Des boulangeries s’unissent pour mieux faire lever la pâte
Jean-François Venne|Édition de la mi‑novembre 2024Charles Bergeron-Vachon, vice-président à l’achat et à l’approvisionnement de La Petite Bretonne, à Blainville, voit plusieurs avantages à cette collaboration. (Photo: courtoisie)
TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. Au Québec, des boulangeries s’unissent au sein d’un regroupement d’achats pour réduire la pression du coût des intrants, comme la farine et le sucre. Cette pratique a notamment fait ses preuves dans la récente flambée inflationniste.
La montée des prix des matières premières a affecté le secteur de la boulangerie et de la pâtisserie au cours des dernières années. Le prix moyen de la farine de blé, par exemple, a presque doublé sur les marchés entre 2020 et 2022. « Il y a des semaines où on apprenait presque quotidiennement que le coût d’une matière venait encore d’augmenter, se souvient Marie-Ève St-Amour, PDG de Boulangerie St-Donat. En raison de nos ententes avec les détaillants, nous ne pouvons pas changer nos prix rapidement, donc nous devons absorber les hausses de prix pendant un certain temps. »
Dans un tel contexte, miser sur une meilleure prévisibilité et sur des rabais liés au volume dans l’approvisionnement de produits comme la farine, le sucre et les œufs devient fort intéressant. C’est ce que Groupe Prestige offre à ses membres.
La renaissance
Groupe Prestige a été fondé en 1964, mais s’est métamorphosé au fil des décennies. Au début, il était une association de boulangeries régionales, à une époque où la quantité de boulangeries indépendantes était très élevée. Puis, le nombre de membres a fortement diminué en raison d’un vent de consolidation et de fermetures dans cette industrie.
Au début des années 2000, Groupe Prestige ne comptait plus qu’une dizaine de membres et était assez peu actif. Ironiquement, c’est une consolidation d’entreprises qui contribuera à le relancer. Denis Landry, actuel directeur général de l’association, dirigeait la boulangerie Demers, à Sherbrooke, lorsque celle-ci fut vendue à Boulangerie St-Méthode en 2004.
« J’étais membre de Groupe Prestige et je croyais que l’on pouvait développer cette organisation, raconte-t-il. J’ai donc travaillé à mon compte une dizaine d’années pour notamment mettre sur pied un programme d’approvisionnement en commun pour des PME. » Depuis 2015, il travaille à temps plein pour le groupe, qui compte désormais 65 membres boulangers-pâtissiers et 35 autres du secteur du lait et des fromages.
Intelligence d’affaires
Le groupe offre deux programmes, dont le plus important est l’achat en commun de six intrants (farine de blé dur, sucre, levure fraîche, huile de canola, produits laitiers et œufs entiers liquides), en plus d’assurances et de certains produits et services.
« Nous établissons nos stratégies d’achat, par exemple le moment où l’on achète, en fonction de notre surveillance des marchés, car les prix de ces produits sont fixés sur les marchés financiers mondiaux et varient souvent », explique Denis Landry.
Les prix avantageux que les membres peuvent obtenir viennent donc de la stratégie d’achat et du volume. Le fournisseur, de son côté, reçoit la garantie de vendre certaines quantités. On retrouve notamment Agropur, Farinart, Les moulins de Soulanges et Lantic parmi la soixantaine de fournisseurs répertoriés sur le site du groupe.
Rabais et prévisibilité
Charles Bergeron-Vachon, vice-président à l’achat et à l’approvisionnement de La Petite Bretonne, à Blainville, voit plusieurs avantages à cette collaboration. Il a d’ailleurs contribué lui aussi à l’essor de Groupe Prestige, dans lequel il s’implique depuis de nombreuses années. « J’achète un gros volume de farine, mais des membres achètent plus d’autres ingrédients, comme le sucre ou le lait, donc je profite aussi de meilleurs prix sur ces intrants », souligne-t-il.
Partenariat et entraide
« Le but n’est pas seulement d’avoir un meilleur prix auprès des fournisseurs, mais de faire de ces fournisseurs des partenaires d’affaires précieux, qui assurent une stabilité à l’entreprise », précise celui qui préside actuellement le conseil d’administration de Groupe Prestige.
De son côté, Marie-Ève St-Amour met l’accent sur la collaboration entre les membres. « Nous sommes des compétiteurs, mais nous nous entraidons beaucoup et nous échangeons énormément d’informations, confie-t-elle. C’est rassurant, et on se sent beaucoup moins seuls face à des marchés complexes. »