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Le plastique, une histoire de la société de consommation

AFP|Publié à 13h18 | Mis à jour à 13h35

Le plastique, une histoire de la société de consommation

En 1884, le chimiste français Hilaire de Chardonnet brevette une fibre synthétique, première soie artificielle, connue sous le nom de «soie Chardonnet». (Photo: Getty Images)

Paris — Avant de menacer la biodiversité, les océans et la chaîne alimentaire mondiale, le plastique a sauvé des vies via un développement exponentiel intimement lié à l’essor de la société de consommation de masse depuis l’après-guerre.

Résistant, léger et économique, dans les années 1950 et les deux décennies qui ont suivi, le plastique a longtemps bénéficié d’une image positive «dans tous les domaines de la vie», note l’Atlas du Plastique, de la Fondation Heinroch Böll Stiftung.

Côté santé, les cathéters, poches, seringues et autres dispositifs médicaux en plastique à usage unique ont amélioré l’hygiène, la santé, et participé au rallongement de l’espérance de vie.

Via l’emballage, les plastiques ont conservé les produits, réduit le gaspillage alimentaire et de facto aidé à lutter contre la faim, soulignent ses soutiens.

«Fantastique» et «dramatique»

Au début des années 1990, l’épidémie de sida fait des ravages dans la jeunesse. Le groupe de rock français Elmer Food Beat chante «le plastique, c’est fantastique» pour encourager l’utilisation de préservatifs afin de se protéger contre la maladie: le latex, et par extension le plastique, est vu comme pouvant sauver des vies.

Mais 20 ans plus tard, au début des années 2000, les valeurs sociétales autour du plastique se sont inversées. Le groupe de rock remixe alors son tube, qui devient «le plastique, c’est dramatique» pour alerter sur la pollution plastique dans les océans.

Au 21e siècle, «le plastique devient intelligent, à l’écoute des gens» défend aujourd’hui Mickaël Pruvost, ingénieur de recherche au sein du groupe de chimie Arkema.

Le fabricant de polymères piézoélectriques gorgés d’électrons ou de capteurs parie sur des plastiques qui enregistrent mouvements, vibrations ou rythmes cardiaques, et envoient par exemple des signaux en cas de chute de personnes âgées ou de bébés.

Parkésine, celluloïd, bakélite

Deux siècles plus tôt, les premiers plastiques étaient tous à base de matières premières naturelles et renouvelables, comme le caoutchouc de Charles Goodyear. En 1862, la parkésine était fabriquée à partir de cellulose végétale et moulée à chaud.

En 1869, le celluloïd est inventé aux États-Unis: la parkesine chauffée, mélangée à du camphre et de l’alcool, a ses premières applications industrielles: elle remplace l’ivoire des boules de billard, l’écaille des peignes et fabrique les premières pellicules cinématographiques.

En 1884, le chimiste français Hilaire de Chardonnet brevette une fibre synthétique, première soie artificielle, connue sous le nom de «soie Chardonnet» qui deviendra plus tard le nylon et le tergal.

Le premier plastique entièrement synthétique et vierge de toute molécule présente dans la nature est inventé aux Etats-Unis en 1907 par le chimiste belge Léo Baekeland: la bakélite, issue d’une réaction entre le phénol et le formaldéhyde. Il sert à fabriquer des boîtiers de téléphone, des prises électriques ou des cendriers.

Production multipliée par 230

En 1912, le pionnier des polymères, le chimiste allemand Friz Klatte brevette le polychlorure de vinyle, plus connu sous le nom de PVC, qui décolle dans les années 50, avec la découverte qu’il peut être fabriqué à partir d’un sous-produit de l’industrie chimique: le chlore, très bon marché.

La production industrielle se développe d’ailleurs aussi dans les années 50, à partir de fractions raffinées de pétrole, et autour de trois produits phare: le polyamide qui a fait ses preuves dans les parachutes américains lors du débarquement de juin 1944 sur les côtes normandes, le téflon, matériau de guerre utilisé pour sa résistance avant de recouvrir les poëles à frire du monde entier, puis le silicone.

Le plastique est désormais omniprésent dans tous les interstices de la vie quotidienne. La production mondiale a explosé de façon exponentielle: multipliée par 230 entre 1950 et aujourd’hui alors que la population mondiale triplait à 8,2 milliards d’habitants, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Aujourd’hui, 60% du plastique produit va à l’emballage, au bâtiment et au transport, 10% va au textile, 4% à l’électronique, 10% aux produits de consommation, 2% aux pneus, et 15% à d’autres utilisations. 9% est recyclé selon l’OCDE, et 22 millions de tonnes finissent chaque année dans l’environnement.

Depuis 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé des évaluations sur les conséquences pour la santé humaine (système immunitaire, respiratoire, perturbations endocriniennes, baisse de la fertilité), des microplastiques hérités de la dégradation des déchets plastiques (macro-plastiques) dans l’environnement.