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Pénurie de logements: petites solutions, grands avantages

Charles Poulin|Publié le 15 novembre 2023

Pénurie de logements: petites solutions, grands avantages

(Photo: 123RF)

La Société canadienne d’hypothèques et logement (SCHL) estime qu’il faudra désormais construire 860 000 logements et propriétés d’ici 2030 pour ramener l’équilibre dans le marché et ainsi juguler la hausse de prix fulgurante observée depuis l’été 2020. Certaines solutions seraient somme toute assez simples d’application, mais permettraient de grandement accélérer le rythme de construction résidentielle au Québec. En voici quelques-unes que les intervenants du milieu privilégient.


1. Incitatifs financiers

La formule est simple: que le gouvernement provincial mette en place des incitatifs financiers qui visent à récompenser les bons comportements des municipalités. Les sommes doivent être liées à des objectifs à atteindre.

« Il faut donner des incitatifs aux municipalités pour qu’elles atteignent des cibles ambitieuses en matière de construction de nouveaux logements et de densification », précise le président de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (ACPHQ), Maxime Rodrigue.

Il faudra cependant que les municipalités établissent leurs besoins au préalable, mentionne-t-il.

« Lors d’une récente rencontre avec la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, et les fédérations municipales, nous avons osé demander si les villes étaient au fait de leurs besoins en matière de logements. Elles ont été obligées de nous dire que la majeure partie des municipalités ne connaissaient pas leurs propres besoins. C’est difficile dans ces cas-là d’établir des cibles. »

 

2. Logements accessoires

Les logements les plus faciles à construire sont ceux qui existent déjà, observe Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture du paysage de l’Université de Montréal: un logement au-dessus d’un garage, un loft dans un sous-sol de maison unifamiliale, une maison en arrière-cour.

« Au départ, ce qui coûte le moins cher, c’est changer la réglementation pour que ces choses-là soient permises, affirme-t-il. Nous serions capables de faire apparaître des logements sans les construire. Il faut simplement les rendre légaux et donner la possibilité aux gens de les mettre en marché. »

Une réglementation qui permet de faciliter l’implantation de logements accessoires existe déjà ailleurs au pays, souligne Paul Cardinal, directeur du Service économique de l’APCHQ.

« Une loi déposée en décembre dernier en Ontario fait que les zones de maisons unifamiliales exclusives dans certaines banlieues de Toronto seront abolies et tout le monde pourra, de plein droit, avoir trois logements sur son lot, précise-t-il. La Colombie-Britannique a déposé un plan en avril. Ils veulent faire la même chose en banlieue de Vancouver et ce sera quatre logements de plein droit. »

 

3. Comme nos voisins?

Parlant de nos voisins à l’ouest, l’Ontario a adopté, en novembre 2022, une loi pour stimuler la construction. L’objectif à atteindre ? Rien de moins que 1,5 million de logements sur dix ans, une cadence de 150 000 par année.

Cette loi est loin de faire l’unanimité, notamment en raison des critères environnementaux qu’elle néglige. Mais, au moins, elle impose des objectifs à atteindre, fait remarquer le président sortant du groupe immobilier Broccolini et coprésident du Chantier Montréal abordable, Roger Plamondon.

« Si on regarde ce qui se fait en Ontario, et ce n’est pas nécessairement le modèle à copier, Ford a décidé que ça suffit, laisse-t-il tomber. Si les villes et les municipalités n’atteignent pas les objectifs, il les impose. À un certain moment donné, peut-on établir des cibles dans certaines zones, dire il faut construire tant de logements dans telle zone, mais si la Ville ne le fait pas, on fait quoi ? Ce n’est pas de pénaliser, mais plutôt de récompenser le bon comportement. »

 

4. Ralentir la cadence des grands chantiers québécois

Le gouvernement du Québec est le plus gros donneur d’ordre de la province. Il pourrait réduire ses propres chantiers.

« Si le secteur de la construction est mobilisé sur le REM, le pont-tunnel, le prolongement de métro et l’élargissement d’une autoroute en même temps, quand vient le temps de recruter du personnel pour faire des maisons, il n’y en a plus », remarque Jean-Philippe Meloche.

Le gouvernement québécois pourrait ralentir ses investissements dans le but de diriger les ressources vers le marché de l’habitation. « Ça ne sera pas une révolution grandiose, mais ce sont les leviers que le gouvernement a entre ses mains présentement: disponibilité de main-d’œuvre, orientation des fonds publics et réglementation », estime-t-il.

 

5. TPS et TVQ

Le gouvernement fédéral a déjà indiqué qu’il abolirait la TPS sur les constructions locatives neuves. Québec s’est montré jusqu’à présent fermé à éliminer la TVQ.

« Nous pensons que l’abolition de la TPS sur les constructions neuves est un pas dans la bonne direction, avance Laurent Messier, chef de la direction et associé chez Devimco. Il ne faut cependant pas se limiter à cette mesure. Cet élément seul ne permettra pas d’augmenter l’offre suffisamment pour balancer la pénurie de logements. »

« Le gouvernement fédéral a posé un geste concret en abolissant la TPS, et nous espérons que le gouvernement provincial va y réfléchir, ajoute Maxime Rodrigue. Le ministre Girard a pris position en disant que ça coûterait trop cher, mais je crois qu’il y a une marge entre rien et 10 %. »