L’industrie de la transformation alimentaire prend du mieux
Jean-François Venne|Édition de la mi‑novembre 2022Selon le CTAQ, on compte entre 10 000 et 12 000 postes vacants sur les quelque 75 000 que comprend l’industrie au Québec. (Photo: 123RF)
TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. L’industrie de la transformation alimentaire a pris du mieux en 2021 en raison d’une relance de la demande par rapport à une année 2020 marquée par la pandémie de COVID-19. Elle affronte cependant une poussée inflationniste et une pénurie de main-d’œuvre qui freine sa croissance.
Les 25 plus grandes entreprises de transformation alimentaire actives du Québec emploient près de 20 000 travailleurs en 2022, comme l’année précédente. Seulement deux d’entre elles (Agropur et Saputo) en comptent plus de 2000 et on en dénombre plus de 1000 dans cinq autres (Exceldor, Lassonde, Lactalis, Nortera et Keurig Dr Pepper). La taille de certaines équipes ont effectué des bonds appréciables sur un an, dont celles de Les Aliments Rustica (+33 %), de Groupe Mito (+17 %) et de Biscuits Leclerc (+10 %).
Bonduelle Amériques change de mains
L’une des grandes nouvelles de 2022 dans le secteur a certainement été l’acquisition, en juin, dernier des deux tiers du capital de Bonduelle Americas Long Life par le Fonds de solidarité FTQ et la Caisse de dépôt et placement du Québec. L’ex-filiale américaine de Groupe Bonduelle a changé de nom au passage, pour devenir Nortera.
« Nos nouveaux actionnaires possèdent les moyens de leurs ambitions, ont une vision à long terme de l’entreprise et accordent beaucoup d’importance aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance », se réjouit Daniel Vielfaure, directeur général de Nortera. L’arrivée de ces partenaires aidera Nortera à réussir ses projets de croissance et de possibles acquisitions.
L’entreprise devra aussi composer avec une très forte demande pour ses produits. La hausse du prix des légumes frais amène bien des consommateurs à se tourner vers les légumes en conserve et surgelés, plus accessibles. Or, 2021 a été une année agricole difficile. « Nous avons manqué de volume pour répondre au marché », admet Daniel Vielfaure.
Répondre à la demande
Cela reflète bien la tendance du marché. En 2021, l’industrie bioalimentaire a dû répondre à une demande qui se chiffrait à 53,2 milliards de dollars (G$), en hausse de 7,9 % sur un an. Les ventes aux commerces de détail alimentaire ont progressé de 2,9 %, et celles aux services alimentaires (hôtellerie, restauration et institutionnel), de 22,2 %. « Nous n’avons pas encore tout à fait retrouvé le niveau de 2019 dans ce deuxième secteur, mais la reprise y a été très forte », confirme Dimitri Fraeys, vice-président à l’innovation et aux affaires économiques au Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).
L’envolée de l’inflation affecte l’industrie de la transformation alimentaire. « Le prix de l’ensemble des intrants augmente, de manière particulièrement prononcée dans le transport et l’importation d’emballage », souligne Annick Van Campenhout, vice-présidente aux progrès en alimentation et au développement durable au CTAQ. Depuis un an et demi, plusieurs événements, comme des grèves au CN ou au Port de Montréal ou encore les inondations en Colombie-Britannique, ont par ailleurs perturbé la chaîne logistique de l’industrie.
Le plus grand défi reste toutefois la pénurie de main-d’œuvre. Selon le CTAQ, on compte entre 10 000 et 12 000 postes vacants sur les quelque 75 000 que comprend l’industrie au Québec. « Les entreprises doivent donc privilégier les gammes de produits qui demandent le moins de travailleurs et elles en paient parfois le prix, déplore Dimitri Fraeys. Dans le secteur des viandes, par exemple, certaines renoncent à fabriquer des produits à valeur ajoutée, qui exigent des employés très spécialisés. »
Innover pour garder ses travailleurs
Le vice-président au marketing et au développement de marchés de duBreton, Mario Goulet, confie que son entreprise compte une bonne centaine de postes vacants. « Dans ce contexte, la rétention devient tout aussi importante que le recrutement », reconnaît-il. DuBreton mène un projet pilote de garderie en milieu de travail dans son usine de Saint-Bernard, en Chaudière-Appalaches, finance des activités liées au mieux-être de ses employés et offre un accès rapide à des services de télémédecine, en plus de rehausser les salaires.
L’entreprise mise également sur des travailleurs étrangers temporaires et essaie de s’automatiser le plus possible. « Malgré tout, le manque de main-d’œuvre limite notre aptitude à faire de la surtransformation des produits, souligne Mario Goulet. Or, plus on transforme un produit, plus on lui donne de la valeur. Cela réduit aussi nos capacités de lancer de nouveaux produits ou d’ouvrir de nouveaux marchés. »
Il se console en constatant que l’entreprise reste en croissance sur ses marchés, notamment en raison de son positionnement dans la viande fraîche bio. « Les gens mangent moins de viande, mais lorsqu’ils en achètent ils recherchent plus de qualité, donc nous répondons à leurs valeurs », estime Mario Goulet.