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Ubisoft au cœur d’un écosystème en IA

Amélie Légaré|Mis à jour le 13 juin 2024

Ubisoft au cœur d’un écosystème en IA

epuis les débuts du laboratoire, plus de 90 prototypes ont été développés et la moitié est déjà utilisée dans les productions d’Ubisoft. (Photo: courtoisie)

SPÉCIAL 300. L’intelligence artificielle (IA) évolue depuis les tout premiers jeux vidéo. Le grand studio Ubisoft Montréal est à l’avant-garde dans ce créneau avec son laboratoire de recherche et développement. Ubisoft La Forge fait le pont entre le milieu universitaire et l’industrie pour créer des prototypes novateurs et performants au service de la création.

En 2011, Ubisoft a commencé à s’intéresser à une approche très spécifique de l’IA, l’apprentissage machine ou machine learning, dans le cadre d’une chaire industrielle pilotée par Yoshua Bengio. Après avoir développé ses compétences en la matière, l’entreprise lançait son unité de recherche et de développement Ubisoft La Forge quelques années plus tard. « On était le premier laboratoire de cette nature dans l’industrie du jeu vidéo, il y a huit ans », déclare Yves Jacquier, directeur exécutif d’Ubisoft La Forge.

Aujourd’hui, l’équipe permanente est composée d’une cinquantaine de personnes, autour desquelles gravitent une quarantaine d’étudiants aux cycles supérieurs, des employés et des experts. Chaque prototype est développé par une petite équipe pour évaluer rapidement les retombées réelles et les besoins nécessaires à une intégration fonctionnelle à l’interne. Depuis les débuts du laboratoire, plus de 90 prototypes ont été développés et la moitié est déjà utilisée dans les productions d’Ubisoft.

Le laboratoire possède son propre bassin de chercheurs, mais l’équipe accueille également des propositions de sujets de partenaires universitaires. « On est à la croisée entre les besoins d’Ubisoft et les besoins du milieu technocréatif académique. Les chercheurs ont accès à nos données, à nos expertises, à nos technologies, à nos environnements, mais ils travaillent sur des sujets qui les intéressent », ajoute le directeur. En retour, l’équipe d’Ubisoft développe de nouvelles façons de faire ou de nouveaux concepts qu’ils peuvent utiliser dans leurs processus.

 

Innover pour mieux créer

Grâce à ce laboratoire, Ubisoft souhaite être un précurseur en matière d’IA. « On est dans une industrie qui veut surprendre, qui veut innover donc ce qui est important, c’est d’être le premier. Après, une fois qu’on a mis la barre, les autres peuvent suivre », admet Yves Jacquier.

Ubisoft utilise l’IA pour assister le créateur dans la réalisation de tâches répétitives, pour créer des mondes plus crédibles ou pour améliorer l’expérience du joueur. Par exemple, l’outil d’assistance à la rédaction Ghostwriter permet de créer des variations de dialogues pour les vendeurs dans un marché ou pour les gens qui se promènent dans les mondes virtuels. On peut aussi penser à l’interaction réaliste ou crédible avec de la fumée et de l’eau, ou à la création des foules avec des variétés d’individus. « Il y a des solutions qui nous permettent de créer des mondes plus crédibles en générant des animations plutôt que de devoir les rentrer à la main une à une. C’est un exemple où l’IA peut nous aider. » Au niveau de l’expérience des joueurs, le projet NEO NPQ d’Ubisoft utilise également l’IA générative pour favoriser des interactions authentiques avec des personnages.

 

Dimension éthique et responsable de l’IA

En travaillant sur une multitude de prototypes et de sujets, l’équipe d’Ubisoft a constaté que l’aspect technologique ne représente qu’une portion de la résolution d’un problème à l’aide de l’IA. Une chaire a été créée l’an dernier en collaboration avec l’Institut québécois d’intelligence artificielle Mila et l’Université McGill pour le volet de la responsabilité sociétale. « C’est une chaire qui vise à utiliser l’IA pour assister nos créateurs dans la création de mondes virtuels toujours plus crédibles et intéressants, mais en s’assurant de le faire de manière responsable. »

 

Répondre à des enjeux de société

L’industrie du jeu vidéo est souvent à l’avant-garde face à des problématiques qui seront rencontrées plus tard dans d’autres domaines. « Quand on travaille avec des chercheurs de Mila sur les questions de toxicité en ligne, par exemple, on espère que les résultats qu’on trouve ensemble vont être publiés et utilisés dans d’autres applications, simplement parce que de notre point de vue, cette problématique, on doit la résoudre tous ensemble en fait », précise Yves Jacquier.

Un partenariat avec Riot, un autre acteur majeur en jeu vidéo, a permis de créer des algorithmes plus performants pour détecter ces communications toxiques dans les dialogues en ligne. « La manière dont Ubisoft ou Riot les implantent dans ses jeux, ça reste des décisions industrielles, mais c’est le genre de collaboration qui nous semble importante où on ne se place pas en compétiteurs, mais plutôt comme acteurs responsables autour d’un enjeu sociétal. »