Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

La réduction des efforts pour combattre la tordeuse inquiète

François Normand|Publié le 26 juin 2020

La réduction des efforts pour combattre la tordeuse inquiète

Un avion de la Société de protection des forêts contre les insectes et les maladies (SOPFIM) en train d'effectuer des pulvérisations aériennes d’insecticide biologique (Photo: Enviro Foto)

La pandémie de la Covid-19 a forcé la Société de protection des forêts contre les insectes et les maladies (SOPFIM) à réduire de 83% ses pulvérisations aériennes d’insecticide biologique pour combattre la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBÉ) en 2020. Une situation qui inquiète des élus et l’industrie forestière en raison de l’impact potentiel sur la quantité et la qualité du bois qui sera récolté à terme dans les régions touchées.

Cette année, la SOPFIM (un OBNL privé reconnu par Québec en vertu de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier) avait planifié un programme de pulvérisation couvrant une superficie de 652 361 hectares dans plusieurs régions du Québec en juin et en juillet, incluant à la fois la forêt publique (exploitée par des sociétés forestières) et de petites forêts privées, davantage situées à proximité des centres urbains.

Or, les mesures sanitaires imposées par les autorités au Canada et au Québec pour limiter la propagation de la Covid-19 (fermetures de régions, limitation aux déplacements interprovinciaux, distanciation sociale, etc.) ont obligé la SOPFIM à réduire son programme à une superficie de 111 557 hectares, ce qui représente seulement 17% de son plan de match initial.

«En temps normal, plus 500 personnes travaillent sur le terrain, incluant nos fournisseurs. Mais cette année, nous sommes seulement environ 125 personnes», souligne au bout du fil Jean-Yves Arsenault, directeur général de la SOPFIM.

Selon lui, c’était la mesure à prendre pour assurer la sécurité des employés de la société et de ses fournisseurs impliqués habituellement dans ses activités. Par exemple, cet été, des avions devaient notamment venir du Nouveau-Brunswick et de l’Alberta, ce qui représentait tout un défi logistique pour loger les pilotes dans des bases régionales.

Cette décision a donc été prise par la SOPFIM pour des raisons sanitaires et logistiques, et non pas pour des raisons budgétaires, a expliqué son directeur général.

Les 111 557 hectares traités cette année sont essentiellement composés de forêts privées. La SOPFIM peut les pulvériser d’insecticides biologiques grâce à des hélicoptères, ce qui n’est pas possible avec des avions étant donné la taille relativement petite des forêts privées, explique M. Arsenault.

Le directeur général de la SOPFIM comprend les inquiétudes suscitées par la réduction importante du programme cette année dans plusieurs régions telles que la Côte-Nord ou le Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais il se fait néanmoins rassurant.

«Ce n’est pas idéal de ne pas arroser, mais ce n’est pas une catastrophe en soi», dit-il.

Au fil des ans, la SOPFIM a observé que certaines forêts admissibles aux traitements et traitées avec succès pendant un certain nombre d’années pouvaient être exemptes de traitement pendant une année sans compromettre la survie des arbres affectés.

Le maire de Baie-Comeau aurait aimé être consulté

Malgré le discours rassurant de la SOPFIM, des maires et l’industrie forestière demeurent néanmoins inquiets.

Le maire de Baie-Comeau Yves Montigny aurait aimé une meilleure communication entre la SOPFIM et sa ville dès le début de la pandémie, car l’aéroport de Baie-Comeau n’a jamais fermé durant le confinement.

À ses yeux, la société aurait pu y installer une base pour son programme de pulvérisations aériennes des forêts publiques de la Côte-Nord touchées par la TBÉ. «Ils n’en ont pas tenu compte, affirme l’élu. J’aurais souhaité qu’on parle aux maires en amont du processus.»

Le maire de Baie-Comeau craint que la réduction du programme en 2020 ait un impact sur la qualité des arbres qui seront récoltés dans les prochaines années, ce qui pourrait affecter la profitabilité de l’industrie forestière.

(Photo: 123RF)

«Les revenus tirés par arbre coupé pourraient diminuer, alors que les revenus fixes demeureraient stables», dit-il.

C’est pourquoi il souhaite que la SOPFIM planifie un «gros déploiement» en 2021 et qu’elle double les superficies visées par son programme de pulvérisations aériennes. «Il faut un traitement choc!», laisse tomber Yves Montigny.

Pour sa part, le PDG du Conseil de l’industrie forestière (CIFQ), Denis Lebel, estime que cette situation est une autre tuile qui s’abat sur l’industrie, et ce, de la réduction de 20% des possibilités de coupe de certaines espèces d’arbres (dans la foulée du rapport de la Commission sur les forêts publiques en 2004) aux feux de forêt qui ravagent actuellement le Saguenay-Lac-Saint-Jean en passant par la récession mondiale provoquée par la pandémie.

«Il y a beaucoup d’inquiétude dans l’industrie», confie l’ancien ministre conservateur sous le gouvernement de Stephen Harper.

Un impact limité sur l’industrie

L’économiste en chef du CIFQ, Michel Vincent, s’attend quant à lui à ce que la réduction des activités de la SOPFIM en 2020 ait à terme un impact économique sur les sociétés forestières, mais rien de majeur.

«On devrait limiter les dégâts, mais ils ne seront pas nuls», précise-t-il.

Aussi, même si les revenus futurs par arbre récolté diminuaient par rapport à des coûts fixes stables, l’impact ne serait pas trop important, estime l’économiste, d’autant plus si la SOPFIM reprend ses activités habituelles 2021.

Jean-Yves Arsenault confirme que la société a commencé à réfléchir à la prochaine saison. «On se prépare déjà pour 2021», dit-il, en précisant que le processus sera enclenché officiellement au mois d’août.

La SOPFIM tiendra compte -ainsi que ses fournisseurs- des mesures sanitaires et de distanciation sociale à prendre au besoin si jamais un vaccin contre la Covid-19 n’est pas encore disponible à ce moment-là.

L’OBNL rappelle que les arbres qui sont traités durant la saison estivale sont destinés à être récoltés uniquement dans une période allant de 5 à 10 ans, et non pas l’année suivant un arrosage.