Les entreprises dont la stratégie d’expansion repose sur des outils numériques seraient trois fois plus susceptibles de connaître une croissance importante, selon la BDC. (Photo: 123RF)
SPÉCIAL PME. Comment expliquer qu’en 2017, 46,4 % des PME canadiennes ne possédaient toujours pas de site web ? Que près de 9 PME sur 10 qui en ont un n’offrent toujours pas de possibilité de faire des achats en ligne ?
«Ces données, qui proviennent de Statistique Canada, sont dramatiques, surtout lorsqu’on sait que le nombre de consommateurs qui utilisent le Web est en forte progression», soutient Pierre Cléroux, vice-président à la recherche et économiste en chef à la Banque de développement du Canada (BDC).
En juillet, la BDC a publié les résultats d’une étude réalisée auprès de 1 485 chefs d’entreprises. Intitulée «À la conquête du Web», cette analyse révèle que plus de 60 % des consommateurs – y compris les clients commerciaux (63 %) – recherchent et achètent déjà leurs produits en ligne. «Ils étaient moins de 45 % en 2013», fait remarquer M. Cléroux. Il ajoute que les ventes au détail mondiales par commerce électronique devraient doubler entre 2018 et 2021, pour atteindre près de 4,9 milliards de dollars américains.
Mauvaise perception
M. Cléroux croit que l’absence des PME en ligne repose, entre autres, sur une mauvaise perception de l’outil qu’est Internet. «Parce que leur clientèle est locale, plusieurs PME – notamment des cantines, des salons de coiffure et des ateliers de réparation, pour ne nommer que ceux-là – croient pouvoir se passer de cet outil reconnu pour ouvrir des portes sur le monde, explique-t-il. Bien que leurs ambitions ne soient pas nécessairement de nature nationale et internationale, ces entreprises locales ratent des occasions d’affaires. Un site web pourrait leur permettre de diffuser leurs heures d’ouverture, leur adresse, leur menu, leurs prix, et surtout les commentaires de leurs clients.»
Plusieurs PME soutiennent également ne pas avoir besoin du Web parce que 100 % de leur modèle d’affaires repose sur le B2B, constate l’économiste en chef de la BDC. Encore une fois, il s’agit d’une grosse erreur. «Nous avons constaté que les entreprises dont la stratégie d’expansion repose sur des outils numériques, dont le Web, sont trois fois plus susceptibles de connaître une croissance importante de leurs ventes et de leurs profits», signale M. Cléroux.
En fait, parmi les entreprises ayant utilisé Internet au cours de la dernière année, au moins une sur trois a vu ses résultats nets croître de 10 % ou plus annuellement, souligne-t-il.
Le Web donne des ailes
APN Global est l’une de ces PME qui évolue dans un cadre entièrement B2B. Spécialisée dans la fabrication de pièces de haute précision pour les secteurs de la défense et de l’aéronautique, l’entreprise de 125 employés basée à Québec est présente sur le Web depuis au moins 15 ans. «Notre site est devenu l’image de marque de l’entreprise. Cet outil a servi à rassurer de nouveaux clients qui peuvent y prendre connaissance des valeurs et de la vision de l’entreprise. En fait, sans l’apport du Web, APN n’aurait pu enregistrer une croissance annuelle de 25 % à 35 % de ses revenus au cours des dix dernières années», maintient Jean Proteau, coprésident de l’entreprise. Celle-ci réalise actuellement un chiffre d’affaires annuel de plus de 40 millions de dollars.
BBQ Québec, qui figure au 155e rang du classement Growth 500 : Les leaders de la croissance publié par Canadian Business, Maclean’s et L’actualité, est elle aussi une PME qui rayonne grâce au Web. «Notre site, tout comme notre page et notre groupe Facebook ont littéralement donné des ailes à notre entreprise née il y a cinq ans», souligne Ariane Lefebvre, directrice générale et coprésidente de l’entreprise, dont les produits font «la promotion du mode de vie barbecue».
Bien que les transactions en ligne représentent moins de 25 % de ses revenus, sa présence sur Internet constitue une vitrine inestimable pour BBQ Québec, qui réalisera cette année un chiffre d’affaires situé entre 10 M $ et 15 M $, selon Mme Lefebvre. «Nous avons actuellement des clients partout au Québec, même dans le Grand Nord. D’ici un an, grâce à la puissance du Web, nous allons procéder à une expansion de notre marché vers le Canada anglais et les États-Unis», indique-t-elle.
En fait, l’idée n’est pas d’avoir le «château de Versailles» comme site web, rappelle Philippe Desjardins, conseiller d’affaires, solutions Innovation et technologies à la BDC. «L’essentiel, avise-t-il, est d’avoir un site muni de fonctionnalités qui vont servir la marque et surtout la clientèle de l’entreprise.»