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La crise des soins de santé et l’insanité de Québec

Le courrier des lecteurs|Mis à jour le 13 juin 2024

La crise des soins de santé et l’insanité de Québec

(Photo: 123RF)

Un texte de François Aubin, associé chez Cognitive Group

 

COURRIER DES LECTEURS. «L’insanité, c’est de faire la même chose encore et encore tout en s’attendant à des résultats différents.» – Albert Einstein

Le gouvernement du Québec a décidé une fois de plus de transformer la manière dont il fournit des soins de santé à ses citoyens. La création de Santé Québec consolidera 34 entités provinciales en «une» organisation, tentant de résoudre des problèmes non résolus tels que les attentes dans les salles d’urgence et les retards de traitement prolongés.

 

Le problème

En 2021, le coût des soins de santé au Québec était de 53 milliards de dollars, soit 40 % du budget total du gouvernement du Québec. La congestion dans les services d’urgence des hôpitaux entraîne des temps d’attente inacceptables. Des statistiques récentes indiquent que le taux d’occupation moyen dans les salles d’urgence est d’environ 117 %. Les salles d’urgence des hôpitaux de Montréal avaient des taux dépassant 130 % au 6 juillet 2021. 22 % des Québécois sont actuellement sans médecin de famille, ce qui les amène à se rendre aux urgences pour des problèmes médicaux qui ne sont pas urgents. L’engorgement et les délais pour obtenir un traitement dépassent les urgences. Ils s’étendent pour des traitements, des opérations ou l’obtention d’une place pour les soins prolongés.

 

Comparaison avec d’autres pays:

 

Ce tableau affiche les pourcentages d’individus devant attendre plus d’un jour pour consulter un médecin généraliste, représentés en bleu, et ceux attendant plus d’un mois pour voir un spécialiste, illustrés en orange. 

 

Suisse

Les soins de santé décentralisés en Suisse offrent une couverture universelle et confient des rôles opérationnels aux cantons (États). Principalement financés par les primes des inscrits et les paiements directs, les soins de santé garantissent une couverture complète des services. L’assurance maladie obligatoire (AMI) comprend une large gamme de prestations, telles que les prestations de médecins généralistes et spécialisés, les produits pharmaceutiques, les services de soins à domicile et certaines mesures de prévention, avec d’importantes subventions des cantons pour les prestations hospitalières. Toutefois, les soins dentaires pour adultes sont exclus de cette couverture. Les soins de santé intègrent également des mécanismes de partage des coûts tels que des franchises et des quotes-parts, ainsi que des subventions pour aider les personnes à faible revenu à payer leurs primes d’assurance maladie.

 

Pays-Bas

Les soins de santé néerlandais sont appréciés pour leur accessibilité, leur qualité et leur couverture complète. Financé par les charges sociales, la fiscalité générale, les primes d’assurance individuelles et les quotes-parts. L’assurance maladie est obligatoire pour tous les résidents. L’assurance couvre un large éventail de services, notamment les soins généraux et spécialisés, les soins hospitaliers et les médicaments sur ordonnance. Le gouvernement finance également les enfants et les adolescents de moins de 18 ans, promouvant l’égalité en distribuant les fonds entre les assureurs sur la base d’une formule de capitation ajustée au risque. Environ 84 % de la population opte pour une assurance maladie privée complémentaire pour des services non inclus dans le régime public, comme les soins dentaires pour adultes et la physiothérapie.

 

Les défis de la centralisation des soins de santé au Québec:

L’administration et les services de santé du Québec offrent une couverture universelle grâce au financement public. L’administration relève de la compétence du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui planifie, contrôle et finance de manière centralisée les programmes de santé et les services médicaux partout dans la province. Les approches centralisées utilisées par le gouvernement du Québec souffrent d’obstacles cruciaux:

● Inefficacité de l’allocation des ressources: la planification centrale entraîne des inadéquations entre les ressources allouées et la demande réelle, en raison de décisions prises sans informations immédiates sur la demande locale, sans capacité à réagir rapidement aux changements et sans retour d’information immédiat sur le résultat de l’action.

● Manque de flexibilité: les organisations centralisées entraînent une rigidité bureaucratique, entravant une adaptation rapide aux changements.

● Concentration du pouvoir: la centralisation peut entraîner des déséquilibres de pouvoir, favorisant risque d’erreurs systématiques et les problèmes de responsabilité. Il en résulte une augmentation continue du contrôle et des réglementations au fil du temps.

● Inhibition de l’innovation: une approche centralisée peut freiner l’innovation et l’expérimentation locales, cruciales pour l’optimisation des services et des produits en raison de la diminution des incitations pour le personnel local.

 

En revanche, les systèmes décentralisés tels que ceux de la Suisse et des Pays-Bas permettent une prise de décision et un financement à des niveaux plus proches de la demande réelle, en exploitant les informations immédiates sur la demande pour une adaptabilité rapide. Ce modèle ressemble à la gestion des petits magasins de détail, où les décisions en matière d’inventaire sont directement influencées par les comportements et les demandes observés des clients, où les gestionnaires peuvent prendre des décisions et évaluer les résultats.

 

Conclusion

Pour que les soins de santé fonctionnent efficacement, la prise de décision centrale doit se limiter sur la réglementation, tandis que le financement et l’allocation des ressources doivent se faire au niveau local. Cette approche permet aux patients de payer directement (par le biais d’une assurance et de franchises) aux prestataires de services, qui gèrent et décident ensuite de l’allocation des ressources, reflétant les pratiques réussies observées dans des pays comme le Japon, la Suisse, les Pays-Bas et Taiwan.

Dans le contexte spécifique du Québec, certaines cliniques spécialisées qui obtiennent des sources de financement alternatives, telles que des subventions de recherche, démontrent une amélioration en termes de motivation, d’initiative et d’efficacité. Ce phénomène souligne le rôle vital de l’autonomie financière dans l’amélioration de la prestation des soins de santé.

Qu’est-ce qui empêche l’adoption du modèle de soins de santé réussi de la Suisse comme solution?

Pourquoi le gouvernement du Québec s’entête-t-il à faire des réformes qui échouent constamment?

 

François Aubin est associé chez Cognitive Group. Il a plus de 20 ans d’expérience de consultation montrant aux grandes entreprises comment améliorer leur efficacité opérationnelle grâce à l’ingénierie cognitive. La liste de clients de François comprend: la Banque Royale de Canada, la Banque Nationale, Amazon, PG&E, Hydro Québec, etc. François est titulaire d’un B.Sc en physique et d’une maîtrise spécialisée en facteurs humains du Département de génie industriel de l’École Polytechnique de Montréal. Il a publié de nombreux articles et donne à l’occasion des charges de cours à la Polytechnique et à l’UQAM.

 


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