Pacini: «Après plus de 20 ans comme propriétaire et PDG, je sais que je ne sais rien»
Sophie Chartier|Édition de la mi‑octobre 2024Pierre Marc Tremblay est dirigeant de la bien-aimée chaîne de restaurants Pacini depuis 24 ans, et en est le propriétaire depuis 22 ans. (Photo: courtoisie)
SPÉCIAL 300 PME. Aujourd’hui dans la soixantaine, Pierre Marc Tremblay est dirigeant de la bien-aimée chaîne de restaurants Pacini depuis 24 ans, et en est le propriétaire depuis 22 ans. S’il veut toujours autant le meilleur pour ses employés, ses franchisés et ses clients qu’à ses débuts, l’homme d’affaires arrive doucement à l’heure des bilans.
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Nombre d’employés: 257 Longévité du dirigeant: 24 ans Position au classement: 40e |
Pierre Marc Tremblay a toujours eu la bosse des affaires. Il a ouvert son premier restaurant dans la jeune vingtaine. Il a été consultant expert en restructuration d’entreprise. C’est ainsi qu’il est entré dans le giron de Pacini et en fut nommé PDG à l’an 2000. Il a acheté la célèbre bannière au « bar à pain » deux ans plus tard. Passionné par les relations humaines, l’homme d’affaires a toujours voulu incarner l’« entreprise de restauration qui traitait le mieux ses employés au Québec », une ambition qu’il a toujours aujourd’hui et qui explique son succès, dit-il.
Toutefois, le poids des années commence à se faire sentir pour l’entrepreneur. « Après plus de 20 ans comme propriétaire et PDG, je réalise de plus en plus qu’on ne peut rien faire seul, dit-il. Le monde des affaires, c’est très stimulant, c’est une énergie qu’on ne retrouve pas ailleurs. Mais, tranquillement, être le patron devient de plus en plus une charge. La charge devient une responsabilité, et avec le temps, on sent un peu plus la lourdeur. Avec la sagesse de l’âge, je vois mieux les prix que j’ai eu à payer, comme un manque de temps pour mes enfants, ma famille… »
Le modèle de franchises de Pacini a sans doute également joué un rôle dans cette fatigue qu’il décrit. Rallier différents propriétaires à la même vision nécessite des qualités de leader hors pair. « On doit constamment convaincre des personnes qui sont elles-mêmes des gens d’affaires, qui sont visionnaires, qui connaissent leur clientèle… C’est très exigeant. »
Un moment difficile
En juillet 2020, en pleine tourmente de la COVID-19, Pacini, en affaires depuis alors 40 ans, se place sous la protection des tribunaux contre ses créanciers, une décision difficile, mais salutaire aux yeux du propriétaire. « Ça a été des moments de grande souffrance, se souvient-il. On a dû vider le réseau [de ses employés] au complet, c’était très difficile. J’ai rarement autant pleuré de ma vie. Tu bâtis quelque chose pendant 20 ans, puis d’un coup, tous tes rêves pour ce projet-là disparaissent du jour au lendemain. »
Il sait toutefois que les décisions prises pendant cette période unique « étaient les bonnes », pour l’avenir de Pacini. « Demander la protection des tribunaux, par exemple, nous a permis de passer au travers de la crise. Aujourd’hui, Pacini va bien, on est très chanceux. Il y a eu une grande souffrance, mais aussi une grande satisfaction par la suite. »
L’ajustement de l’entreprise s’est aussi transformé en période d’ajustement personnel pour Pierre Marc Tremblay. « Auparavant, je me sentais un peu vieux, dépassé… Des épreuves comme celle-là te forcent à te mettre à la place des autres. Ça m’a permis de retrouver une certaine énergie. »
Tisser des liens
La chaîne de restaurants, qui a des établissements en Ontario et en Alberta, veut miser sur des valeurs d’accueil pour continuer à prospérer. « La meilleure façon de se renouveler, c’est en visant à toujours donner plus, dit-il. Autant aux clients qu’aux employés et aux gestionnaires. Pour moi, le bonheur personnel se trouve dans l’engagement. Malheureusement, on vit dans une société qui a tendance à valoriser des satisfactions plus matérielles. Je pense que le bonheur, c’est en allant vers les autres, pas vers soi. »
Pierre Marc Tremblay vient de terminer son plan stratégique des cinq prochaines années, qui sera présenté aux différents franchisés d’ici la fin de l’année. « On est dans une période où on sent un besoin des gens de se rapprocher, dit-il. L’idée est de rapprocher toujours plus le personnel de service du client, créer des liens. » En ce qui concerne le décor des salles, la hausse des coûts des matériaux force la créativité. « On va faire du neuf avec beaucoup de choses que l’on possède déjà, revaloriser. »
En 2025, la chaîne doit fêter ses 45 ans. Pierre Marc Tremblay fera-t-il toujours partie de la famille au moment des célébrations du cinquantième ? « J’ai 62 ans, dit-il. Je me suis donné un horizon de 70 ans pour la retraite. J’ai des rêves d’une plus grande expansion canadienne. Il ne faut rien forcer par contre, il faut que la magie opère. Pour moi, elle opère encore tous les jours pour le moment. »