Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

S’adapter aux risques climatiques et éthiques

François Normand|Édition de la mi‑novembre 2023

S’adapter aux risques climatiques et éthiques

La directrice de l’usine, Valérie Huot (Photo: courtoisie)

Les inondations sont fréquentes à Sainte-Marie, en Beauce, en raison du débordement de la rivière Chaudière. Toutefois, l’inondation historique de 2019 a frappé les esprits. La direction de la boulangerie Vachon a alors construit un mur anticrue pour protéger son usine.

« Cette inondation avait affecté la production durant plusieurs semaines, en plus des dommages importants qu’ont subis les bâtiments et les équipements », explique à Les Affaires la directrice de l’usine, Valérie Huot.

Ces inondations ont affecté toute sa chaîne logistique, de ses approvisionnements à la commercialisation, en passant par la production.

Depuis sa fondation, Sainte-Marie subit souvent des inondations en raison de la fonte des glaces, une réalité n’ayant rien à voir avec les changements climatiques. Cela dit, comme ailleurs dans le monde, le réchauffement planétaire accentue des phénomènes existants.

C’est pourquoi Bimbo Canada, une filiale de la mexicaine Grupo Bimbo, qui a racheté l’usine en 2014, a investi 10 millions de dollars (M$) pour construire ce mur en 2019 — elle a aussi investi 90 M$ pour reconstruire ses installations endommagées par l’eau.

« Le mur anticrue permet de clôturer l’entièreté des installations en cas d’inondation. Il descend environ de 9 et 12 mètres de profondeur dans le sol, et ce, autour du périmètre entier de la boulangerie », explique Valérie Huot.

 

Une usine beaucoup plus résiliente

Certes, ce mur n’empêchera pas une autre fermeture de l’usine au moment de la prochaine inondation majeure. En revanche, il permettra à l’entreprise de reprendre rapidement ses activités après le retrait des eaux.

« Les opérations pourront éventuellement reprendre une fois que la situation sera de nouveau sécuritaire pour nos collaborateurs et partenaires externes », dit la directrice.

La boulangerie Vachon n’est qu’un exemple d’une entreprise qui doit s’adapter aux changements climatiques au Québec.

D’autres sociétés doivent aussi apprendre à gérer de nouveaux risques climatiques dans leur chaîne logistique, selon Mathieu St-Pierre, PDG de la Société de développement économique du Saint-Laurent.

Par exemple, durant les importants feux de forêt, ce printemps, au Québec, une minière a dû exporter son minerai de fer via un port du Nunavik, car la ligne du chemin de fer QNS&L (propriété de Rio Tinto et d’IOC) liant la fosse du Labrador au port de Sept-Îles a été momentanément fermée.

Les changements climatiques affectent aussi le transport de marchandises par bateau, fait remarquer Mathieu St-Pierre. « Par exemple, l’été dernier, la navigation sur le canal de Panama a été interrompue en raison d’une sécheresse », dit-il. Celle-ci a fait baisser le niveau d’eau sur cette route de 82 kilomètres, constituée de canaux et d’écluses, qui a aussi besoin d’eau douce.

Le Rhin, la plus importante voie fluviale d’Europe, a aussi subi une sécheresse en août 2022. Le manque de précipitations a fait baisser le niveau du fleuve. Cette situation a réduit durant des semaines les volumes de marchandises transportés, faisant ainsi bondir les coûts de transport.

 

Des chaînes d’approvisionnement plus éthiques

Les entreprises canadiennes doivent aussi apprendre à gérer un autre risque, cette fois dans leur chaîne d’approvisionnement : le non-respect des droits de la personne par leurs fournisseurs situés dans les pays à faible coût de production.

Par exemple, le 3 mai 2023, Ottawa a adopté le projet de loi S-211, la Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et modifiant le tarif des douanes.

Le 1er janvier de la même année, l’Allemagne a adopté une loi similaire, le « Supply Chain Due Diligence Act ». Ainsi, les entreprises en Allemagne — peu importe leur nationalité — doivent désormais s’assurer qu’il n’y a pas de violation des droits de la personne dans leur chaîne d’approvisionnement, mais aussi dans celle de leurs fournisseurs à l’étranger.

Florent Bouguin est chef de la direction technologique et vice-président à Optel, une PME de Québec spécialisée dans les systèmes de traçabilité pour les chaînes d’approvisionnement. 

Selon lui, ce type de législation — et il y en a d’autres en vigueur aux États-Unis et dans l’Union européenne — forcera de plus en plus d’entreprises canadiennes à devoir vérifier que leurs fournisseurs montrent patte blanche. « Je confirme que le Canada est dans la course pour réduire les violations des droits de la personne. La loi canadienne va ressembler à ce qui se fait en Allemagne », précise-t-il.

En avril, l’allemande Volkswagen a annoncé un investissement de 7 milliards de dollars pour construire une nouvelle usine de batteries à St. Thomas, en Ontario, notamment en raison de la présence de minéraux critiques et stratégiques dans la province.

Concrètement, son investissement en Ontario lui évite d’avoir des problèmes légaux, puisqu’il n’y a pas de violation des droits de la personne dans le secteur minier au Canada, contrairement à celui en République démocratique du Congo, par exemple. 

« Le fait que Volkswagen s’installe au Canada fait en sorte que ses approvisionnements seront conformes à la loi allemande », souligne Yvonne Denz, PDG de la Chambre canadienne allemande de l’industrie et du commerce. De plus, l’entreprise sera conforme à la loi canadienne.