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Les défis du pari de l’autonomie

Simon Lord|Édition de la mi‑novembre 2021

Les défis du pari de l’autonomie

Les futures serres de l'entreprise Vegpro devraient permettre la production de plus de 45 000 kg de laitue par semaine. (Photo: Erwan Hesry pour Unsplash)

TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. L’autonomie alimentaire est recherchée autant par les gouvernements, qui lancent des programmes pour la soutenir, que par les consommateurs, qui changent leurs habitudes de consommation. Pour les transformateurs, cette nouvelle réalité s’accompagne de son lot d’occasions, mais aussi de défis.

 

Plusieurs entreprises du secteur qui sont actives sur le sol québécois sont à la recherche de fournisseurs locaux, constate Dimitri Fraeys, viceprésident à l’innovation et aux affaires économiques du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).

Il mentionne Grupo Bimbo, le géant mexicain de la boulangerie, qui veut remplacer certains ingrédients importés par leur version québécoise. «D’autres entreprises ont déjà fait un grand pas dans cette même direction, ajoute Dimitri Fraeys. Première Moisson et St-Méthode, par exemple, n’utilisent déjà que du blé québécois pour produire leurs pains.»

Pour encourager les transformateurs dans leurs efforts, le gouvernement du Québec commence à offrir du soutien sous différentes formes. Le 9 octobre dernier, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), André Lamontagne, a ainsi annoncé le lancement d’une grande campagne promotionnelle baptisée le Défi 12 $.

Cette campagne invite les consommateurs à remplacer 12 $par semaine de leurs achats d’aliments provenant de l’étranger par des aliments du Québec. Un choix qui, s’il était fait par tous les ménages de la province, ferait augmenter de 1 milliard de dollars la demande auprès des agriculteurs, des pêcheurs et des transformateurs alimentaires d’ici, calcule le MAPAQ.

«À terme, c’est le genre d’incitatifs qui va nous aider à nous rapprocher de l’autonomie alimentaire, croit Dimitri Fraeys. On ne fera pas pousser des ananas demain matin, mais je pense qu’on est capable de remplacer une certaine quantité d’aliments importés par des aliments locaux.»

 

La promesse des serres

Pour améliorer son autonomie alimentaire, le Québec peut tirer avantage des serres. «Il y a de plus en plus de projets de serres, note Dimitri Fraeys. C’est un développement intéressant. Ça va permettre de remplacer des produits importés par des produits d’ici.»

L’an dernier, Serres Toundra a par exemple entamé la troisième phase du développement de ses serres de Saint-Félicien, au Saguenay– Lac-Saint-Jean. Le projet, qui vise à construire 8,5 hectares de serres, a nécessité des investissements de 50 millions de dollars (M $), dont 30 M $ sous forme d’un prêt octroyé par Investissement Québec. L’entreprise devrait ainsi compter 25,5 hectares en production à compter de la fin janvier.

Plus récemment, Vegpro a également lancé un projet serricole d’envergure. Basée à Sherrington, en Montérégie, l’entreprise de production de légumes frais a annoncé à la fin de l’été investir 55 M $ pour la construction de son premier complexe de serres et de lignes d’emballage à même son nouveau complexe de serres. D’une superficie de quatre hectares, ces serres, dont l’ouverture est prévue durant l’hiver 2022-2023, devraient permettre de produire plus de 45 000 kg de laitues par semaine, estime Luc Prévost, vice-président exécutif des ventes et du marketing à Vegpro. En 2024, une autre serre de même dimension viendra doubler la superficie de production, portant l’investissement total à plus de 100 M $, ajoute-t-il.

 

Nouveaux défis

Si le projet de Vegpro est dans l’air du temps, son idéation remonte à quelques années. «Il y a énormément d’options d’agriculture intérieure, comme l’agriculture verticale ou les serres hydroponiques, énumère Luc Prévost. On a exploré toutes les possibilités, et ça nous a pris beaucoup de temps pour trouver la meilleure solution.»

Maintenant, l’entreprise doit apprendre à exploiter ses nouvelles installations. «L’agriculture en serre, c’est assez différent de l’agriculture dans les champs, que l’on connaît bien, rappelle le vice-président. Donc il y aura certains apprentissages à faire en ce qui a trait à l’ensemencement, à la pousse et à la récolte.»

En fin de compte, Vegpro souhaite que, quand ils entendront parler de ses nouvelles serres, les consommateurs soient plus conscients que l’entreprise est un agriculteur local. «Nos recherches indiquent que plusieurs consommateurs ignorent que l’on est un fournisseur local et que notre produit pousse en Montérégie, observe Luc Prévost. La serre a fait parler d’elle, alors je crois — et j’espère — qu’elle fera rayonner la marque et rappellera au marché que l’on produit au Québec.» 50 % C’est la proportion des achats des consommateurs et des établissements alimentaires du Québec ayant été effectués auprès de fournisseurs québécois, selon le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.