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Le code de conduite des épiciers «fera grimper les prix»

La Presse Canadienne|Publié le 07 novembre 2023

Le code de conduite des épiciers «fera grimper les prix»

Le comité qui a élaboré le code a été créé en réponse aux appels de l'industrie pour s'attaquer aux frais que les grands détaillants en alimentation facturent à leurs fournisseurs. (Photo: courtoisie)

Alors que le code de conduite des épiceries est presque terminé, le plus grand acteur de l’industrie canadienne s’inquiète du fait que ses lignes directrices pourraient alimenter le feu de l’inflation alimentaire. 
Les Compagnies Loblaw se sont dites préoccupées par le fait que le code pourrait «augmenter les prix des aliments pour les Canadiens de plus d’un milliard de dollars» dans une lettre envoyée le 1er novembre aux membres du comité directeur chargé d’élaborer le code et du sous-comité de l’industrie, et dont La Presse Canadienne a obtenu copie. 
L’épicier ne peut pas approuver le code dans sa forme actuelle, a écrit le directeur financier Richard Dufresne dans la lettre, demandant une réunion spéciale du sous-comité de l’industrie pour répondre aux préoccupations de Loblaw. 
Dans une déclaration, la porte-parole de Loblaw, Catherine Thomas, a souligné que le projet de code comportait «un certain nombre de défis», qui, selon l’épicier, pourraient mettre en péril la disponibilité des produits et faire grimper les prix des denrées alimentaires. La déclaration de Loblaw a également mentionné «des coûts potentiels d’un milliard de dollars», ce qui, selon Mme Thomas, fait référence à des coûts supplémentaires pour les clients de Loblaw. 
Loblaw n’est pas le seul épicier à exprimer des inquiétudes au sujet du code. La porte-parole de Walmart Canada, Sarah Kennedy, a indiqué dans un courriel envoyé fin octobre que l’entreprise soutenait les initiatives bénéficiant aux clients, mais qu’elle était «consciente d’ajouter des fardeaux inutiles qui pourraient faire croître le coût de la nourriture pour les Canadiens, surtout en période d’inflation». 
Les épiciers subissent des pressions de la part du gouvernement fédéral pour stabiliser les prix des denrées alimentaires après qu’une vague d’inflation élevée et une série de hausses des taux d’intérêt ont grevé les budgets des ménages. 
Michael Graydon, chef de la direction de l’association Produits alimentaires, de santé et de consommation du Canada et coprésident du comité directeur chargé d’élaborer le code, a exhorté les deux entreprises à donner une chance au code. Sans eux, le code sera moins efficace, a-t-il estimé. 
«Inscrivez-vous, participez activement, soyez engagé», a affirmé M. Graydon, rappelant que le code serait révisé après son lancement. 
«Mais continuer à rester sur la touche et à jeter des pierres sur le processus (…) ça ne représente pas l’intérêt supérieur de l’industrie.» 
Le code est presque terminé, a poursuivi M. Graydon, et il est prévu qu’il soit opérationnel, ainsi que l’organisation à but non lucratif qui le supervise, d’ici la fin du premier trimestre 2024. 
La lettre de Loblaw mentionne des articles spécifiques du projet de code et estime qu’il compliquerait, pour les détaillants, la tâche de demander des comptes aux fournisseurs, qu’il créerait un manque de certitude dans la relation entre les fournisseurs et les détaillants et qu’il présenterait des risques pour les prix, la disponibilité et les programmes de rabais. 
M. Graydon a répondu que le comité ne voulait pas négocier dans les médias les éléments soulevés dans la lettre de Loblaw, et qu’il préférerait en discuter directement avec eux lors d’une prochaine réunion. 
Cependant,  il a rejeté le chiffre d’un milliard de dollars évoqué par Loblaw, tout comme l’a fait le vice-président principal de la Fédération canadienne des épiciers indépendants, Gary Sands — un autre membre du comité. 
«Il n’existe absolument aucune preuve suggérant que le code augmenterait les prix des denrées alimentaires ou aurait un impact négatif sur la capacité des détaillants à répondre aux besoins des consommateurs», a fait valoir M. Graydon. 
M. Sands a assuré que s’il pensait que le code aurait un effet inflationniste, il tirerait également la sonnette d’alarme – mais «nous ne croyons tout simplement pas que ce soit vrai». 
Intervention politique en cas de non-adhésion? 
Le comité qui a élaboré le code a été créé en réponse aux appels de l’industrie pour s’attaquer aux frais que les grands détaillants en alimentation facturent à leurs fournisseurs, un problème qui a fait surface publiquement en 2020. Cette année-là, Walmart Canada a annoncé une hausse des frais et un groupe d’achat national représentant Metro a indiqué aux fournisseurs qu’il s’attendrait à la même chose. Peu de temps après, Loblaw a également augmenté ses tarifs. 
Michael von Massow, professeur d’économie alimentaire à l’Université de Guelph, a souligné qu’il n’était pas étonnant de voir deux des plus grands noms du marché – l’un le plus grand épicier canadien, l’autre un acteur majeur aux États-Unis – exprimer leurs inquiétudes concernant le code de conduite. 
«Franchement, ce sont probablement eux qui ont le plus à perdre», a-t-il estimé. 
Metro et Empire, propriétaire de Sobeys, ont répété lundi leur engagement à adopter le code. Costco Canada n’a pas répondu à une demande de commentaires. 
Si finalement Loblaw ou Walmart Canada décidaient de ne pas adhérer au code, M. Graydon a indiqué qu’une autre voie pourrait être nécessaire pour résoudre les problèmes du secteur. 
Le ministre québécois de l’Agriculture et de l’Alimentation, André Lamontagne, qui a coprésidé un groupe de travail annoncé en 2020 pour examiner les frais facturés aux fournisseurs par les détaillants, a affirmé qu’il avait fallu plusieurs années de travail rigoureux pour amener le code au point où il en est aujourd’hui. 
Un rapport de ce groupe, publié en juillet 2021, indiquait qu’une approche réglementée ou législative pour gérer ces frais nécessiterait une action provinciale, mais que cela pourrait conduire à une approche disparate. 
M. Lamontagne n’a pas voulu dire si le Québec interviendrait si les épiciers n’acceptaient pas tous le code. «Je suis toujours optimiste», a-t-il affirmé lors d’une entrevue. 
Le ministre responsable au niveau fédéral n’a pas non plus voulu dire si une réglementation pourrait être nécessaire. 
«En juillet, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux ont été informés des progrès importants réalisés lors des consultations de l’industrie tenues en mai 2023 et restent unis pour appeler tous les acteurs clés de l’industrie, y compris les grands détaillants, à participer et à soutenir la mise en œuvre du code», a affirmé le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Lawrence MacAulay, dans un courriel. 
Mais M. Von Massow a rappelé qu’il y avait, et qu’il y a probablement toujours, un désir politique d’intervenir avec une réglementation si le code est mis en échec. 
«Je pense que l’environnement actuel accroît l’appétit pour cela et donne l’impression que les gouvernements font quelque chose en matière d’accessibilité financière», a-t-il noté. 
M. Graydon pense qu’avec toute la pression exercée sur les détaillants pour stabiliser les prix des denrées alimentaires et les accusations de «cupidité» de la part des consommateurs et des politiciens, cela pourrait également être une mauvaise décision, pour les épiciers, de dire non au code. 
«Je pense que ce sera un désastre de relations publiques pour eux», a-t-il affirmé. 
Entreprise dans cette dépêche: (TSX:L, TSX:MRU, TSX:EMP.A) 
Rosa Saba, La Presse Canadienne

Alors que le code de conduite des épiceries est presque terminé, le plus grand acteur de l’industrie canadienne s’inquiète du fait que ses lignes directrices pourraient alimenter le feu de l’inflation alimentaire. 

Les Compagnies Loblaw (TSX:L) se sont dites préoccupées par le fait que le code pourrait «augmenter les prix des aliments pour les Canadiens de plus d’un milliard de dollars» dans une lettre envoyée le 1er novembre aux membres du comité directeur chargé d’élaborer le code et du sous-comité de l’industrie, et dont La Presse Canadienne a obtenu copie. 

L’épicier ne peut pas approuver le code dans sa forme actuelle, a écrit le directeur financier Richard Dufresne dans la lettre, demandant une réunion spéciale du sous-comité de l’industrie pour répondre aux préoccupations de Loblaw.

Dans une déclaration, la porte-parole de Loblaw, Catherine Thomas, a souligné que le projet de code comportait «un certain nombre de défis», qui, selon l’épicier, pourraient mettre en péril la disponibilité des produits et faire grimper les prix des denrées alimentaires. La déclaration de Loblaw a également mentionné «des coûts potentiels d’un milliard de dollars», ce qui, selon Mme Thomas, fait référence à des coûts supplémentaires pour les clients de Loblaw. 

Loblaw n’est pas le seul épicier à exprimer des inquiétudes au sujet du code. La porte-parole de Walmart Canada, Sarah Kennedy, a indiqué dans un courriel envoyé fin octobre que l’entreprise soutenait les initiatives bénéficiant aux clients, mais qu’elle était «consciente d’ajouter des fardeaux inutiles qui pourraient faire croître le coût de la nourriture pour les Canadiens, surtout en période d’inflation». 

Les épiciers subissent des pressions de la part du gouvernement fédéral pour stabiliser les prix des denrées alimentaires après qu’une vague d’inflation élevée et une série de hausses des taux d’intérêt ont grevé les budgets des ménages. 

Michael Graydon, chef de la direction de l’association Produits alimentaires, de santé et de consommation du Canada et coprésident du comité directeur chargé d’élaborer le code, a exhorté les deux entreprises à donner une chance au code. Sans eux, le code sera moins efficace, a-t-il estimé. 

«Inscrivez-vous, participez activement, soyez engagé», a affirmé Michael Graydon, rappelant que le code serait révisé après son lancement. 

«Mais continuer à rester sur la touche et à jeter des pierres sur le processus (…) ça ne représente pas l’intérêt supérieur de l’industrie.» 

Le code est presque terminé, a poursuivi Michael Graydon, et il est prévu qu’il soit opérationnel, ainsi que l’organisation à but non lucratif qui le supervise, d’ici la fin du premier trimestre 2024. 

La lettre de Loblaw mentionne des articles spécifiques du projet de code et estime qu’il compliquerait, pour les détaillants, la tâche de demander des comptes aux fournisseurs, qu’il créerait un manque de certitude dans la relation entre les fournisseurs et les détaillants et qu’il présenterait des risques pour les prix, la disponibilité et les programmes de rabais. 

Michael Graydon a répondu que le comité ne voulait pas négocier dans les médias les éléments soulevés dans la lettre de Loblaw, et qu’il préférerait en discuter directement avec eux lors d’une prochaine réunion. 

Cependant,  il a rejeté le chiffre d’un milliard de dollars évoqué par Loblaw, tout comme l’a fait le vice-président principal de la Fédération canadienne des épiciers indépendants, Gary Sands — un autre membre du comité. 

«Il n’existe absolument aucune preuve suggérant que le code augmenterait les prix des denrées alimentaires ou aurait un impact négatif sur la capacité des détaillants à répondre aux besoins des consommateurs», a fait valoir Michael Graydon. 

Gary Sands a assuré que s’il pensait que le code aurait un effet inflationniste, il tirerait également la sonnette d’alarme – mais «nous ne croyons tout simplement pas que ce soit vrai». 

 

Intervention politique en cas de non-adhésion?

Le comité qui a élaboré le code a été créé en réponse aux appels de l’industrie pour s’attaquer aux frais que les grands détaillants en alimentation facturent à leurs fournisseurs, un problème qui a fait surface publiquement en 2020. Cette année-là, Walmart Canada a annoncé une hausse des frais et un groupe d’achat national représentant Metro (TSX:MRU) a indiqué aux fournisseurs qu’il s’attendrait à la même chose. Peu de temps après, Loblaw a également augmenté ses tarifs. 

Michael von Massow, professeur d’économie alimentaire à l’Université de Guelph, a souligné qu’il n’était pas étonnant de voir deux des plus grands noms du marché – l’un le plus grand épicier canadien, l’autre un acteur majeur aux États-Unis – exprimer leurs inquiétudes concernant le code de conduite. 

«Franchement, ce sont probablement eux qui ont le plus à perdre», a-t-il estimé. 

Metro et Empire, propriétaire de Sobeys (TSX:EMP.A), ont répété lundi leur engagement à adopter le code. Costco Canada n’a pas répondu à une demande de commentaires. 

Si finalement Loblaw ou Walmart Canada décidaient de ne pas adhérer au code, Michael Graydon a indiqué qu’une autre voie pourrait être nécessaire pour résoudre les problèmes du secteur. 

Le ministre québécois de l’Agriculture et de l’Alimentation, André Lamontagne, qui a coprésidé un groupe de travail annoncé en 2020 pour examiner les frais facturés aux fournisseurs par les détaillants, a affirmé qu’il avait fallu plusieurs années de travail rigoureux pour amener le code au point où il en est aujourd’hui. 

Un rapport de ce groupe, publié en juillet 2021, indiquait qu’une approche réglementée ou législative pour gérer ces frais nécessiterait une action provinciale, mais que cela pourrait conduire à une approche disparate. 

André Lamontagne n’a pas voulu dire si le Québec interviendrait si les épiciers n’acceptaient pas tous le code. «Je suis toujours optimiste», a-t-il affirmé lors d’une entrevue. 

Le ministre responsable au niveau fédéral n’a pas non plus voulu dire si une réglementation pourrait être nécessaire. 

«En juillet, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux ont été informés des progrès importants réalisés lors des consultations de l’industrie tenues en mai 2023 et restent unis pour appeler tous les acteurs clés de l’industrie, y compris les grands détaillants, à participer et à soutenir la mise en œuvre du code», a affirmé le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Lawrence MacAulay, dans un courriel. 

Mais Michael von Massow a rappelé qu’il y avait, et qu’il y a probablement toujours, un désir politique d’intervenir avec une réglementation si le code est mis en échec. 

«Je pense que l’environnement actuel accroît l’appétit pour cela et donne l’impression que les gouvernements font quelque chose en matière d’accessibilité financière», a-t-il noté. 

Michael Graydon pense qu’avec toute la pression exercée sur les détaillants pour stabiliser les prix des denrées alimentaires et les accusations de «cupidité» de la part des consommateurs et des politiciens, cela pourrait également être une mauvaise décision, pour les épiciers, de dire non au code. 

«Je pense que ce sera un désastre de relations publiques pour eux», a-t-il affirmé. 

 

Par Rosa Saba