L’entreprise technologique CarbiCrete a mis au point un béton sans ciment à l’empreinte carbone négative. (Photo: courtoisie)
SCIENCE, RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE. Dans le monde, 8 % des gaz à effet de serre sont émis par la production de béton, révélait le think tank Chatham House en 2019. En cause : le ciment, son principal composant. L’entreprise technologique CarbiCrete a mis au point un béton sans ciment à l’empreinte carbone négative, dont les qualités sont identiques ou supérieures à celles du béton traditionnel.
CarbiCrete remplace le ciment par un sous-produit industriel — les scories des aciéries — qui est mélangé aux autres matériaux habituels pour fournir du liant. La mixture est ensuite versée dans une machine où sont formés les blocs, qui sont alors dirigés vers une chambre d’absorption dans laquelle est injecté du CO2, selon un procédé breveté qui enferme de manière permanente le gaz dans le béton. Celui-ci atteint sa pleine résistance en 24 heures. « La résistance à la compression de notre ciment est jusqu’à 30 % supérieure à celle du béton au ciment », souligne Yuri Mytko, directeur marketing de l’entreprise établie à Lachine. La minéralisation du CO2 lors du durcissement du produit assure aux produits une empreinte carbone négative.
Sept ans de réflexion R&D
De la fondation de CarbiCrete en 2016 au lancement de sa première commercialisation 2023, sept ans se sont écoulés. « Nous avions besoin d’un équipement qui nous permette de tester la technologie en laboratoire, mais nous devions ensuite avoir accès à un site avec des machines de fabrication de blocs à l’échelle commerciale, du CO2 fourni à l’échelle et quelqu’un qui est prêt à à sacrifier une partie de son temps de production pour tester la technologie », raconte Yuri Mytko. C’est le manufacturier de produits en béton Patio Drummond, son partenaire de projet pilote devenu son premier client, qui lui fournit les moyens nécessaires pour tester et travailler son procédé dans un environnement de production suffisamment large.
La technologie du béton sans ciment de CarbiCrete avait été développée en laboratoire quelques années plus tôt à l’Université McGill par plusieurs chercheurs, dont Mehrdad Mahoutian, devenu cofondateur de l’entreprise. « Il avait été mis en contact avec notre PDG, Chris Stern, par l’intermédiaire du Bureau de transfert de technologie de l’Université McGill, raconte Yuri Mytko. Ce dernier, qui avait vendu avec succès son entreprise solaire en 2014 cherchait de nouvelles technologies innovantes et propres qui auraient un bon potentiel commercial », pour se lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale.
Un financement béton
À ce jour, l’entreprise finaliste du prestigieux concours international XPRIZE a pu lever 50 millions de dollars auprès d’investisseurs incluant le transformateur de matériaux de l’industrie sidérurgique Harsco — qui lui a également fourni des scories d’acier — Fondaction, Fonds d’Économie Circulaire et l’entreprise française Saint-Gobain. « La grande majorité des fonds a été utilisée pour poursuivre le développement, l’optimisation et la commercialisation de notre technologie », indique Yuri Mytko.
Seule au Québec à proposer un béton à faible teneur en carbone, CarbiCrete a des concurrents ailleurs. « Nous avons chacune des approches différentes, mais pour autant que je sache, nous disposons de la meilleure technologie du point de vue de l’impact carbone », affirme Yuri Mytko.
Patio Drummond, l’unique client payant de l’entreprise, devrait doubler sa production de ciment CarbiCrete (2400 blocs de béton par jour actuellement) au cours de l’année. « Nous travaillons sur d’autres projets pilotes avec des clients potentiels dans l’Ontario et en Europe, dont l’un avec Saint-Gobain », indique le directeur marketing qui anticipe également des projets aux États-Unis prochainement.
L’afflux d’investissements a permis à la jeune entreprise de recruter 50 employés, motivés par son béton carbonégatif. « Nous n’avons jamais eu de difficultés à embaucher. Tout le monde est animé par la même mission et je pense qu’il s’agit d’un facteur de différenciation énorme sur le marché de l’emploi », estime Yuri Mytko qui encourage les entrepreneurs canadiens à profiter des ressources auxquelles ils ont accès. « Restez au Canada ! La quantité de soutien et de financement non dilutif disponible au Canada ne ressemble à rien de ce que j’ai vu ailleurs, observe-t-il. Grâce à des programmes canadiens et québécois, nous avons réussi à obtenir une bonne partie des fonds nécessaires à la recherche, ce qui est essentiel pour une jeune entreprise. »