(Photo: 123RF)
Un texte de Denis Martel
COURRIER DES LECTEURS. Le gouvernement Legault a récemment reporté la décision sur le projet de tramway de Québec, passant le relais à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Cette dernière se voit confier une tâche herculéenne: repenser en l’espace de six mois ce qui a été élaboré sur dix longues années. Dans ce processus, on observe une tendance à tourner en rond plutôt qu’à l’innovation, un cycle qui soulève des questions quant à la gestion continue du projet et son aboutissement.
Le mystère Québec
Devant l’enjeu de transformer l’infrastructure urbaine de Québec, on se heurte à une particularité locale: l’attachement profond des citoyens à leur ville telle qu’elle est. Québec, avec son allure sereine et son rythme mesuré, n’invite pas au changement précipité. Les habitants, fiers et dotés d’un esprit critique aiguisé, semblent vivre à leur rythme, réfléchissant longuement avant d’embrasser les nouveautés. Ainsi, communiquer la nécessité d’un projet d’envergure tel que le tramway requiert une compréhension fine de sa population et une gestion du changement exceptionnelle.
La gestion du changement
Il est possible que la réticence observée chez les habitants de Québec vis-à-vis du projet de tramway découle d’une série de manquements, au cours des dix dernières années, dans la conduite du changement. Peut-être que les consultations publiques n’ont pas été menées avec l’ampleur nécessaire. En effet, une implication plus marquée de la population, dès le départ, aurait pu engendrer une meilleure acceptabilité du projet, en plus de renforcer l’engagement des citoyens et de leur démontrer du respect.
Il est envisageable que les bonnes pratiques habituelles en gestion du changement n’aient pas été pleinement exploitées. Il aurait été judicieux, de la part des promoteurs, d’initier un dialogue ouvert et continu, de prendre en compte les avis de la communauté, et de déployer plus d’initiatives pour partager une vision commune du projet, afin de désamorcer les appréhensions.
En termes de communication, la possibilité demeure que le message n’ait pas été suffisamment contrôlé, laissant ainsi aux médias le soin d’interpréter et de diffuser les informations à travers leurs filtres. Québec a un écosystème et un climat médiatique particulier. Une stratégie de communication continue plus importante, proactive, transparente, et diversifiant les canaux aurait permis de rejoindre tous les profils de la collectivité permettant de dissiper les incompréhensions et de combattre la désinformation.
Ces hypothèses, si elles s’avéraient, pourraient contribuer à expliquer pourquoi le projet de tramway n’a pas rencontré l’écho escompté auprès des citoyens de Québec, malgré ses promesses d’amélioration du cadre urbain et d’investissements massifs alors que nous fonçons tout droit dans les tourments économiques.
La faible adhésion de la population à la transformation des axes majeurs de la ville pour accueillir le tramway peut être compréhensible. Le soutien modéré révélé par les sondages reflète cette hésitation, exacerbée par la chute de popularité d’un parti provincial au pouvoir. Ces éléments combinés créent un terreau fertile pour une réaction politique précipitée plutôt que pour une réflexion centrée sur l’intérêt général des Québécois. Cependant, l’heure doit être au courage.
Un avertissement doit être lancé aux élus de la Colline parlementaire: la décision de déléguer la question cruciale de la mobilité de la grande région de Québec à la Caisse de dépôt et placement, basée à Montréal, pourrait avoir des répercussions inattendues. Le mystère Québec, c’est peut-être que les habitants de la région ont un une capacité très aiguisée à déceler l’opportunisme politique.