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Hydro-Québec, branchée sur l’IA depuis des décennies

Emilie Laperrière|Mis à jour le 13 juin 2024

Hydro-Québec, branchée  sur l’IA depuis des décennies

Patrick Jeandroz, chef d’expertise en science des données et calcul haute performance à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (Photo: courtoisie)

SPÉCIAL 300. Prévisions de la demande plus précises, détection d’anomalies et meilleure analyse : l’intelligence artificielle (IA) se révèle un précieux allié d’Hydro-Québec pour relever les défis de la transition énergétique.

Le recours à l’IA ne date pas d’hier à Hydro-Québec. Bien avant que le terme soit sur toutes les lèvres, la société d’État s’en servait pour optimiser l’exploitation de ses centrales et de ses réservoirs. « On utilise la recherche opérationnelle, un volet de l’IA, depuis les années 1990 pour maximiser la production d’électricité et minimiser les déversements », souligne Patrick Jeandroz, chef d’expertise en science des données et calcul haute performance à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ).

« On continue de faire évoluer nos méthodes dans le contexte de la transition énergétique. L’IA nous rend plus efficaces, plus productifs, plus rentables et rend notre réseau plus fiable », ajoute-t-il.

Aujourd’hui, autant des ingénieurs que des conseillers ou des chercheurs ont intégré l’IA dans leur travail, et son utilisation est assez répandue. La majorité des quelque 22 000 employés se montrent d’ailleurs enthousiastes à l’égard de ces technologies.

Avec l’arrivée de ChatGPT et de l’IA générative, de plus en plus d’experts dans l’entreprise peuvent s’en servir. « Ces outils commerciaux font par exemple gagner jusqu’à 50 % de productivité aux développeurs logiciels. On étudie actuellement les risques et les avantages associés avant de l’étendre à d’autres corps de métier. » Certaines tâches administratives, comme la rédaction du compte-rendu d’une réunion, pourraient entre autres en bénéficier.

 

Projet Appranti

Hydro-Québec exploite un réseau de près de 115 000 km de lignes électriques, dont près du cinquième se trouve sous terre. Pour le maintenir, l’entreprise se sert d’un programme par imagerie thermique depuis plusieurs années.

« On a instrumenté 36 camions de thermographes qui inspectent les puits d’accès souterrains avec des caméras infrarouges dotées d’un composant IA, explique Patrick Jeandroz. Ces milliers d’images captent les défauts sur les câbles, détectent les anomalies et les risques d’explosion dans une structure. »

Celui-ci remarque que le projet, nommé Appranti, améliore non seulement la fiabilité du réseau souterrain, mais également la sécurité des travailleurs. « On travaille présentement sur le volet civil, pour détecter les fissures dans le béton. Ça devrait être déployé en 2026. »

 

Prédire la demande

La gestion de la demande en électricité représente tout un casse-tête pour Hydro-Québec. En tout temps, celle-ci doit être égale à la production. « On doit produire exactement le nombre de mégawatts nécessaires pour alimenter les Québécois en énergie, tout en utilisant le moins d’eau possible. Des appels à des algorithmes de recherche opérationnelle sont donc lancés toutes les trois secondes pour s’ajuster aux fluctuations. »

Hydro-Québec a implanté, en octobre 2023, un premier modèle de prévision de la demande basé sur l’apprentissage automatique, qui peut anticiper la demande en électricité dans la province dans les heures à venir.

La société d’État a évalué plus de 11 000 modèles d’IA avant d’en choisir une dizaine, qu’elle a combinés pour créer un nouveau modèle de prévision juste à temps pour l’hiver. Cet outil analyse notamment des données sur la météo et la consommation pour affiner ses prédictions.

« Ça permet d’avoir un réseau plus fiable et de maximiser les opportunités de ventes et d’achats d’électricité avec nos réseaux voisins, précise le chercheur de l’IREQ. Autrement dit, ça permet de faire plus avec chaque goutte d’eau et chaque électron. »

La méthode est aussi bénéfique pour l’environnement, puisqu’elle limite l’achat d’électricité produite aux États-Unis avec du gaz ou du charbon.

 

Et la suite ?

Hydro-Québec poursuit ses recherches en intelligence artificielle. « On est de plus en plus capables de détecter des anomalies dans nos équipements, comme les groupes turbine-alternateur », donne en exemple Patrick Jeandroz.

La prochaine étape : poser des pronostics. « Éventuellement, on veut pouvoir comprendre pourquoi et quand une anomalie va survenir. On veut encore mieux saisir les risques qui nous guettent et les interventions qu’on devrait poser pour s’en prémunir. »

Patrick Jeandroz estime que l’IA pourrait être mise à contribution pour chacune des cinq priorités du Plan d’action 2035. Vers un Québec décarboné et prospère, que ce soit pour offrir un service à la clientèle de qualité ou pour augmenter la capacité de production.

Le système énergétique sera de plus en plus complexe, résume le chercheur. « On jonglera avec des sources d’énergie intermittente, comme l’éolien et le solaire, qui ne produisent pas nécessairement de l’énergie au moment voulu. De nouvelles technologies de stockage vont émerger, avec les batteries et les voitures. Tout ça présente des risques, mais surtout des opportunités, et l’IA sera au cœur de cette mission. »