Une forte majorité d’entreprises craint les politiques de Trump
François Normand|Mis à jour le 27 novembre 2024Donald Trump menace d’imposer des tarifs douaniers de 10% sur toutes les importations aux États-Unis, incluant celles en provenance du Canada, depuis l’automne 2023. (Photo: Joe Raedle / Getty Images)
Près de six entreprises sur dix se considèrent à risque de pâtir des futures politiques protectionnistes (tarifs douaniers, renforcement du Buy America, etc.) de la nouvelle administration de Donald Trump qui prendra le pouvoir le 20 janvier à Washington, révèle un sondage publié ce mercredi par la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).
«Le président élu est en train d’activer le levier que redoutent le plus les entreprises québécoises, soit les tarifs à l’importation. Cette annonce préoccupe nos membres et crée un sentiment d’incertitude important. Concrètement, cela pourrait amener nos entreprises à investir aux États-Unis, au détriment du Québec et du Canada, pour maintenir leur accès au marché», déplore dans un communiqué la PDG de la FCCQ, Véronique Proulx.
L’organisation a sondé ses membres du 12 au 26 novembre, alors que le président élu Donald Trump a menacé d’imposer des tarifs de 25% sur les importations canadiennes et mexicaines, le lundi 25 novembre en soirée sur son réseau Truth Social.
Trois faits saillants ressortent du sondage de la FCCQ:
- Près de 60% des entreprises se considèrent susceptibles d’être affectées négativement par les politiques de la seconde administration Trump ;
- Environ 45% des répondants estiment que l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM) est assez important ou très important pour leur entreprise, et qu’une révision défavorable au Canada affecterait ou mettrait en péril leurs activités;
- 58% des entreprises ne savent pas ou ne croient pas être suffisamment outillées pour faire face aux turbulences économiques que pourraient générer les politiques de Trump.
Trump menace d’imposer des tarifs depuis un an
En fait, Donald Trump menace d’imposer des tarifs douaniers de 10% sur toutes les importations aux États-Unis, incluant celles en provenance du Canada, depuis l’automne 2023.
Cet été, durant la campagne présidentielle, le candidat républicain a parlé d’une fourchette de 10 à 20%.
Or, lundi soir, le président élu a menacé d’imposer des tarifs de 25% sur les importations canadiennes et mexicaines, à moins qu’Ottawa et Mexico ne sécurisent davantage leur frontière avec les États-Unis.
«Cette taxe restera en vigueur jusqu’à ce que les drogues, en particulier le fentanyl, et tous les immigrants illégaux arrêtent cette invasion de notre pays!», a-t-il ajouté, appelant le Canada et le Mexique à agir. «D’ici là, il est temps qu’ils payent le prix fort.»
Ce ne sont pas les exportateurs canadiens qui paieront cette taxe, mais les importateurs aux États-Unis qui achètent des produits au nord de la frontière — le but d’un tarif douanier est de favoriser les achats locaux dans une économie.
Aussi, les importateurs américains auront sensiblement deux options:
- Cesser d’acheter certains produits au Canada qui seront devenus trop dispendieux pour se rabattre sur des biens similaires fabriqués aux États-Unis ;
- Continuer d’acheter des produits canadiens nichés et assez uniques, et ce, pour soit refiler la taxe de 25% aux consommateurs américains (des particuliers et/ou des entreprises) ou accepter de réduire leur marge bénéficiaire afin de ne pas trop faire augmenter les prix.
La majorité des entreprises n’est pas outillée pour affronter ces turbulences
Fait très inquiétant du sondage de la FCCQ, 58% des entreprises sondées ne savent pas ou ne croient pas être suffisamment outillées pour faire face aux turbulences économiques que pourraient générer les politiques de Trump.
Pour l’essentiel, trois stratégies s’offrent aux exportateurs québécois qui souhaitent continuer de vendre leurs produits aux États-Unis si Washington impose des tarifs de 25%, disent les spécialistes:
- Être préventif: faire des gains d’efficacité pour réduire leurs coûts et leurs prix;
- Être stratégique: produire davantage aux États-Unis s’ils y ont déjà une usine;
- Être visionnaire: implanter une première usine aux États-Unis.
Pour sa part, la FCCQ a sondé ses membres à ce sujet.
Ainsi, 39% des entreprises estiment que les gouvernements doivent alléger leur fardeau fiscal, tandis que 33% proposent d’augmenter les critères de contenu canadien/québécois afin d’avoir accès aux incitatifs fiscaux et aux programmes de financement des gouvernements.
Par ailleurs, le tiers des répondants affirment qu’Ottawa et Québec doivent bonifier leur appui pour aider les entreprises à investir davantage en R&D.
Enfin, 29 % des entreprises estiment que les gouvernements doivent les aider davantage à diversifier leurs marchés d’exportations ailleurs qu’aux États-Unis.
Le Québec et le Canada expédient respectivement 74% et 77% de leurs expéditions de marchandises à l’étranger sur le marché américain, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
Dans le cas du Mexique, c’est 83,3%, d’après une analyse de la firme BBVA Research.
Éviter une guerre commerciale
La possible imposition de tarifs de 25% «pourrait faire très mal à l’économie québécoise» et nord-américaine, souligne la FCCQ.
Malgré tout, l’organisation ne souhaite pas que le Canada contre-attaque avec ses propres tarifs, comme il l’a fait en 2018, quand la première administration Trump (2017-2021) avait imposé des tarifs de 10% et de 25% sur les importations canadiennes d’aluminium et d’acier – ces tarifs visaient avant tout la Chine et la Russie.
«On s’attend à ce que nos deux ordres de gouvernement soient proactifs, notamment le gouvernement fédéral afin qu’il mette en place les mesures nécessaires afin d’éviter une guerre de tarifs qui ultimement nuit à la compétitivité de l’économie nord-américaine», affirme Véronique Proulx.
Dans une récente entrevue avec Les Affaires, la nouvelle patronne de la FCCQ a souligné que les tarifs canadiens imposés en 2018 (25% sur l’acier et 10% sur l’aluminium en provenance des États-Unis) avaient paradoxalement fait plus mal que les tarifs américains sur ces deux groupes de produits.
«Ce qui avait fait le plus mal aux entreprises québécoises, ce sont les contre-mesures que le fédéral avait annoncées.»