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Un pour tous, tous pour un

François Normand|Publié le 01 Décembre 2021

Un pour tous, tous pour un

Certaines entreprises manufacturières partagent du personnel, des matières premières, ainsi que des équipements. (Photo: 123RF)

SECTEUR MANUFACTURIER. Des employés aux équipements en passant par les matières premières, les entreprises manufacturières partagent de plus en plus de ressources entre elles, car elles peuvent ainsi réduire leurs coûts de production et innover davantage. Sans parler des retombées positives pour l’économie locale et l’environnement.

Même si les exemples de partage de ressources se multiplient dans les médias, il est toutefois difficile d’avoir un portrait global de la situation. Quelques statistiques permettent tout de même de mesurer en partie la collaboration dans le secteur manufacturier. En 2019, la moitié des PME manufacturières du Québec avaient par exemple établi au moins un partenariat, selon le Baromètre industriel québécois publié par Sous-Traitance industrielle Québec (STIQ) (les éditions 2020 et 2021 du Baromètre n’ont pas comptabilisé cette donnée en raison de la COVID-19).

Les partenariats en vue de générer des économies figuraient parmi les plus populaires. Ainsi, 30 % des quelque 500 entreprises interrogées par STIQ y avaient eu recours, ex æquo avec les partenariats permettant de soumissionner sur des contrats importants.

« Il existe aussi certaines plateformes qui naissent pour favoriser les partenariats », souligne Pierre-Laurent Boudrias, ingénieur et conseiller à STIQ. Il donne l’exemple des plateformes d’échange Moovinv et BizBiz Share.

La première permet aux sociétés de l’aéronautique de vendre ou d’acheter des surplus de stocks auprès d’autres joueurs de l’industrie. La seconde permet à une entreprise manufacturière d’avoir accès à des équipements d’une autre entreprise qui ne sont pas utilisés à un moment donné.

Des sociétés peuvent aussi partager des espaces d’entrepôt inutilisés par d’autres sociétés durant certaines périodes de l’année. Prox Industriel, un organisme à but non lucratif de Laval qui aide les industriels, les distributeurs et les grossistes à mieux gérer leurs problèmes opérationnels, offre ce genre de service pour les entreprises manufacturières de son réseau, explique sa PDG, Chantal Provost.

Comme la gestion des stocks est un poste de dépense important pour les entreprises de ce secteur, cette stratégie leur permet de réduire leurs coûts et d’optimiser leur espace en usine, surtout dans le cas d’industries saisonnières.

 

Réduction des coûts et protection de l’environnement

Le partage de ressources peut aussi s’inscrire dans une logique d’économie circulaire, selon laquelle l’extrant d’une entreprise devient l’intrant d’une autre. C’est notamment le cas de Cadelli, de Baie-Comeau, qui fabrique à la main des produits naturels pour le corps et le visage.

La PME fondée par Cynthia Lebel en 2014 utilise de l’huile de friture végétale usée du resto-bar Le Riviera pub & grill, de Chute-aux-Outardes, au sud-ouest de Baie-Comeau, afin de fabriquer des pains de savon.

« Le restaurant me donne l’huile, sinon il devrait la jeter », explique l’entrepreneuse. Cette dernière, qui est filtrée à deux reprises avant d’être réutilisée, représente 5 % de la masse du produit final. Les premiers savons ont été mis en marché en août 2020.

Cadelli fabrique aussi d’autres produits à partir d’intrants provenant d’autres entreprises, en l’occurrence du marc de café et des résidus de macération du gin Norkotié, de la distillerie Vent du Nord, à Baie-Comeau.

Cynthia Lebel, une passionnée du zéro déchet, des produits naturels et du respect de l’environnement, voit deux avantages à pratiquer ce type d’économie circulaire : elle réduit un peu ses coûts de production et évite que des déchets ou résidus soient inutilement déversés dans un site d’enfouissement.

 

Pratique ancienne

L’économie circulaire ne date pas d’hier. Cascades, qui fabrique des emballages de produits d’hygiène et des matériaux à base de fibres, en faisait bien avant que le mot soit inventé, souligne Hugo D’Amour, vice-président aux communications, aux affaires publiques et au développement durable.

Le père des trois frères fondateurs, Antonio Lemaire, qui exploitait la Drummond Pulp and Fiber, récupérait des rebuts pour leur donner une nouvelle vie, et ce, bien avant la fondation de Papier Cascades, en 1964, raconte-t-il.

Cinquante-six ans plus tard, en 2020, Cascades a utilisé 83 % de fibres recyclées dans ses procédés de production dans l’ensemble de ses usines en Europe et en Amérique du Nord. Elle s’approvisionne notamment en intrants auprès des tours de bureaux et de la collecte sélective dans les régions où l’entreprise est active.

Les gains pour l’environnement sont majeurs, insiste Hugo D’Amour. « En 2020, 2,2 millions de tonnes courtes de fibres recyclées ont été intégrées à nos produits, note-t-il. L’entreprise a ainsi évité la coupe de plus de 31,7 millions d’arbres. »

Pour mettre les choses en perspectives, ces coupes d’arbres évitées représentent l’équivalent de 200 fois la superficie du parc du Mont-Royal, à Montréal, selon les calculs de Cascades.