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Les entreprises doivent cesser de s’en remettre à l’immigration, dit Christine Fréchette

Dominique Talbot|Publié à 16h15 | Mis à jour à 16h23

Les entreprises doivent cesser de s’en remettre à l’immigration, dit Christine Fréchette

Christine Fréchette (Photo: Martin Flamand)

Au moment où les gouvernements provincial et fédéral resserrent leurs politiques en matière d’immigration, les entreprises québécoises devront innover et moins s’en remettre aux travailleurs étrangers pour conserver et augmenter leur productivité, dit Christine Fréchette.

«Je pense qu’il y en a un certain nombre, qui effectivement ont tendance à s’en remettre à l’embauche de personnes additionnelles, au Québec ou à l’étranger, plutôt que d’investir dans la productivité. On me dit que les entrepreneurs ne sont pas encore assez sensibilisés à l’importance d’investir dans la technologie», a affirmé la ministre, lors d’une grande entrevue accordée à Les Affaires il y a quelques jours. C’était sa première table éditoriale dans un média, au cours de laquelle quatre journalistes l’ont interrogée sur les grands défis économiques, notamment le déficit d’innovation et les besoins toujours plus importants de travailleurs étrangers. 

Même si la situation s’est améliorée au cours des dernières années, les entreprises québécoises investissent encore trop peu dans la technologie et pour améliorer leur productivité. Selon le dernier Baromètre de l’innovation du Québec, 69% ont mené des projets d’innovation en 2024, contre 51% en 2022.

Toujours en 2024, 41% des 760 entreprises québécoises sondées par le Conseil de l’innovation du Québec affirmaient avoir innové pour offrir de nouveaux produits. Plus que les 35% en Ontario.

Cependant, seulement 34% ont mis de l’argent pour l’adoption de nouvelles technologies, alors que cette proportion dépasse la barre des 50% en Ontario.

Ce qui fait que pour le même travail, selon les données de Statistiques Canada, le PIB par habitant était au Québec était de 58 642$, alors que la moyenne canadienne est de 65 561$.

Pour la nouvelle ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, il est clair que la nouvelle logique qui doit habiter les entreprises est celle de l’investissement en productivité et en innovation. «Je n’ai pas l’impression que ç’a été la logique de la majorité d’entre elles jusqu’à maintenant, dit-elle. Ça va peut-être le devenir. Mais ça doit le devenir, ça c’est sûr. Sinon, on ne fera que du pareil au même.»

Du «pareil au même», cela signifie un déficit de productivité qui ne se résorbe pas, ainsi qu’un recours parfois systématique depuis plusieurs années des entreprises à des travailleurs étrangers pour honorer leurs carnets de commandes.

Moratoire et suspension

Cet automne, le gouvernement de François Legault a annoncé un moratoire de plusieurs mois sur le Programme de l’expérience québécoise et le Programme régulier des travailleurs qualifiés.

Tout cela après la suspension du Programme des travailleurs étrangers temporaires à la fin de l’été pour des emplois dans la région de Montréal dont le salaire est inférieur à 57 000$.

Du côté du gouvernement fédéral, une réduction de 21% des cibles d’immigration permanente a été récemment annoncée.

Christine Fréchette prévient que les entreprises vont rapidement se rendre compte que ce moins facile de recruter à l’international, qu’il y aura plus de contraintes. Et que si des personnes souhaitent rester de manière permanente, il y aura plus d’exigences, notamment avec la connaissance du français.

«Est-ce que le rabaissement des niveaux d’immigration, permanente au fédéral, temporaire au Québec, va amener un changement d’approche? Ça pourrait y contribuer, sans que ce soit un électrochoc», dit la ministre de l’Économie.

«Ça va devenir plus complexe, moins facile de recruter à l’international. Par conséquent, il y aura des gens qui vont vouloir se tourner vers l’investissement dans de nouvelles technologies, vers de nouvelles façons de faire», croit-elle.

Aides aux entreprises

Afin de pallier le déficit de productivité et d’innovation qui plombe les entreprises québécoises, la nouvelle ministre souhaiterait en voir plus se tourner vers Investissement Québec (IQ), qui, dit-elle, offre différents programmes d’accompagnement.

«Investissement Québec n’est pas seulement pour les grands joueurs», tient-elle à préciser, ajoutant que la perception n’est pas toujours ajustée à la réalité.

«Il faut faire connaître qu’Investissement Québec est là», répète-t-elle. Et ce, malgré la suspension récente de trois programmes très populaires auprès des PME québécoises, dont Impulsion PME, qui investissait en équité ou en quasi-équité, permettait «aux jeunes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance à avoir accès à du capital d’investissement au stade de l’amorçage».

Le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie a aussi suspendu le programme DÉPART, pour les PME dans les régions ainsi que Biomed Propulsion, orienté vers les sciences de la vie.

Ce dernier sera intégré à la récente initiative Grand V, d’IQ, dotée d’une enveloppe de 4,5G$, et qui offrira des prêts d’un minimum de 250 000$ ainsi que de l’accompagnement.

«Je peux comprendre qu’il y a des préoccupations par les annonces de suspension de programmes», dit Christine Fréchette. «Notre souhait est de bien soutenir l’ensemble des PME. Grand V se donne cet objectif-là. L’initiative va réunir un certain nombre de critères qui étaient portés par d’autres programmes», ajoute la ministre.

Elle soutient que certains programmes ont reçu un grand nombre de demandes, et que des analyses devaient être faites avant d’aller plus loin, et que l’objectif était de respecter les budgets.

«Certains programmes pourraient être relancés, d’autres non. Nous allons faire une évaluation en 2025.»