Si la vie de Chantal Morissette a été bercée par la croissance de l’entreprise basée à Terrebonne, sa présidence, elle, a été marquée par les années de pandémie. (Photo: courtoisie)
SPÉCIAL 300 PME. En 1982, trois frères, Jean-Claude, Régis et Jocelyn Morissette, fondaient l’entreprise de matériaux de construction Fransyl. Plus de 42 ans plus tard, Chantal Morissette, fille de Jean-Claude, aujourd’hui présidente, a su faire sa place, avec fermeté et bienveillance, dans ce monde d’hommes.
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Nombre d’employés: 169 Longévité du dirigeant: 5 ans Position au classement: 148e |
Après le cégep, Chantal Morissette avait déjà un emploi quand son oncle Régis, cofondateur et responsable des ventes de Fransyl, a proposé à la jeune femme de se joindre à l’entreprise familiale. Son père, alors PDG, s’oppose d’abord à l’idée : la construction est un univers un peu trop dur pour une jeune fille. Régis obtient gain de cause. C’était en 1995.
« C’était un monde d’hommes, oui, mais ça ne m’a pas intimidée tant que ça », dit celle qui commence donc son parcours dans l’entreprise au sein du service à la clientèle. Elle participe ensuite à la fondation de la Division des achats, alors inexistante. « On était en grosse croissance à l’époque, il fallait améliorer certaines facettes. » Après une pause pour fonder une famille, elle devient directrice des ventes, puis directrice générale. Son père ayant quitté la présidence en 2010, elle agit alors comme « bras droit » pour celui qui lui a succédé, Luc Jutras. « Luc aimait dire que je m’occupais des détails, lui de la vision », se souvient l’actuelle présidente, qui considère que l’idée de famille « va bien au-delà des noms ».
Présidence et pandémie
Si la vie de Chantal Morissette a été bercée par la croissance de l’entreprise basée à Terrebonne, sa présidence, elle, a été marquée par les années de pandémie. Elle succède à Luc Jutras en juin 2020, seulement quelques mois après les premières déclarations d’urgence sanitaire. Si la transition vers la présidence se fait naturellement, la femme d’affaires se souvient d’une période où il a fallu « se recentrer sur l’humain ». « Moi, j’avais besoin de m’activer, sinon je me serais effondrée », dit la dirigeante. L’usine de fabrication doit fermer ses portes, c’est l’insécurité totale pour une bonne partie des employés. « On leur a dit qu’on allait déposer leur paye dans leur compte. On savait bien que certaines personnes n’avaient pas d’autres moyens de nourrir leur famille », dit la dirigeante.
Le devoir de la transmission
Aujourd’hui, les défis auxquels doit faire face celle qui fêtera l’an prochain ses 30 ans au sein de l’entreprise sont bien différents de ceux rencontrés au début de la crise de COVID-19. « Quand ton entreprise est en croissance, comme c’est le cas pour nous, le défi, c’est la transmission des connaissances, dit-elle. Ça peut arriver que dans le feu de l’action, ce soit quelque chose que tu délaisses un petit peu, quand les affaires vont vite. Chez Fransyl, on aime les défis, on veut dire « go ! » à tout, tout le temps. Mais depuis quelques années, je dis aux gestionnaires qu’il faut qu’on arrête de dire « go ! » tout le temps, parce que pendant qu’on fait ça, on n’est pas en train d’enseigner. On commence à voir de plus en plus que ce devoir de transmettre, il est ultra-important pour la pérennité de l’entreprise. »
Pour que s’accomplisse cette mission de transmission, Chantal Morissette précise qu’il est également important d’adapter son message. « Il faut transmettre nos valeurs fondatrices et garder en tête d’où l’on vient, dit-elle. Mais il faut aussi savoir être à l’écoute de nos gens si on veut continuer à se propulser. Il faut s’adapter. Parce que l’enseignement, au fond, c’est de la communication. Si tu ne tiens pas compte de qui reçoit ton message, la communication n’est pas faite. C’est un équilibre qu’il faut trouver. »
Un gant de velours
Croit-elle qu’une femme leader est mieux placée pour incarner cet équilibre ? « Je pense que tout le monde a la capacité de se connecter à l’humain. C’est peut-être plus facile quand tu es une femme. Les gars m’appellent la “petite maman”, dit-elle en riant. Il faut savoir être une main de fer dans un gant de velours, comme on dit, il faut être capable de s’affirmer dans une réunion importante, mais il faut aussi s’assurer que les gens sont bien. »
Elle aimerait que son parcours puisse servir d’inspiration pour les femmes qui se voient dans des postes de meneuses. « Il faut qu’elles soient bien dans leur peau, qu’elles n’aient pas peur d’y aller, de foncer, dit la dirigeante. C’est important de sortir de sa zone de confort, de se pousser, de se challenger. Souvent, je leur dis “ quand j’étais jeune, je n’étais même pas capable de parler devant quatre personnes ”. Donc allez-y ! »