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Camionneurs: la santé publique fédérale derrière l’«erreur»

La Presse Canadienne|Publié le 21 janvier 2022

Camionneurs: la santé publique fédérale derrière l’«erreur»

La Presse Canadienne a appris que le malentendu allait au-delà d'un seul responsable et même au-delà d'un ministère, résultant d'une confusion parmi les responsables quant à savoir si un décret gouvernemental sur la vaccination contre la COVID-19 couvrait ou non les camionneurs. Un décret énonce les décisions prises par le cabinet, comme les règlements ou les nominations. (Photo: La Presse Canadienne)

Ottawa — L’agitation et la confusion quant à savoir si les camionneurs resteraient exemptés de l’obligation de vaccination, la semaine dernière, ont été causées par une mauvaise interprétation par les bureaucrates de la politique de plus d’un organisme fédéral — y compris celui qui coordonne la réponse du Canada à la pandémie de COVID-19.

L’industrie du camionnage a été prise par surprise le 12 janvier lorsque l’Agence des services frontaliers du Canada a envoyé une déclaration aux médias disant que les camionneurs non vaccinés et partiellement vaccinés traversant le Canada en provenance des États-Unis resteraient exemptés de l’obligation de vaccination dont l’entrée en vigueur était depuis longtemps prévue le week-end dernier.

Le gouvernement fédéral a corrigé le tir le lendemain après-midi avec une déclaration indiquant que les informations partagées la veille avaient été envoyées «par erreur». L’exemption prendrait toujours fin le 15 janvier, ce qui signifie que les camionneurs devaient être complètement vaccinés s’ils voulaient éviter une quarantaine de deux semaines et un test moléculaire de dépistage de la COVID-19 avant d’entrer au Canada.

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Le gouvernement n’a fourni aucune autre explication pour la confusion dans les messages, qui, selon une association de l’industrie du camionnage, avait incité certains camionneurs non vaccinés à traverser la frontière pendant la période où tout le monde pensait qu’Ottawa avait reculé.

Mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que son gouvernement avait été cohérent sur le fait que l’exemption prendrait fin ce mois-ci.

«Il y a eu une erreur de communication d’un responsable la semaine dernière qui contredisait cela, et cela a été rapidement corrigé», a-t-il déclaré.

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La Presse Canadienne a appris que le malentendu allait au-delà d’un seul responsable et même au-delà d’un ministère, résultant d’une confusion parmi les responsables quant à savoir si un décret gouvernemental sur la vaccination contre la COVID-19 couvrait ou non les camionneurs. Un décret énonce les décisions prises par le cabinet, comme les règlements ou les nominations.

Quatre sources du gouvernement fédéral ayant une connaissance directe de ce qui s’est passé dans les coulisses ont partagé les détails à condition qu’elles ne soient pas nommées, car elles n’étaient pas autorisées à parler publiquement.

La confusion s’est répandue dans le domaine public après qu’une porte-parole de l’Agence des services frontaliers du Canada a publié une déclaration dans la soirée du 12 janvier.

«Je vous contacte aujourd’hui pour vous fournir une mise à jour sur notre réponse précédente», a-t-elle écrit, ajoutant qu’elle pouvait désormais dire que les camionneurs non vaccinés entrant au Canada depuis les États-Unis resteraient exemptés des exigences de test et de quarantaine. Cette porte-parole n’a pas répondu à une demande de commentaire sur la déclaration.

L’une des sources a précisé que l’agence frontalière n’a publié cette déclaration qu’après avoir consulté l’Agence de la santé publique du Canada, qui leur a dit ce jour-là que les camionneurs conserveraient leur exemption de l’obligation de vaccination au-delà du 15 janvier.

En fait, l’Agence de la santé publique du Canada avait rédigé une déclaration similaire qui devait être publiée le 12 janvier. Cette déclaration, qui a été consultée et vérifiée par La Presse Canadienne, disait: «Les camionneurs canadiens non vaccinés ou partiellement vaccinés arrivant à la frontière (seraient) exemptés des tests avant l’arrivée, à l’arrivée et après l’arrivée et des exigences de quarantaine (…).»

La note mentionnait également que les États-Unis exigeraient des camionneurs canadiens qu’ils fournissent une preuve de vaccination pour entrer dans ce pays à partir du 22 janvier.

Plusieurs sources étaient jointes à la déclaration, y compris des décrets liés à la COVID-19.

Une autre source a dit que l’agence frontalière avait commencé à entendre de la part de l’Agence de la santé publique, ce jour-là, que les camionneurs n’allaient pas être inclus dans l’obligation de vaccination après tout. Lorsque l’Agence de la santé publique a envoyé sa note de service, l’agence frontalière a agi rapidement pour partager publiquement le changement de politique. Les responsables avaient l’impression qu’ils corrigeaient les informations qu’ils fournissaient depuis des jours selon lesquelles les camionneurs feraient partie du changement.

L’erreur, a déclaré la source, découle d’un décret émis par le cabinet qui a été interprété au sein de l’Agence de la santé publique comme un signe que la politique sur les camionneurs avait changé. Cette interprétation était cependant erronée, car le gouvernement voulait que l’exemption prenne fin.

Le gouvernement libéral avait annoncé en novembre dernier que l’exemption pour les camionneurs prendrait fin à la mi-janvier, ce qui avait suscité un tollé chez les camionneurs.

Les associations professionnelles des deux côtés de la frontière avaient fait pression pour un report de la restriction sur les camionneurs non vaccinés, qui, selon elles, pouvait mettre une pression supplémentaire sur les chaînes d’approvisionnement au milieu de la dernière poussée de COVID-19 et provoquer de graves pénuries de travailleurs. La première source a déclaré que les problèmes de chaîne d’approvisionnement avaient également suscité des inquiétudes au sein du gouvernement.

La Presse Canadienne a contacté les agences fédérales de santé publique et frontalières pour obtenir des commentaires sur l’erreur de communication en coulisses.

Aucune des deux n’a commenté sur ce qui s’était mal passé lorsqu’on leur a demandé des commentaires jeudi, mais elles ont réitéré que l’exemption pour les camionneurs non vaccinés ou partiellement vaccinés avait pris fin le 15 janvier.

Eric Morrissette, porte-parole de l’Agence de la santé publique du Canada, a déclaré que les mesures avaient été annoncées en novembre et reformulées le 13 janvier (le jour où le gouvernement a corrigé son erreur).

«Les mesures ont fait l’objet de plusieurs engagements avec les parties prenantes de l’industrie avant la date d’entrée en vigueur du 15 janvier. Dans le cas des camionneurs, cela comprenait des réunions avec l’industrie et les associations syndicales», a-t-il noté dans une déclaration écrite.

L’Agence des services frontaliers du Canada a également noté dans sa déclaration, jeudi, que les camionneurs étrangers non vaccinés ou partiellement vaccinés qui n’ont pas de droit d’entrée seraient refoulés à la frontière et renvoyés aux États-Unis.

L’Alliance canadienne du camionnage et l’American Trucking Associations affirment que jusqu’à 26 000 des 160 000 conducteurs qui traversent régulièrement la frontière canado-américaine seront probablement mis à l’écart en raison de l’obligation de vaccination pour les camionneurs des deux pays.