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Les protéines végétales poursuivent leur essor

Jean-François Venne|Édition de la mi‑novembre 2022

Les protéines végétales poursuivent leur essor

Au Canada, les ventes annuelles des substituts de viande à base de produits végétaux se sont envolées au début de 2020, affichant une croissance de 31,6 %, selon Financement agricole Canada. (Photo: 123RF)

TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. Malgré un certain ralentissement depuis l’an dernier, le marché des protéines végétales continue de prendre de l’ampleur. Les transformateurs doivent toutefois composer avec des difficultés d’approvisionnement et de commercialisation et des réglementations défavorables. 

Au Canada, les ventes annuelles des substituts de viande à base de produits végétaux se sont envolées au début de 2020, affichant une croissance de 31,6 %, selon Financement agricole Canada. Cette croissance est retombée à un rythme plus normal de 7,7 % en 2021. MarketsandMarkets estime que le marché mondial de la protéine végétale passera de 12,2 milliards de dollars (G$) à 17,4 G$ en 2027.

« La protéine végétale poursuit son expansion et même les producteurs de protéines animales effectuent beaucoup de R-D pour inclure une partie de protéines végétales dans leurs produits transformés », avance Annick Van Campenhout, vice-présidente au progrès en alimentation et au développement durable au Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).

Cet engouement provient des préoccupations des consommateurs liées aux conséquences de l’élevage d’animaux sur l’environnement, au bien-être animal ou à la santé. En 2019, un sondage de la firme Léger révélait que près de 35 % des Canadiens mangeaient moins de viande parce qu’ils sont végétariens ou végétaliens (9 %) ou flexitariens (26 %). Les flexitariens ont un régime alimentaire majoritairement végétarien, sans se priver totalement de viande.

 

Du sable dans l’engrenage

« L’essor de ce marché pose certains défis dans la production et la commercialisation au Québec », reconnaît Annick Van Campenhout. C’est le cas de l’approvisionnement local. En 2021, le Québec a produit plus de un million de tonnes de soja (quatre fois moins que l’Ontario, mais environ la même quantité que les Prairies), selon Soya Canada. Cependant, cette culture rapporte plus en la vendant aux producteurs de nourriture animale qu’à ceux qui fabriquent des produits pour les humains.

La production d’autres végétaux, comme les pois et les lentilles, augmente, mais reste insuffisante pour répondre aux besoins. Le comité sur les protéines végétales du CTAQ mène un projet pour mieux connaître les attentes des transformateurs afin de déployer des stratégies pour améliorer l’approvisionnement. 

« La commercialisation n’est pas toujours simple non plus », ajoute la vice-présidente. Un débat de nomenclature fait rage en raison de certaines lois canadiennes et du désir des producteurs de protéines animales de protéger leurs intérêts. Dans les commerces, les boissons d’amandes, de soja ou d’avoine, par exemple, ne peuvent pas utiliser le mot « lait ». Le terme « fromage » exclut également les produits végétaliens, d’où l’emploi du néologisme « fauxmage ». 

Ces articles tendent aussi à être éparpillés dans les épiceries. « Les poissons se trouvent à la poissonnerie, comme la viande à la boucherie et les fromages à la fromagerie, mais les produits végétaliens sont rarement concentrés dans une section, ce qui diminue leur rayonnement », précise Annick Van Campenhout.

 

Un secteur innovant 

En octobre 2022, Groupe Bel Canada lançait l’équivalent végétal de son célèbre fromage Babybel, quelque temps après avoir mis sur le marché un Boursin sans produits laitiers. « Nous souhaitons que la moitié de notre portefeuille de produits soit constitué en parts égales de protéines laitières et de produits à base de fruits et de plantes d’ici 2030 », souligne la directrice générale Cristine Laforest. 

La stratégie de l’entreprise passe par l’innovation et les acquisitions. Ces dernières années, Groupe Bel a mis la main sur le Groupe MOM et ses compotes aux fruits GoGo squeeZ, puis sur le spécialiste de la protéine végétale français All in Foods. « Ça nous a donné accès à des technologies qui ont accéléré notre entrée dans ce marché, par exemple en lançant la marque Nurishh, dont les produits sont à partir de coco », précise Cristine Laforest.

Ce virage présente toutefois plusieurs défis au Canada. La réglementation interdit par exemple d’ajouter plusieurs additifs qui augmenteraient l’apport nutritionnel d’un produit à base de plantes, comme la vitamine B12 ou le calcium. Certains procédés que l’entreprise développe dans d’autres pays restent donc proscrits pour l’instant au Canada.

Groupe Bel collabore, par exemple, avec Perfect Day, une jeune pousse américaine spécialisée en fermentation de précision. Ce procédé permet de répliquer en laboratoire une protéine bovine, sans utiliser une vache. « Cela sert à créer des produits à base de plante qui auront à la fois le goût, la texture et les qualités nutritives de produits laitiers », précise Cristine Laforest. Une tartinade de fromage à la crème basée sur cette approche sera bientôt en vente aux États-Unis dans la marque Nurrish.

La directrice générale rappelle cependant que l’entreprise continue sa croissance du côté des produits laitiers. « Les produits végétaliens sont complémentaires à notre gamme laitière, ils ne la remplacent pas », assure-t-elle.