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Vers un tourisme réellement durable

Claudine Hébert|Édition d'avril 2021

Vers un tourisme réellement durable

La MRC de Drummond a investit près de 5,5 M$ pour créer le Parc régional de la forêt Drummond, qui a ouvert ses portes en pleine pandémie. )Photo: Christian Noel pour Reflets d’images)

TOURISME D’AFFAIRES ET D’AGRÉMENT. Le tourisme d’affaires a été durement affecté par la COVID-19 en 2020, et l’année 2021 ne s’annonce pas tellement plus réjouissante. Pourtant, cette crise planétaire présente une occasion en or pour les acteurs de l’industrie : celle de prendre un réel virage vers le tourisme durable.

C’est ce que soutient Michel Archambault, professeur émérite à l’Ecole de gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM) et fondateur de la Chaire de tourisme Transat. «Après avoir élaboré de belles théories, c’est le moment ou jamais de les mettre en pratique, insiste-t-il. Et c’est aux administrations gouvernementales de donner le ton.»

Depuis un an, explique le professeur, les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ont été appelés en renfort afin de présenter des plans de sauvetage pour les divers acteurs de l’industrie touristique. «A mon avis, il est temps que les gouvernements aident les entreprises, tout en exigeant en retour des conditions pour la mise en place de mesures concrètes afin de modifier le comportement des voyageurs.»

Michel Archambault cite notamment l’État français qui a accordé, en avril 2020, une aide financière de 7 milliards d’euros (10,4 milliards de dollars canadiens) à Air France-KLM, dont les activités ont été paralysées par la pandémie. «L’État a prêté cet argent à la condition que l’entreprise aérienne réduise de 50% son volume d’émission de CO2, sur ses vols métropolitains d’ici à la fin 2024.»

Un engagement qui se traduit entre autres par la réduction des vols intérieurs pour lesquels il existe une solution ferroviaire en moins de 2h30. «Je n’ose imaginer ce que notre gouvernement fédéral pourrait exiger de la part des transporteurs aériens si nous avions, nous aussi, un réseau de train à grande vitesse (TGV) efficace entre Toronto-Montréal-Québec, et non un train à grande fréquence comme proposé par VIA Rail.»

Mentionnons qu’en 2018, une étude publiée par la revue scientifique britannique Nature Climate Change a montré que le tourisme générait annuellement près de 10 % des gaz à effet de serre à l’échelle mondiale.

 

Prise de conscience

Pour le moment, au Québec, plusieurs destinations d’affaires, tels Trois-Rivières, Gatineau, Rimouski et Québec, ont commencé à revoir leurs stratégies internes en vue de favoriser une économie touristique locale et écoresponsable.

Saint-Hyacinthe, dont la clientèle d’affaires compte pour plus de 70 % des visiteurs, est du nombre. Bien que cette volonté d’encourager le tourisme local s’inscrive dans le tout nouveau plan de développement durable adopté par la Ville en février 2021, l’équipe de Saint-Hyacinthe Technopole multiplie déjà les actions en ce sens depuis plus d’un an. «Depuis mars 2020, notre équipe est devenue un centre d’appels pour guider les entreprises de la région à obtenir des subventions et des programmes d’aide pour passer au travers de la crise sanitaire», raconte Nancy Lambert, directrice tourisme et congrès de l’organisme paramunicipal.

Cette collaboration a incité les différents gestionnaires touristiques, les restaurateurs et les producteurs de la région à développer différents partenariats pour rayonner davantage auprès de la population locale. La formule «Des restos en cadeaux», qui invitait les entreprises, organismes et institutions à acheter et à offrir à leurs employés des chèques-cadeaux universels applicables dans plus d’une quarantaine de restaurants locaux est l’une des initiatives mises en place. Cette formule, qui a généré près de 80000$en décembre dernier, deviendra récurrente, signale Nancy Lambert.

La campagne «Road trip aux saveurs locales», appuyée par Destination Sherbrooke, Tourisme Memphrémagog et Tourisme Vallée de la Coaticook, est un autre exemple de solidarité communautaire née de la pandémie. Cette promotion, qui a eu lieu l’été dernier, invitait les visiteurs à partir à la recherche d’ingrédients et de produits locaux dans trois MRC différentes pour créer une recette réconfortante. Cette initiative a d’ailleurs remporté le deuxième prix pour la destination culinaire la plus innovante lors des prix annuels de la World Travel Food Association, présentés en février, signale Josianne Côté, déléguée congrès à Destination Sherbrooke.

 

Des infrastructures, svp!

Les réflexions en matière de tourisme durable s’invitent également à la table de certaines autorités municipales. «Ces réflexions ont pour effet d’accélérer le processus de révision des priorités», signale Yanick Gamelin, directeur du tourisme et des grands événements à la Société de développement économique de Drummondville.

«Depuis déjà trois ans, l’administration municipale réalise qu’il ne suffit pas d’avoir une croissance économique fulgurante; il faut aussi avoir des infrastructures de plein air pour être une ville attrayante sur le plan local», indique le gestionnaire.

L’absence de sentiers et de grands parcs a d’ailleurs souvent représenté un obstacle pour les entreprises drummondvilloises lors du recrutement de candidats hautement qualifiés ayant préféré d’autres villes mieux équipées en matière d’infrastructures d’activités de loisirs, avoue Yanick Gamelin.

Un déficit que la MRC de Drummond a justement décidé de combler en investissant près de 5,5 millions de dollars (M$) dans l’achat d’un terrain de 20 km2 appartenant à Hydro-Québec. Cela a permis la création du Parc régional de la forêt Drummond, qui a ouvert ses portes en pleine pandémie. Ce dernier propose actuellement des sentiers de randonnée pédestre et de vélo de part et d’autre de la rivière Saint-François. Et ce n’est qu’un début. «La MRC compte y investir un autre 2M$au cours des cinq prochaines années», assure Yanick Gamelin.

Nancy Lambert est convaincue que toutes ces actions locales et durables contribuent à la promotion d’une destination, qu’elle soit d’affaires ou d’agrément. Elles permettent aux gens de découvrir ou de redécouvrir les trésors de leurs villes… et d’en parler. «Par conséquent, lorsque le tourisme va reprendre ses activités à plus grande échelle, conclut-elle, nos citoyens vont constituer nos meilleurs ambassadeurs auprès de nos marchés cibles.»