La productivité est aussi une affaire de ressources humaines
Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑octobre 2023Yves Boulet, fondateur d’AXXIO, et Vincent Laverdière, qui la préside maintenant (Photo: Laetitia Photographe)
La productivité est souvent vue sous le prisme de l’automatisation, mais les auteurs du Guide de survie en pénurie de main-d’œuvre ont une vision plus large de ce phénomène.
Yves Boulet, fondateur d’AXXIO, une firme de Québec spécialisée en ressources humaines et en gestion stratégique, et Vincent Laverdière, qui la préside maintenant, estiment qu’une meilleure gestion des RH est essentielle pour contrer les effets du manque de main-d’œuvre ainsi que pour améliorer la productivité.
Partant du constat que la difficulté à trouver des gens pour effectuer le travail constitue un « coup de marteau » sur la tête des entrepreneurs, ces deux hommes ont couché sur papiers leurs conseils dans leur ouvrage qui vient de paraître.
« On veut briser ce sentiment de découragement qui est amplifié par un contexte macroéconomique difficile, explique Vincent Laverdière en entrevue. C’est possible de tirer son épingle du jeu. On espère redonner aux entrepreneurs le goût de s’attaquer aux défis. »
Une de leurs thèses, c’est qu’une augmentation de la productivité est essentielle pour contrer ce phénomène de manque de main-d’œuvre qui sera encore là pour longtemps. Et l’atteinte de cet objectif passe par les RH. Ils citent une étude de Benoit Dostie, professeur à HEC Montréal, qui soulignait que les organisations qui appliquent plusieurs bonnes pratiques RH ont une productivité jusqu’à trois fois plus élevée que les autres.
Parmi celles qui faisaient une différence, notons l’utilisation des tests à l’embauche, l’impartition, les ententes officielles de rendement, le recours à la formation et l’amélioration des processus. Tous ces points sont couverts dans cet ouvrage.
Cultiver une envie de progresser
Selon ces auteurs, l’augmentation de la productivité ne doit plus être vue comme un besoin de « presser le citron », tel que dans le passé. Mais ils déplorent que plusieurs gestionnaires soient encore trop timides pour aborder ouvertement cette question.
« Il faut être à l’aise d’en jaser avec les employés, mais les entrepreneurs ont peur, fait valoir Yves Boulet. L’objectif n’est pas de travailler plus, mais mieux. Faut savoir communiquer que c’est pour le bien de l’organisation. Si on veut un job et un meilleur salaire, l’entreprise doit progresser. »
Les entrepreneurs ont leur part à faire selon eux. « Par exemple, la plupart des dirigeants pensent qu’ils préparent et conduisent bien leurs réunions alors que c’est loin d’être le cas, explique Vincent Laverdière. L’erreur classique est de fournir beaucoup d’informations qui pourraient être transmises dans un courriel. Les participants sont passifs alors qu’ils devraient être engagés et consultés. »
Il souligne également que de tenir une réunion sans certaines personnes clés rend impossible la prise de décision qui est reportée.
« Cela amène un paquet de discussions inachevées, ajoute-t-il. On refait donc la rencontre en recommençant au début. Ces erreurs peuvent paraître simples, mais multipliées par le nombre élevé d’entretiens, cela nuit à la productivité. »
Amélioration des processus
Les auteurs offrent aussi des solutions, comme l’impartition, pour contrer la difficulté d’embaucher à temps partiel. Toutefois, la PME devrait en profiter pour aller plus loin qu’un simple échange de service.
« Il faut faire graviter autour de soi un réseau de travailleurs autonomes, dit le président d’AXXIO. Cela veut dire les inviter à des événements qu’on organise pour en faire des partenaires. On crée alors une force qui peut absorber le surplus de travail lorsque c’est nécessaire. »
Les auteurs abordent bien sûr des éléments plus classiques liés à la productivité, notamment l’adoption de certains logiciels de gestion. Mais même dans le domaine de l’amélioration des processus, ils croient que les facteurs humains ont un grand rôle à jouer.
« On va chercher des gains de productivité de 10% à 15 % seulement en mettant les équipes ensemble, en identifiant les duplications et en les faisant collaborer », affirme Yves Boulet.
Les auteurs estiment que ces recommandations n’ont pas seulement pour but de favoriser la santé des PME, mais de rendre l’aventure entrepreneuriale plus agréable.
« On peut survivre, mais pas avoir de fun, remarque Vincent Laverdière. Si notre livre peut aider les dirigeants à plus apprécier le voyage, il aura atteint son objectif. Avec plus de succès et davantage de plaisir, on aura un entrepreneuriat plus fort au Québec. »
Guide de survie en pénurie de main-d’œuvre est publié par Éditions JFD.