«Ça va transformer l’écosystème d’innovation au pays», dit le ministre fédéral François-Philippe Champagne en entrevue à Les Affaires. (Photo: Getty Images)
Ottawa veut créer une agence pour appuyer une R-D plus «audacieuse» au Canada afin de relever les grands défis comme le risque pandémique et les changements climatiques. Et pour y arriver, le gouvernement Trudeau s’inspirera de la Defense Advanded Research Projects Agency (DARPA), une agence américaine qui est notamment à l’origine d’Internet.
«Ce sera une agence modelée un peu sur le DARPA, aux États-Unis. Pour moi, c’est ça l’avenir, c’est l’innovation à la vitesse grand V», dit en entrevue le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie François-Philippe Champagne, en précisant que le fédéral ne souhaite pas en revanche faire des recherches militaires.
Selon lui, cette agence pourrait s’appeler la Canadian Advanded Research Projects Agency (CARPA). Elle fera des recherches sur les innovations transformatrices de demain, et ce, sur un horizon de 15 à 30 ans.
Le ministre n’a pas donné de date précise pour le lancement de cette nouvelle agence, mais le gouvernement planche actuellement sur ce projet.
La création de cette agence est d’ailleurs l’un des nombreux mandats que le premier ministre Justin Trudeau a confiés à François-Philippe Champagne lors de son assermentation, en décembre.
La DARPA créée lors de la guerre froide
C’est l’administration républicaine de Dwight D. Eisenhower (1953-1961) qui a créé la DARPA en 1957, en pleine guerre froide avec l’ex-Union soviétique, et qui relève du ministère américain de la Défense.
Cette agence vise à s’assurer que les États-Unis soient toujours en avant de la parade en matière de sécurité nationale, comme on peut le lire sur son site web.
Depuis sa fondation, «la DARPA s’est attachée à une mission singulière et durable: réaliser des investissements cruciaux dans des technologies de pointe pour la sécurité nationale. La genèse de cette mission et de la DARPA elle-même remonte au lancement de Spoutnik en 1957, et à l’engagement des États-Unis d’être désormais l’initiateur et non la victime des surprises technologiques stratégiques.»
La DARPA comprend environ 220 employés du gouvernement dans six bureaux techniques, dont près de 100 gestionnaires de programme, qui supervisent ensemble environ 250 programmes de recherche et développement.
Pour son exercice 2021, le budget de l’agence s’établissait à 3,5 milliards de dollars américains (4,4 G$CA), selon le Congressional Research Service.
Au fil des décennies, la DARPA a réalisé des innovations qui ont mené à la transformation de la vie des entreprises et des individus dans le monde.
Les travaux de la DARPA, il y a une cinquantaine d’années, sont à l’origine d’Internet. (Photo: Thomas Jensen d’Unsplash)
Les travaux de la DARPA ont par exemple joué un rôle central dans le lancement de la révolution de l’information.
L’agence a développé et approfondi une grande partie de la base conceptuelle de l’ARPANET — un réseau de communication prototype lancé il y a près d’un demi-siècle — et a inventé les protocoles numériques qui ont donné naissance à internet.
Le GPS que nous utilisons régulièrement dans nos téléphones cellulaires est aussi le fruit des travaux de l’agence américaine.
Les premiers récepteurs GPS étaient des appareils encombrants et lourds. En 1983, la DARPA a entrepris de les miniaturiser, ce qui a conduit à une adoption beaucoup plus large de la capacité GPS.
Les gouvernements sont des moteurs d’innovation
Aux yeux de François-Philippe Champagne, la recherche et le développement (R-D) publique est souvent à l’origine des grandes innovations qui ont transformé nos modes de vie, en donnant l’exemple de la conquête de la Lune par la NASA, avec son programme Apollo.
Ce n’était pas une idée du secteur privé, mais ce dernier profite encore aujourd’hui des retombées technologiques du programme Apollo, souligne le ministre.
«On va avoir une agence qui va nous permettre d’avoir cette ambition», insiste-t-il.
Selon lui, la future CARPA contribuera à améliorer la base industrielle du Canada, qui est déjà dynamique et diversifiée, et ce, de l’aérospatiale à l’intelligence artificielle en passant par la biofabrication.
«Ça va transformer l’écosystème d’innovation au pays. On est en train de développer les bases de ce modèle-là», dit le ministre, mais sans pouvoir donner encore des détails sur le fonctionnement concret de cette future organisation (incluant son financement).
François-Philippe Champagne met la barre très haute, car il affirme que cette agence représentera une rupture avec la façon dont le Canada a fait de la R-D publique jusqu’à ce jour.
«Ça ne ressemblera pas à ce qui existe aujourd’hui. On parle vraiment de quelque chose qui sera fait pour s’attaquer aux grands défis et créer des opportunités face à ces grands défis», dit-il en donnant les exemples de la COVID-19 et des risques sanitaires à l’avenir, sans parler des changements climatiques.