce que si certains ou certaines voient encore un stylo, au sein de la communauté B Corp on voit le potentiel de changer toute une industrie de l’intérieur, celle de l’objet promotionnel, qui représente 23,3 milliards de dollars aux États-Unis seulement!

Aujourd’hui, soutenue par la BDC et Coast Capital, deux institutions financières de haut calibre, on peut affirmer sans aucun doute que la communauté B Corp est définitivement sortie de sa marginalité.

Évidemment, plusieurs — et moi le premier — on été inconfortables à avec certains moments clés de l’évènement, entre autres lorsque nos «privilèges» ont été remis en question par la jeunesse plus qu’engagée — Naisha, Bodhi et Janelle! Mais n’avaient-ils pas raison de le faire? Entre deux échanges sur la chaîne de valeurs, je pense sincèrement que nous devrions toutes et tous être exposé-es, plus tôt que plus tard, aux questions relatives à l’économie régénérative, à la protection du territoire et à la réconciliation avec les peuples autochtones.

Du coup, si pour certain-es, les ESG sont morts (ou doivent l’être), vous savez ce que dit l’adage, «dès que le roi meurt, il lui est aussitôt succédé. Ainsi, d’une certaine façon, le roi ne meurt jamais: le corps naturel meurt mais la fonction demeure.» Cette jeunesse qu’on voyait dans la rue il n’y a pas si longtemps, lors des marches pour le climat, et bien, elle est déjà dans nos entreprises et bientôt sur nos conseils d’administration et elle porte un message: vive B Corp!