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Prendre exemple sur les Pays-Bas

François Normand|Édition d'avril 2023

Prendre exemple sur les Pays-Bas

La digue de l’Afsluitdijk, située dans le nord-ouest des Pays-Bas, fait 32 kilomètres de long et de 90 mètres de large. (Photo: Arterra/Universal Images Group via Getty Images)

SPÉCIAL CLIMAT: ADAPTEZ VOTRE ENTREPRISE. Rouler en voiture ou à vélo sur la digue de l’Afsluitdijk, située dans le nord-ouest des Pays-Bas, est une expérience unique. Si vous fixez l’horizon, vous verrez deux immenses plans d’eau : d’un côté, la mer des Wadden (Waddenzee, en néerlandais), de l’autre, le lac de l’Ijssel. Mais surtout, vous remarquerez que l’Ijssel est sous le niveau de la mer.

La digue de 32 kilomètres de long et de 90 mètres de largeur — construite entre 1927 et 1932, comprenant même des haltes routières — est sans doute l’ouvrage qui illustre le mieux l’ingéniosité des Néerlandais pour dompter les eaux et façonner la topographie de leur territoire depuis des siècles.

« Dieu a créé le monde, mais les Néerlandais ont bâti les Pays-Bas », dit d’ailleurs un célèbre proverbe du pays, dont environ le tiers de la superficie est sous le niveau de la mer.

Alors que la planète se réchauffe et que le niveau des océans monte, on comprend pourquoi les yeux du monde entier se tournent vers les Pays-Bas pour y chercher des sources d’inspiration afin de s’adapter aux changements climatiques.

Le défi existentiel de la gestion de l’eau

Parmi ces sources d’inspiration, on trouve le fameux plan Delta, dans le sud-ouest du pays. En place depuis les années 1980, il s’agit d’un système de 13 barrages pour lutter contre les inondations maritimes dans les deltas du Rhin, de la Meuse et de l’Escaut.

Tous visent à prévenir un autre désastre comme celui de 1953, lorsque, à la suite d’un ouragan, les digues de la Zélande et de la Hollande du Sud avaient cédé, causant la mort de 1836 personnes. Les autorités avaient commencé les travaux du plan Delta peu de temps après, pour les terminer en 1986.

La gestion de l’eau a toujours un défi pour les Néerlandais, mais celui-ci devient existentiel à cause des changements climatiques.

L’inquiétude est montée d’un cran en 2021. L’institut météorologique royal des Pays-Bas (KNMI) a indiqué que le niveau de la mer pourrait augmenter jusqu’à deux mètres d’ici 2100 — au lieu du mètre prévu au début des années 2000.

Le cas échéant, les milliers de kilomètres de digues et de canaux qui permettent actuellement aux habitants de rester les pieds bien au sec pourraient ne plus être suffisants.

Cela dit, les autorités renforcent constamment ces ouvrages. En 2018, elles ont lancé le « Delta Plan on Spatial Adaptation », une stratégie collective des municipalités, des régies régionales des eaux, des provinces et du gouvernement central pour s’assurer que « les Pays-Bas sont résistants à l’eau et au climat d’ici 2050 ».

 

Tous les secteurs de la société sont mobilisés

Deux ans plus tôt, en 2016, le ministère néerlandais de l’Environnement avait élaboré la Stratégie nationale d’adaptation au climat (NAS). Le parlement a adopté la NAS à la fin de 2017, qui détermine six principaux objectifs politiques :

1. Accroître la sensibilisation à la nécessité de l’adaptation au climat

2. Encourager la mise en œuvre de mesures d’adaptation au climat

3. Développer et exploiter la base de connaissances

4. Faire face aux risques climatiques urgents

5. Intégrer l’adaptation au climat dans les politiques et la législation

6. Surveiller le progrès et l’efficacité de la stratégie d’adaptation

 

 Le ministère de l’Infrastructure et de la Gestion des eaux n’a pas répondu à la demande d’entrevue de Les Affaires.

La stratégie explique comment à peu près tous les secteurs la société doivent se mobiliser et accroître rapidement leur résilience quant à l’incidence des changements climatiques, à commencer par les infrastructures de transport.

Le gouvernement exige que ces infrastructures soient plus résistantes aux aléas de la nature, et ce, aussi bien pour le transport maritime intérieur que pour les routes et le réseau de chemin de fer. Par exemple, ProRail, l’agence responsable du transport ferroviaire, a développé des tests de résistance pour améliorer la résilience de son réseau par rapport aux inondations, aux affaissements de terrains et aux vagues de chaleur — qui peuvent tordre les rails.

En 2018, le gouvernement a quant à lui annoncé qu’il mettrait de côté environ 600 millions d’euros (886 M$ CA) pour accélérer les investissements afin de renforcer les infrastructures.

Par exemple, pour faire face à l’engorgement causé par des précipitations extrêmes, les autorités dépaveront des zones urbaines, planteront plus d’arbres et créeront des installations pour récupérer l’eau.

Une partie de cette eau sera aussi stockée afin d’être utilisée pendant les périodes prolongées de sécheresse, qui seront plus fréquentes à l’avenir.

Le gouvernement essaie aussi de renforcer la résilience de son secteur agricole et de sa chaîne internationale d’approvisionnement agroalimentaire, sans parler de son secteur financier.

Pour l’agriculture, les Pays-Bas aident par exemple des agriculteurs à l’étranger, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, à développer une gestion plus efficace de l’eau et des cultures plus résistantes à la chaleur.

Du côté de la finance, la Banque des Pays-Bas — l’équivalent de la Banque du Canada — aide les institutions financières du pays à mieux cerner et, surtout, à gérer leurs risques financiers, en particulier en ce qui a trait à la perte de biodiversité.