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21 juin 2024 | 8:51 pm

IE: protéger les intérêts canadiens face aux investissements étrangers

Le courrier des lecteurs|21 juin 2024

IE: protéger les intérêts canadiens face aux investissements étrangers

«Ces préoccupations ne sont pas infondées, comme en témoignent les ventes d'importantes entreprises canadiennes à des investisseurs étrangers attirés par des opportunités de prise de contrôle au Canada. Parmi les exemples notables, Yamana Gold a été acquise par Pan American Silver et Agnico Eagle Mine.» (Photo: 123RF)

Un texte de Younès Dadoun, diplômé de la maîtrise en études politiques appliquées de l’Université de Sherbrooke, spécialisé dans le domaine de l’intelligence économique 

COURRIER DES LECTEURS. En 2024, bien que l’économie canadienne soit confrontée à des défis, elle fait preuve d’une remarquable résilience. Le PIB du Canada devrait croître d’environ 0,9 % cette année, un chiffre certes inférieur à la croissance potentielle de 2 % et au 1,1 % enregistré en 2023, mais suffisant pour éviter une récession. Cette robustesse économique repose en grande partie sur l’importance du commerce international, un pilier fondamental de la dynamique économique du Canada depuis toujours.

Le commerce international ne se contente pas de soutenir la production industrielle et la croissance des revenus ; il permet également aux Canadiens d’accéder à des fonds étrangers, à des produits d’investissement et à des technologies innovantes. Selon The Observatory of Economic Complexity, le Canada a exporté pour 484 milliards de dollars US en 2021, dont 355 milliards vers les États-Unis, représentant ainsi 73 % des exportations totales. La Chine arrive en deuxième position avec 22,5 milliards de dollars US, soit 4,65 % des exportations.

De plus, une enquête récente d’AT Kearney sur l’indice de confiance des investisseurs étrangers révèle que le Canada est perçu comme la destination la plus attrayante pour les investissements étrangers après les États-Unis. Cette position enviable témoigne de la confiance mondiale dans la stabilité et la prospérité futures du Canada.

Malgré des vents contraires, le Canada continue de naviguer habilement dans les eaux tumultueuses de l’économie mondiale, démontrant que sa résilience est bien plus qu’un simple atout, c’est une caractéristique intrinsèque de son tissu économique.

Il est essentiel de souligner que l’économie canadienne est incroyablement diversifiée, s’articulant autour de trois grands secteurs industriels. En tête de liste, le secteur des services, véritable pilier économique, offre des millions d’emplois dans des domaines aussi variés que l’éducation, les soins de santé, le tourisme, l’administration gouvernementale, les opérations bancaires, la vente au détail, les communications, la construction et le transport.

Ensuite, le secteur manufacturier qui, selon Industrie 2030, emploie 1,7 million de personnes et joue un rôle crucial en produisant des biens vendus non seulement au Canada, mais aussi à l’international. Ce secteur englobe une multitude d’industries, allant de la production de papier et de l’automobile, aux équipements de haute technologie, à l’aérospatiale, aux produits alimentaires et aux vêtements.

Enfin, le secteur de l’exploitation des ressources naturelles, qui a généré plus de 635 000 emplois en 2022 selon Statistique Canada, demeure une source vitale de croissance économique et de création d’emplois à travers le pays. Avec l’une des réserves de ressources naturelles les plus vastes et diversifiées au monde, ce secteur inclut la foresterie, l’agriculture, l’exploitation minière, l’énergie et la pêche.

Cette diversité sectorielle et la richesse de ses ressources naturelles attirent de plus en plus d’investisseurs étrangers, faisant du Canada un moteur clé de l’innovation, de la compétitivité et de la prospérité économique. Dans notre investigation, les acteurs principaux de l’investissement étranger direct au Canada ont été identifiés en consultant le rapport annuel sur l’application de la Loi sur Investissement Canada pour l’exercice 2022-2023. Ce rapport détaille les investissements par pays ou région d’origine, offrant un aperçu précieux des dynamiques d’investissement qui façonnent l’économie canadienne.

Graphique – Investissements au Canada par pays ou région d’origine en 2022-2023

Investissements au Canada par pays ou région d’origine en 2022-2023

Source : Innovation, Sciences et Développement économique Canada 

Toutefois, l’investissement étranger direct (IED) comporte son lot de risques, malgré les efforts de l’organisme Innovation, Sciences et Développement économique Canada pour examiner ces investissements non canadiens afin d’évaluer leur impact sur la sécurité nationale et l’économie du pays. En effet, les IED au Canada suscitent des inquiétudes concernant la perte de contrôle et l’influence étrangère sur l’économie nationale, notamment à travers les fusions et acquisitions.

Ces préoccupations ne sont pas infondées, comme en témoignent les ventes d’importantes entreprises canadiennes à des investisseurs étrangers attirés par des opportunités de prise de contrôle au Canada. Parmi les exemples notables, les compagnies minières Falconbridge et Inco, Alcan, Neo Lithium Corp. et Nevsun Resources ont été toutes deux acquises par Zijin Mining Group Company Limited, tandis que Yamana Gold a été acquise par Pan American Silver et Agnico Eagle Mine. Dans le secteur pétrolier, Addax Petroleum a été rachetée par Sinopec, et Nexen par la China National Offshore Oil Corporation. De plus, dans le domaine technologique, GaN Systems a été acquise par Infineon Technologies AG.

Le rapport annuel de la Loi sur investissement Canada de 2022-2023, dans sa section 5 intitulée « Examens relatifs à la sécurité nationale », fournit un résumé des investissements ayant fait l’objet d’examens prolongés. En 2022-2023, 32 examens ont été menés, marquant une augmentation de 33 % par rapport aux 24 examens de 2021-2022. Parmi ces 32 examens, trois ont abouti à un «dessaisissement» de l’investissement, impliquant des investisseurs chinois dans le secteur de l’extraction de minerais non métalliques.

De plus, huit investissements ont été retirés par les investisseurs eux-mêmes. Parmi ces retraits, sept concernaient des investissements chinois dans des secteurs variés tels que l’extraction de minerais non métalliques, la fabrication de matériel de communication, l’industrie du film et de la vidéo, le secteur de l’architecture et du génie, et la conception de systèmes informatiques. Pour finir, un retrait provenait de la République tchèque dans le secteur des services d’enquête et de sécurité.

Ces données illustrent les défis et les complexités liés à l’accueil des investissements étrangers, mettant en lumière la nécessité d’un équilibre entre attirer des capitaux internationaux et protéger les intérêts nationaux. Le Canada, tout en restant une destination attractive pour les investisseurs, doit naviguer avec prudence pour préserver sa souveraineté économique et sa sécurité nationale.

En outre, les adversaires potentiels du Canada n’hésitent pas à élaborer des stratégies multidimensionnelles et agressives pour acquérir ou accéder à des technologies sensibles ou à des infrastructures essentielles. Leur objectif est d’accroître leurs capacités militaires et de renseignement, tout en ouvrant, par des actes d’ingérence légale et illégale, de nouvelles avenues pour la coercition économique. Cette réalité, mise en lumière par Sécurité publique Canada en 2020, souligne la complexité des menaces qui pèsent sur le pays.

Face à ces défis qui menacent tant la sécurité nationale que l’économie canadienne comme mentionné dans le précédent texte, il est impératif que le gouvernement du Canada et les grandes entreprises canadiennes se concertent autour des trois piliers de l’intelligence économique (IE). Ces piliers sont essentiels pour que l’État et les entreprises adoptent une posture proactive, leur permettant de protéger leur patrimoine matériel et immatériel, ainsi que leurs fleurons nationaux et leurs secteurs sensibles.

Adopter cette approche stratégique non seulement fortifiera les défenses du Canada contre les menaces extérieures, mais permettra également au pays de se positionner parmi les nations les plus compétitives dans un marché globalisé. En intégrant une politique publique de l’IE, le Canada pourrait non seulement sécuriser ses intérêts, mais aussi stimuler l’innovation et la croissance économique, assurant ainsi une prospérité durable dans un monde en constante évolution.

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