Les entreprises se préoccupent de plus en plus de la transition climatique et cherchent à intégrer cette dimension dans leur gestion des RH. (Photo: 123RF)
SPÉCIAL CLIMAT: ADAPTEZ VOTRE ENTREPRISE. Les départements des ressources humaines (RH) joueront un rôle capital dans la transition climatique des organisations. Ils devront faciliter l’engagement des employés envers la lutte contre les changements climatiques et favoriser la résilience des entreprises.
Les entreprises se préoccupent de plus en plus de la transition climatique et cherchent à intégrer cette dimension dans leur gestion des RH. Au départ, cela passait par la nomination de personnes responsables des questions environnementales, par la création d’équipes ou de postes consacrés aux enjeux climatiques, ainsi que par des programmes de bonification ou d’intéressement liés à des objectifs de transition climatique pour les cadres supérieurs.
La tendance à incorporer l’ensemble des ressources humaines dans cet effort de l’entreprise demeure plus embryonnaire. En 2021, un sondage effectué pour le compte de Willis Towers Watson (WTW) indiquait que plus de la moitié des entreprises nord-américaines (53%) ont déjà mis en place, ont amorcé la mise en place ou envisagent de mettre en place des activités de mobilisation ou d’écoute des employés pour connaître leurs points de vue concernant les enjeux climatiques. Une autre tranche de 21 % des répondants y songe.
«Les entreprises réalisent que le risque climatique ressemble aux risques de cybersécurité : il ne concerne pas juste un département spécialisé, mais l’ensemble de l’organisation », souligne Simon Castonguay, qui dirige l’équipe du secteur Risque d’entreprise et courtage de WTW, à Montréal et à Toronto. Ainsi, on progresse vers une vision plus holistique dans laquelle tout le monde est mis à contribution, y compris les responsables des ressources humaines.
«C’est un véritable changement de culture que doivent effectuer les organisations, poursuit Simon Castonguay. Or, ces changements sont les plus complexes à réussir. On doit susciter l’adhésion des employés envers ces nouvelles approches.» Pour y arriver, les dirigeants doivent donner le ton d’une manière très visible et audible, avec des engagements précis et mesurés. Mais ils doivent se garder de faire cavalier seul.
«C’est essentiel de prendre le pouls du personnel, conseille-t-il. On doit rester à l’écoute pour déceler rapidement les résistances. Cela permet aussi de recueillir des idées et des solutions auprès des travailleurs eux-mêmes.»
Un sujet humain
En France, le Lab RH prépare un rapport sur l’engagement des responsables RH à l’égard de la transition climatique. «Il y a une vingtaine d’années, ils ont raté le virage numérique, qui a été laissé entre les mains des directions TI, alors que c’était un sujet humain avec de gros impacts sur les travailleurs, déplore le directeur général Alexandre Stourbe. Nous devons éviter de refaire cette erreur avec la transition climatique.»
Le directeur général s’inquiète de voir que la pression exercée par les marchés financiers auprès des entreprises pour qu’elles atteignent certains objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) tend à reléguer la transition climatique aux directions financières des firmes. «Ce n’est pas qu’un sujet financier, c’est un sujet humain», affirme Alexandre Stourbe.
Il estime que la dimension environnementale d’une entreprise peut devenir un levier majeur pour renforcer ses capacités de recrutement, fidéliser ses talents et décupler l’engagement des employés. Une récente étude de l’Institut CSA indiquait d’ailleurs qu’à offre équivalente, 78% des salariés français préféreraient se joindre à une entreprise engagée dans la transition écologique.
Une autre étude, le Net Positive Employee Barometer, révélait en février dernier qu’un salarié sur trois en Grande-Bretagne et aux États-Unis aurait déjà démissionné parce que les valeurs de son entreprise ne s’alignaient pas sur les siennes, ce que les auteurs appellent le conscious quitting (démission consciente). Un salarié sur trois se disait même prêt à accepter une baisse de salaire pour travailler pour un employeur qui correspondrait plus à ses valeurs, notamment sur le plan environnemental.
Alexandre Stourbe estime que cela pose quatre types de défis aux responsables des RH. Ils devront d’abord anticiper les conséquences des changements climatiques sur les conditions de travail et sur la santé physique et mentale des employés. Ils seront aussi appelés à contribuer à la décarbonation de l’organisation, par exemple en déterminant les domaines des RH qui sont coûteux en carbone, comme les transports, et en imaginant des manières de réduire ces effets.
Les responsables des RH joueront en outre un rôle essentiel pour faire émerger une culture environnementale dans l’entreprise et y faciliter l’engagement des salariés envers les défis environnementaux. Enfin, ils devront se préparer aux nouveaux besoins de compétences.
«La transition écologique génère l’apparition de nouveaux métiers, soutient Alexandre Stourbe. Les responsables des RH devront identifier en interne et en externe les talents qui peuvent remplir ces nouveaux rôles. Ils devront d’ailleurs se former eux-mêmes pour réussir cette mission.»