Gorski vend ses produits dans les magasins et sur le site web de Neiman Marcus, dans la boutique en ligne lastcall.com et également sur son propre site web.
SECTEUR MANUFACTURIER. Grâce, notamment, aux plateformes de vente en ligne, il est maintenant facile pour les entreprises manufacturières de vendre directement aux consommateurs et d’interagir avec eux. Et plusieurs le font. Cependant, les firmes qui focalisaient déjà sur le B2B font face à certains défis, dont ceux de faire connaître leur boutique en ligne et d’éviter de nuire aux ventes de leurs distributeurs. Comment relever les défis du B2B2C ?
Gorski, le fabricant montréalais de manteaux et d’accessoires de fourrure, vend ses produits dans différents canaux : dans les magasins et sur le site web de Neiman Marcus, dans la boutique en ligne lastcall.com et également sur son propre site web.
Pour le moment, la stratégie principale de Gorski consiste à cogérer un «shop-in-shop», soit un espace-boutique, dans les magasins Neiman Marcus. Cela lui confère plusieurs avantages, dont un meilleur accès aux données de vente et la possibilité d’offrir au client une meilleure expérience. Mais l’entreprise veut maintenant aussi faire croître les ventes sur son propre site web.
«Les ventes de notre boutique en ligne représentent actuellement moins de 3 % de notre chiffre d’affaires», dit Leonard Gorski, PDG de l’entreprise dont les revenus se situent entre 30 et 60 millions de dollars. «Nous aimerions cependant qu’elles augmentent à 30 % d’ici cinq ans.»
L’entreprise désire toutefois éviter de faire concurrence aux détaillants qui vendent ses produits. Comment s’y prend-elle ? D’abord, elle se retient pour le moment d’offrir la livraison gratuite. Cela lui permet d’éviter que les produits sur son site web soient moins chers que ceux vendus par ses détaillants.
«Nous ne voulons pas créer d’insécurité», dit M. Gorski. L’entreprise compte également différencier les produits en ligne de ceux qu’elle vend en magasin. L’entreprise vendra donc, dès l’an prochain, des produits exclusifs sur son site web, et ceux-ci ne seront pas «un peu, mais bien complètement différents» de ceux qui sont vendus par ses détaillants. Les styles, matériaux, procédés de fabrication et même les prix seront différents. Les collections seront plus abordables. Selon M. Gorski, cette stratégie attirera certes quelques anciens clients qui achetaient de ses détaillants, mais une clientèle nouvelle, et surtout plus jeune.
Éviter la concurrence
Il y a dix ans, la moitié des ventes de Nexera, un fabricant de meubles prêts-à-assembler, était réalisée en ligne et l’autre moitié en magasin. Aujourd’hui, 95 % de ses ventes proviennent du Web. Elle ne vend toutefois pas sur son propre site, mais bien par le site d’un grand nombre de détaillants, comme Amazon, Costco, Home Depot, Overstock, Walmart et Wayfair, et livre ses produits directement à l’acheteur à partir de son entrepôt de Terrebonne.
«On a déjà considéré vendre nos produits sur notre site web. Et on s’interroge même là-dessus actuellement. On doit simplement déterminer quelle serait la plus-value et élaborer une stratégie pour éviter d’entrer en concurrence avec nos distributeurs», explique Marie-May Rousseau, directrice générale. Il pourrait s’agir d’ajuster ses prix, d’utiliser la plateforme pour faire connaître ses nouveautés ou encore d’écouler ses fins de ligne.
Son autre défi, de taille lui aussi, serait de faire connaître sa boutique en ligne. «Nexera n’a pas nécessairement de renommée internationale, reconnaît Mme Rousseau. Si nous décidons d’aller de l’avant avec notre boutique en ligne, nous devrons donc penser à la promotion. Si nous créons une plateforme transactionnelle sans marketing, ça ne donnera rien. Ce serait comme avoir un magasin au milieu d’un champ !»
L’importance du marketing
Cuirs Desrochers, une entreprise de Plessisville spécialisée entre autres dans la fabrication d’articles de cuir, fait actuellement face aux mêmes défis que Nexera. En septembre dernier, l’entreprise qui vend principalement par l’entremise de distributeurs mettait en ligne sa boutique web. Elle désirait ainsi plaire aux consommateurs de Montréal, où l’entreprise n’a pas de distributeur, mais aussi à ceux de partout dans la province qui voulaient acheter ses produits d’elle directement.
«Nous ne voulions pas pénaliser nos distributeurs en leur faisant concurrence, dit la copropriétaire Nancy Desrochers. Alors, nous chargeons un peu plus cher qu’eux pour les mêmes produits.» La marge de profit est donc intéressante, puisqu’elle est près de deux fois plus élevée.
«Sauf que cette pratique fonctionne au volume, et lancer une boutique en ligne n’assure aucun revenu. Il faut se faire voir et se faire connaître, ce qui risque de nous coûter aussi cher que la création de la boutique même», dit Mme Desrochers, précisant que la mise en place de la plateforme de vente en ligne a coûté environ 10 000 $. Elle considère maintenant axer son plan promotionnel sur le «Fait au Québec».
Si la mise en oeuvre de la stratégie a demandé beaucoup de temps et d’effort, admet Mme Desrochers, elle estime aussi qu’elle risque fort de payer. «Selon moi, nous devrions avoir rentabilisé nos investissements d’ici un an ou deux, dit-elle. Si nous y arrivons en un an, je serai encore plus heureuse.»