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Tokyo investit massivement dans l’IA et les semi-conducteurs

AFP|Publié le 20 novembre 2024 | Mis à jour à 13h43

Tokyo investit massivement dans l’IA et les semi-conducteurs

Le Japon veut se positionner comme un joueur majeur dans le domaine de l'IA, notamment pour redresser son économie à la peine. (Photo: Adobe Stock)

Le Japon veut investir 64 milliards de dollars américains de fonds publics dans l’intelligence artificielle (IA) et les semi-conducteurs d’ici 2030 pour récupérer son statut de puissance technologique, un moyen aussi d’accompagner son vieillissement démographique et de se préparer à une éventuelle crise taïwanaise, selon les experts.

À la suite d’annonces du premier ministre Shigeru Ishiba, le gouvernement doit approuver cette semaine un plan de 64 milliards de dollars américains d’aides publiques aux technologies de pointe d’ici la fin de la décennie, pour appuyer le projet Rapidus de production de semi-conducteurs de la prochaine génération.

D’ores et déjà, les projets se multiplient.

Le conglomérat nippon SoftBank a annoncé la semaine dernière vouloir développer un superordinateur utilisant des puces de pointe de l’américain Nvidia, et transformer ses infrastructures télécoms en «réseau IA» de mini-centres de données à travers le Japon, par exemple pour rendre les usines plus efficaces ou guider les voitures autonomes.

L’américain Microsoft, partenaire d’OpenAI (créateur de ChatGPT), et ses compatriotes Amazon et Google ont tous annoncé courant 2024 des investissements dans l’IA au Japon.

Ce regain d’appétit pour le Japon intervient à l’heure où le pays, qui avait dominé la scène technologique dans les années 1980, s’efforce désormais de rattraper son retard, selon Kelly Forbes, président de l’AI Asia Pacific Institute.

«Pendant une période assez longue, le Japon a vu passer en observateur une grande partie de l’innovation, en particulier l’intelligence artificielle. Mais ces deux ou trois dernières années, le Japon a pris conscience du potentiel» de ces technologies, explique-t-elle à l’AFP.

Mais, avertit-elle, si ses voisins d’Asie du Sud-est investissent eux-aussi dans l’IA, l’archipel nippon a «davantage de problèmes urgents» à résoudre, entre croissance atone, déclin démographiques et vives tensions géopolitiques régionales.

Défi énergétique

Or, l’automatisation par l’IA peut aider le Japon vieillissant, observe Seth Hays, auteur de la publication spécialisée Asia AI Policy Monitor. «Le pays doit utiliser l’IA pour obtenir les gains de productivité qui lui permettront de continuer à vivre.»

De même, Tokyo anticipe le scénario-catastrophe d’une invasion ou d’un blocus, par la Chine populaire, de l’île de Taïwan où sont produites l’essentiel des semi-conducteurs les plus sophistiqués.

L’incontournable mastodonte taïwanais sur ce créneau, TSMC, a ouvert en février une nouvelle usine à 8,6 milliards de dollars américains dans le sud du Japon, et prévoit la construction d’un deuxième site, un investissement évalué cette fois à 20 milliards de dollars, pour la fabrication des puces les plus avancées.

Entre-temps, le Japon a déjà dépensé 25 milliards de dollars américains en subventions publiques dans le secteur des semi-conducteurs ces trois dernières années, soit une part plus importante de son PIB que les aides équivalentes aux États-Unis et en Allemagne.

L’investissement japonais dans les semi-conducteurs, composants «au coeur de l’innovation en matière d’IA», vise à «rester compétitif», mais aussi à «se préparer à cette tension géopolitique croissante», résume Kelly Forbes.

Autre défi, l’archipel, très dépendant de ses importations d’hydrocarbures pour alimenter ses centrales électriques, pourrait avoir du mal à trouver les énormes volumes d’énergie nécessaires pour ses ambitieux projets liés à l’IA, alors même qu’il commence tout juste à relancer le nucléaire, avertit Seth Hays.

«La fabrication de puces peut être très énergivore, tout comme les centres de données», souligne-t-il, notant qu’à Taïwan, TSMC utilise 8% des ressources en électricité dans l’île.

Souplesse réglementaire

La route s’annonce longue: dans le classement mondial de la compétitivité numérique établi par l’école de gestion suisse IMD, le Japon n’occupe que le 31e rang cette année (contre le 32e en 2023).

Pour autant, l’archipel pourrait indirectement bénéficier des importants assouplissements réglementaires attendus dans le secteur avec le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump.

Et même s’il s’efforce de promouvoir à l’international une intelligence artificielle sûre et sécurisée dans le monde entier, Tokyo se montre plutôt accommodant en matière de réglementation de l’IA sur son sol.

«Aucun système d’IA ne sera bâti sans que les données franchissent les frontières, et le Japon a vraiment pris les devants en s’assurant que cela puisse être le cas avec des partenaires de confiance», a indiqué Seth Hays.

De plus, ajoute-t-il, «la loi japonaise sur les droits d’auteur est l’une des plus favorables à l’IA dans le monde: elle permet aux entreprises de s’entraîner sur des données protégées par le droit d’auteur, même à des fins lucratives».

L’objectif pour les Japonais est d’attirer des entreprises et de s’imposer comme une nation favorable à l’IA. Mais, avertit Seth Hays, «ils veulent aussi en tirer un retour sur investissement».