Bien préparer sa relève est important pour passer le flambeau adéquatement. (Photo: 123RF)
SPÉCIAL 300 PME. Après plusieurs décennies passées à la tête de l’entreprise, un PDG peut aussi faire preuve de complaisance en évitant de prévoir sa relève, estime Alain Reid, associé à la stratégie et à la transformation organisationnelle à la firme de consultants Humance.
« Il faut avoir une vision, une motivation, un peu comme quand on a lancé l’entreprise : on doit visualiser cette équipe de relève et [le fait] que la transition va bien se passer », conseille celui qui est aussi psychologue organisationnel de formation.
Un entrepreneur de 85 ans l’a déjà approché, d’avis qu’il était grand temps qu’il commence à bâtir sa relève. « Erreur, dit Alain Reid. À cet âge, tu n’as plus la patience pour créer cette équipe, le temps pour les accompagner là-dedans. La notion de confiance, de laisser les commandes, ça se fait quand il y a une osmose qui se produit. »
Cliquez ici pour consulter le classement des 300 plus importantes PME du Québec
Steve Bissonnette, président de Diacarb, planche sur sa propre relève depuis plusieurs années déjà, lui qui est aujourd’hui fatigué par tous les changements que son entreprise a connus.
« Quand je suis devenu un entrepreneur, ma raison d’être, c’était de créer des emplois. Près de 30 ans plus tard, avec la pénurie de main-d’œuvre, ça ne fonctionne plus. Ce n’est plus juste de changer ton modèle d’affaires, c’est plus profond. »
Dorénavant, sa mission à la tête de l’organisation, c’est de créer deux entrepreneurs qui reprendront les guides et assureront la pérennité de l’entreprise.
Pour sa part, Daniel Laprise, PDG de Maisons Laprise, compte céder les rênes de la sienne quand ses enfants seront prêts. Il n’est pas pour autant pressé d’accrocher son chapeau de dirigeant : « On peut vraiment s’amuser en affaires, si on parvient à trouver un équilibre, ce qui n’est pas toujours évident. […] Ça fait longtemps que je le dis : le jour où j’aurai l’impression de devoir me lever pour aller travailler, c’est qu’il sera le temps de prendre ma retraite. Et ça ne m’est toujours pas arrivé. »
Savoir prendre un pas de recul
Reconnaître qu’il est temps de tirer sa révérence n’est pas toujours chose facile, surtout quand les limites de l’entreprise et sa tête dirigeante sont brouillées, préviennent les experts.
« Lors du Grand rassemblement annuel 2024 d’EntreChefs PME, on devait parler de nous sans faire allusion à notre entreprise pendant deux minutes. Je me suis rendu compte que j’avais bien de la difficulté à le faire », avoue Steve Bissonnette.
Encore faut-il être capable d’envisager l’éventualité de devoir céder sa place aux commandes, prévient Mathieu Guilbert, consultant principal en stratégie et en transformation organisationnelle pour la firme de consultants Humance. Les PDG de PME peinent d’ailleurs bien souvent à la faire.
« Avoir le bon leader pour l’entreprise, ça évolue dans le temps. Ce dont l’organisation avait besoin il y a dix ans, ce ne sera pas la même chose 20 ans plus tard », précise Alain Reid, qui s’est retiré de la direction d’Humance lorsqu’il a été confronté à ce même dilemme.
Au cours de sa carrière, la directrice de l’offre et du développement du membership au regroupement EntreChefs PME, Marie-Lou Guévin, a vu plusieurs PDG rester accrochés.
« Cette génération de dirigeants en poste depuis plus de 30 ans, ils ont tout porté sur leurs épaules, ont travaillé des 90-100 heures par semaine, ont fait d’importants sacrifices. Je crois que certains restent, car ils ne connaissent rien d’autre. C’est leur principale manière de rester utiles. »
C’est pourquoi elle suggère à ces personnes qui carburent aux projets de nourrir une autre passion afin de continuer à contribuer à la société d’une manière différente.
« Vaut mieux sortir par la porte d’en avant et non par la porte d’en arrière », résume Alain Reid.