«Sherbrooke a deux universités et trois cégeps. C’est aussi une ancienne ville ouvrière. Quand une usine fermait, nous, on engageait», dit Martin Ball, président.
SPÉCIAL 300 PLUS GRANDES ENTREPRISES. Dès sa fondation, en 2002, l’entreprise sherbrookoise Wiptec s’est positionnée à l’avant-garde de la nouvelle économie «mondialisée» en devenant un centre de préparation de commandes spécialisé en conformité de produits pour des fabricants provenant de partout dans le monde. Vingt ans plus tard, cette expertise lui aura permis de prendre le virage du commerce en ligne avec une aisance redoutable. Portrait d’une entreprise qui a su mettre en valeur ses atouts régionaux pour grandir et prospérer.
Qu’il s’agisse d’un achat en ligne ou en magasin, le service offert par Wiptec à de grandes bannières, telles que Walmart ou Lolë, est similaire à plusieurs égards: l’entreprise entrepose leurs produits dans un de ses centres de distribution, s’assure de leur conformité, crée des trousses individuelles et personnalisées, effectue la mise en boîte, fait le suivi des livraisons et gère les retours.
Le président, Martin Ball, estime aujourd’hui à 50-50 la part du commerce en ligne par rapport à celui en magasin dans son chiffre d’affaires. Cependant, c’est tout nouveau. Avant la pandémie, Wiptec manipulait principalement des marchandises destinées à se retrouver sur des tablettes des magasins. « Lors du confinement, quand le gouvernement a fermé les commerces, les préparations de commandes pour les magasins sont tombées à zéro, alors qu’au même moment, le volume de commandes pour le commerce en ligne explosait de manière exponentielle. »
Wiptec était prête. Dès 2010, elle s’était fait les dents dans le commerce électronique en gérant les produits Nespresso pendant une dizaine d’années. Plus globalement, elle possédait les infrastructures, soit un entrepôt de 400 000 pieds carrés à Sherbrooke, mais aussi le savoir-faire — elle a développé son propre logiciel de gestion des stocks — et un personnel de quelque 500 employés pour opérer une transition rapide. «Quand le gouvernement a décrété que les centres de distribution étaient un service essentiel, on a pris tout notre monde affecté aux commandes en magasin et on les a mis sur le commerce en ligne. En fin de compte, ça a été un mal pour un bien.»
Grâce à cette versatilité, Wiptec a pu entrer dans une nouvelle phase de croissance. En 2021, elle a finalisé la mise en service d’un nouveau centre de distribution automatisé de 1,7 million de pieds carrés à Longueuil. Elle projette en outre la construction d’un entrepôt de commandes réfrigérées sur le même site en 2025.
L’avantage régional
L’idée d’établir un centre de distribution à 150 kilomètres de la métropole peut surprendre, en raison de l’éloignement. C’est vrai que ça demande plus de transport pour les marchandises provenant du port de Montréal, concède Martin Ball. Toutefois, les frais d’exploitation sont totalement différents. À nos débuts, un terrain pouvait coûter de 25 à 30 fois moins cher à Sherbrooke que sur l’île de Montréal ou la Rive-Sud. Donc, à partir du moment où les marchandises restent en entrepôt pour une période prolongée, ça devient intéressant pour le client.»
Comme autre avantage régional, l’entreprise a toujours pu compter sur un bassin de main-d’œuvre diversifié. «Sherbrooke a deux universités et trois cégeps, dit-il. C’est aussi une ancienne ville ouvrière. Quand une usine fermait, nous, on engageait.»
Depuis la crise sanitaire, l’entreprise a découvert un nouvel atout d’être située dans une région champêtre comme l’Estrie. «La pandémie a amené un exode de professionnels vers des villes comme Magog ou Orford, note Martin Ball. Ce sont des gens qui aiment le plein air et recherchent une certaine qualité de vie. Au départ, ils sont venus ici grâce au télétravail. Or, maintenant que plusieurs entreprises veulent ravoir leur monde au bureau, ça nous ouvre une porte pour les approcher.»
Mobilité interrégionale
Malgré une récente expansion à Longueuil, Martin Ball assure qu’il veut maintenir la tête dirigeante et le centre d’innovation de Wiptec dans sa région natale. «Fermer nos bureaux de Sherbrooke serait une catastrophe pour l’entreprise, dit-il avec conviction. Nous nous couperions du savoir-faire développé ces vingt dernières années.»
De plus, le président précise que l’expansion métropolitaine aurait pu se faire à Sherbrooke en d’autres circonstances. «La Ville ne pouvait pas nous fournir des terrains assez grands pour l’immense entrepôt que nous voulions bâtir. Ironiquement, les villes de la Rive-Sud ont montré plus d’intérêt que Sherbrooke pour notre projet, et c’est ce qui a guidé notre décision.»
Il y voit aujourd’hui un avantage: «En étant présents à Longueuil, nous avons maintenant accès à deux bassins de population complètement différents. Et nous pouvons désormais offrir à des professionnels une mobilité d’une région à l’autre.»
Que la demande vienne des magasins physiques ou de la vente en ligne, Wiptec est prête à poursuivre sa croissance.
Cet article a initialement été publié le 24 mai 2023.