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Je veux trouver le bon investisseur privé! Comment faire?

Catherine Charron|Publié le 11 janvier 2022

Je veux trouver le bon investisseur privé! Comment faire?

Lucas Francioli, cofondateur de la start-up MoveMate et Charles-Henri Paquette, directeur financier sur demande et comptable agréé (Photos: courtoisie)

À chaque épisode de la balado Se tirer d’affaires, Les Affaires répond en moins de 10 minutes à de vraies questions que se posent des dirigeant.e.s de PME québécoises.

BALADO SE TIRER D’AFFAIRES. L’investissement privé peut parfois être une démarche périlleuse pour les PME à la recherche de financement. Après tout, il n’est pas simple de trouver le bon partenaire qui saura propulser vos activités, et non, alourdir la gestion de vos affaires.

Ayant déjà mis la main sur différents types de financement non dilutif, le jeune entrepreneur Lucas Francioli doit maintenant accumuler une cagnotte importante pour exporter les services de sa start-up MoveMate dans d’autres marchés. Il tente toutefois d’éviter de laisser aller trop des parts de son entreprise dans ce processus.

Charles-Henri Paquette, directeur financier sur demande et comptable agréé, apporte quelques astuces aux dirigeants de PME afin de trouver le bon allié dans votre épopée, afin de développer un partenariat prometteur pour les deux parties dans cet épisode de Se tirer d’affaires.

«On a réalisé que le Canada, c’est une place incroyable. Il y a tellement d’argent public, des fonds publics finalement, qui sont distribués aux entreprises technologiques, un peu comme la nôtre, explique Lucas Francioli, cofondateur de MoveMate. Ce qui fait qu’on a pu aller finalement aller chercher des fonds, ce qu’on appelle non dilutifs, c’est à dire qu’on peut retenir 100 % de notre équité. Et donc on a reçu des subventions salariales, différentes bourses, différents prix et elles étaient suffisamment conséquentes pour finalement être sûr qu’on puisse couvrir nos frais de main-d’œuvre, les frais de développement, et ainsi de suite. Puis maintenant, on arrive à un stade où on a besoin de plus de développement et donc on a besoin d’investisseurs privés.» 

«L’investissement privé amène des avantages et des désavantages par rapport aux autres types d’investissements, souligne Charles-Henri Paquette. Si on parle des avantages, il y a l’aspect de la relation, l’aspect du savoir-faire. Souvent, les entrepreneurs sont passés au travers de différentes épreuves, puis ont eu du succès, ils sont devenus des investisseurs après ça qui veulent redonner aux autres entrepreneurs. La clé pour un entrepreneur qui cherche un investisseur privé, c’est l’aspect, la promesse, être capable de livrer des promesses. Et donc, si on est capable de promettre quelque chose, puis on a de la difficulté à livrer après, évidemment, c’est là que tout va se gâter. Les investisseurs privés sont au courant de tout ça, ils peuvent donc vous aider à encadrer dans cette livraison des promesses.»

«La raison pour laquelle on cherche un investissement privé, c’est vraiment parce que nous on est un intermédiaire, on prend une commission sur chaque transaction. Ce qui veut dire que pour être une société profitable, on a besoin d’un volume qui est assez conséquent et malheureusement assez difficile d’aller chercher ce volume si on n’a pas une force de vente, si on n’a pas un bon développement technique pour aller fidéliser ses clients et leur montrer qu’on leur apporte une plus-value, avoue Lucas Francioli. Et donc ces gens ont un coût. On a réalisé que notre solution est nécessaire sur le marché. Ce n’est donc pas un “Est-ce qu’elle pourrait marcher ?” c’est plutôt “Qui va la faire marcher ?” et donc on doit aller vite parce que sinon la compétition va nous dépasser. On a donc besoin d’un financement relativement important pour qu’on puisse amorcer notre croissance et l’accélérer, surtout pour qu’on puisse finalement se rendre dans les autres villes canadiennes et donc avoir un volume plus conséquent.»

Pour vous assurer qu’un investisseur est bel et bien sérieux dans sa démarche, il y a quelques éléments à surveiller. 

«La première chose qu’on veut, c’est qu’il y a un “fit”, dit Charles-Henri Paquette. Il faut que l’entrepreneur et l’investisseur s’entendent bien. Il faut que l’investisseur adhère à la vision de l’entrepreneur. C’est la première chose qu’on doit sentir lorsqu’on parle à l’investisseur privé. Bien entendu, il y a la question de contexte. Si on est dans un contexte d’urgence, évidemment, on aura moins tendance à vouloir s’assurer qu’on s’entende bien, on va vouloir mettre plus de pression pour aller chercher des liquidités. Si on est capable de mieux planifier notre recherche d’investissement privé, on va avoir plus de temps pour justement prendre le temps de s’allier, puis de faire partager la vision avec l’investisseur.»

«Ensuite, il faut évidemment vérifier sa capacité de faire un chèque, ne pas avoir peur de lui demander de nous donner des preuves sur une idée d’une structure de financement, comment il voit le “deal”, de quelle manière justement il participerait et participerait pendant combien de temps, est-ce qu’ils ont une idée d’un plan de sortie, des niveaux de rendement. Puis, si on parle à un investisseur privé et que c’est vague dès le départ, on se doit se poser des questions», rappelle Charles-Henri Paquette.

 

Quelle implication?

Vous devrez aussi clarifier rapidement quel type d’impplication cette personne compte avoir dans votre PME. 

«Est-ce que l’investisseur va être présent 1 an, 3 ans, 5 ans ? Est-ce qu’il veut vous accompagner pour vous aider à devenir une entreprise publique, puis il veut faire partie de l’aventure ? Est-ce que c’est un investisseur qui veut être présent dans les opérations, donc ce qu’on appelle un investisseur-opérateur ? Est-ce que c’est purement investisseur silencieux, quelqu’un qui va seulement se présenter au conseil d’administration, regarder l’évolution de son placement? Évidemment, pour l’entrepreneur, si on se retrouve avec un investisseur-opérateur, ça peut jouer du coude», avertit Charles-Henri Paquette.

«C’est sûr que je vais avoir l’évaluation d’entreprise la plus élevée possible pour que ma dilution soit moindre et donc quand je cherchais juste un million de dollars en capital, si mon entreprise vaut tant, ça va affecter mon pourcentage d’équité dans l’entreprise. Et je vais être sûr que ce pourcentage est le plus élevé possible pour que je sois toujours l’actionnaire majoritaire, la personne qui va prendre les décisions, et pas avoir un investisseur qui va pouvoir faire un “hostile takeover” où l’investisseur va finalement prendre le dessus, décider de la vision d’entreprise, licencier un des fondateurs, etc. Ce sont des choses qui peuvent arriver», craint Lucas Francioli.

 

Comment faire quand on débute? 

Lucas Francioli se demande comment justifier auprès d’un investisseur un facteur multiplicateur du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements, ce qu’on appelle communément le BAIIA, puisque son entreprise est encore toute jeune et qu’il lui est difficile d’en évaluer la valeur.

«Tous les entrepreneurs vont commencer par dire: voici le marché global, canadien, américain, nord-américain, mondial. Si je vais chercher 1 % de ce marché-là, je devrais être capable de valoir tant. Ça, on l’entend tout le temps. Après ça serait peut-être de déconstruire ça pour arriver avec des choses qui sont plus tangibles, plus véridiques, plus atteignables au courant d’un horizon d’un an, 3 ans, 5 ans, selon Charles-Henri Paquette. Ce que je recommande toujours, c’est travailler avec des cibles. Dans ce contexte-là, on a une bonne idée du positionnement de l’entreprise à ce moment-là et là on va dire bah si on part aujourd’hui, quelle participation et quelle prise de valeur pour l’investisseur ça va représenter. Donc on parle quand même d’une valeur future qui va essayer d’intéresser l’investisseur. Une fois qu’on a déterminé ces valeurs futures, on va essayer effectivement, déterminer des multiples possibles pour le futur où on pourrait se rendre, puis de ramener ça à des multiples d’aujourd’hui, ce que ça représenterait. Ça, c’est une façon que je vois, de le présenter. Est-ce que je la recommande ? Peut-être pas. Mais je vois que souvent, les investisseurs cherchent à faire cette espèce d’estimé de multiples et là encore, est-ce que l’entreprise est profitable? C’est une autre question. S’il elle n’est pas profitable, on va se baser plus sur le premier niveau, les revenus. Si c’est une entreprise qui est capitalisée avec des actifs, on pourrait peut-être se baser sur des actifs de l’entreprise, mais donc dans tous les cas le jeu émotionnel entre la capacité de promettre et de livrer cette promesse-là dans les 3 à 5 ans, c’est ça qui va être décisif pour évaluer l’entreprise.» 

Et c’est dans la première rencontre avec votre investisseur que tout risque de se jouer. D’où l’importance d’arriver bien préparé. 

«Dans le fond, quand on investit dans une entreprise, on investit dans sa capacité de faire face aux besoins changeants du futur, mentionne Charles-Henri Paquette. C’est ça ma définition d’une valeur d’entreprise… Les gens investissent dans Apple parce qu’ils se disent qu’ils vont avoir la capacité — même si on ne sait pas c’est quoi le prochain cellulaire qui vont sortir — on est persuadé que le prochain cellulaire qu’ils vont sortir va être encore à la mode et qu’il va être à l’avant-garde, donc on a ce niveau de confiance. Ramenez cet exemple-là à beaucoup plus petit dans les PME, c’est la même chose : il faut absolument sentir que l’entrepreneur, quand il présente son projet, il est capable de le livrer. Je dis souvent en affaire : qui ne promet rien ne vaut rien.»

«L’autre chose qu’on voit, c’est que souvent les gens vont promettre trop, ils vont promettre la Lune, déplore Charles-Henri Paquette. Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? On parle d’un investisseur qui va investir 500 000$, donc pourquoi on lui dirait que le chiffre d’affaires pour va faire au-dessus de 20 millions de dollars dans 3 ans ? On a peut-être juste besoin de savoir selon nos besoins, ce qu’on a besoin de promettre puis d’être capable de livrer.»

Lorsque vous êtes à la recherche d’un investisseur, il est primordial de se rappeler que votre démarche est régie par l’Autorité des marchés financiers (AMF). 

«Lorsqu’on parle d’investisseurs privés, en fait ce qu’on sous-entend, c’est qu’on parle de s’adresser à un investisseur qu’on appelle communément qualifié ou déterminé, qui ont certains critères définis sur le site de l’AMF. Essentiellement, ce sont des gens qui font au-delà de 200 000$ par année, qui ont souvent une valeur nette au-dessus de 5 millions de $, qui ont au moins un million de $ à investir. Donc on parle vraiment des gens qui ont une capacité d’investissement, qui savent ce qu’ils font, donc on veut éviter toutes les possibilités de flouer des gens ou en fait de vendre un produit puis de faire affaire avec des gens qui ne sont pas avertis. Les chiffres magiques évidemment sur l’AMF, on peut voir sur le site là, sont une trentaine ou une cinquantaine d’investisseurs. On parle vraiment d’obligation de s’inscrire. Moi je dirais, dès que vous êtes en haut de 5 ou 10, posez-vous des questions, si la façon dont vous le faites est adéquate ou pas. Dans tous les cas, parlez à votre avocat et consultez l’AMF, puis ils vont vous dire quoi faire.» 

 

 

Ce balado produit par Les Affaires est animé par Catherine Charron et réalisé par Virage Sonore grâce au soutien de la Banque Nationale.

Écoutez les autres épisodes sur Spotify, ou Les Affaires.

 

Soyez à l’affût, dès le 29 novembre 2021 , on se penche sur la chaîne d’approvisionnement!