Jean-Philippe L'Écuyer (Photo: courtoisie)
Un texte de Jean-Philippe L’Écuyer est expert-conseil en intrapreneuriat et il a fondé ENOV
COURRIER DES LECTEURS. Depuis 2011, nous savons que l’ensemble du Canada accuse un retard criant sur le plan de l’innovation. Nous savons également que cet écart engendre des coûts économiques et sociaux majeurs, et qu’il est important d’agir (Rapport Jenkins, 2011 – Innovation Canada : Le pouvoir d’agir).
Au Québec, une véritable course à l’innovation qui a été lancée, en 2020. La création du Conseil de l’innovation du Québec et le lancement des zones de l’innovation semblent avoir marqué le grand départ. Depuis, les offres de soutien à l’innovation pullulent.
Si la montée en vogue de l’innovation témoigne d’une prise de conscience collective, sa cadence est, quant à elle, de très mauvais augure. En effet, le chemin qui conduit une société à devenir plus innovante a bien plus de similitudes avec celui de Compostelle, qu’avec celui du cent mètres.
Voulant faire une seule bouchée de nos défis d’innovation, on nuit malheureusement à la cause!
Les études de cas démontrent qu’il faut généralement entre trois et cinq ans pour qu’une organisation assimile les bases de la démarche d’innovation[1]. Le lancement de tournois annuels d’innovation, l’implantation d’approches intrapreneuriales ou encore, la mise en place de mécanismes d’allocation des ressources dédiées à l’innovation, ne sont que quelques-unes des avenues empruntées par les entreprises, dans leur parcours d’initiation à l’innovation.
Un processus long, complexe et gourmand en formation
Améliorer les capacités d’innovation d’une entreprise implique de transformer ses valeurs, ses modes de travail, ainsi que les réflexes managériaux de ses dirigeants. S’engager sur la voie l’innovation signifie d’opérer un changement de paradigmes. Contrairement à la croyance populaire, devenir une organisation innovante n’est pas un défi technique ou technologique. C’est plutôt un défi humain.
Prendre un virage innovant exige du temps, de l’énergie et surtout, le développement de compétences nouvelles chez les collaborateurs. Il s’agit d’une transformation gourmande sur le plan de la formation et des autres modalités de développement des compétences, notamment, l’apprentissage juste-à-temps et l’apprentissage collaboratif[2].
En d’autres mots, devenir innovant, c’est d’abord et avant tout apprendre aux individus à innover, ensemble. Et cela passe par une offensive de développement des compétences en innovation chez les personnes, mais également, au sein des équipes, des départements et des fonctions.
Le pèlerinage de l’innovation
L’innovation est un chemin long, transformateur et parsemé d’embûches, mettant à l’épreuve les néophytes, tout comme les plus aguerris. Chemin sur lequel un pèlerin aura de meilleures chances qu’un coureur.
Force est de constater que nous devrons désormais apprendre à faire le tri entre l’innovation sémantique, fondée sur le discours, et l’innovation de conviction, fondée sur l’action et la prise de risques réels. Puisque l’innovation est actuellement sur toutes les lèvres et qu’elle y restera encore pour plusieurs années, il sera de plus en plus difficile de distinguer le vrai du faux, le contenu du contenant, l’authentique de la copie, le fondamental du cosmétique.
L’innovateur dans l’âme, qu’il soit entrepreneur, employé, intrapreneur, élu ou citoyen, sait déjà comment ancrer une démarche d’innovation dans ses propres valeurs profondes. Véritable pèlerin, il ou elle comprend qu’innover est une démarche globale, porteuse de sens, qui transforme les façons de penser et d’agir.
Au cours des prochaines années, nous aurons besoin d’une armée de pèlerins de l’innovation, parce qu’innover, ça s’apprend, lentement mais sûrement !
[1] Terwiesch Christian, Ulrich, Karl, 2023. The Innovation Tournament Handbook: A Step-by-Step Guide to Finding Exceptional Solutions to Any Challeng, Wharton School Press.
[2] Lauzier, Martin, Rivard, Patrick. La gestion de la formation et du développement des ressources humaines : Pour préserver et accroître le capital compétence de l’organisation, Presses de l’Université du Québec. 3e édition, 2023.
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